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Trois questions sur la pollution aux billes de plastique qui souille les plages du littoral français

De minuscules pellets de plastique se sont récemment échoués sur les côtes du Finistère, de Vendée, et, ces derniers jours, de Loire-Atlantique. Cette pollution sûrement rejetée par des conteneurs s’avère très difficile à nettoyer et toxique pour les organismes vivants.

Un « cauchemar environnemental ». C’est ainsi que le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a qualifié les milliers de granulés de plastique découverts ces dernières semaines sur les plages du Finistère, de la Vendée puis de la Loire-Atlantique. Des opérations de nettoyage ont été organisées samedi 21 et dimanche 22 janvier, pour ramasser le plus possible de ces minuscules billes de quelques millimètres, également appelés pellets ou « larmes de sirène ».

Plusieurs plaintes contre X ont déjà été déposées, mais il est quasi impossible de retrouver les responsables de ces marées blanches qui se répandent régulièrement depuis plusieurs années sur les plages européennes. Franceinfo vous en dit plus.

1 Où a-t-on observé ces microbilles et à quoi ressemblent-elles ?

Trois épisodes de pollution ont été constatés depuis début décembre, selon France Bleu. Ces billes de plastique ont d’abord été retrouvées dans la baie d’Audierne, dans le Finistère. Puis, elles ont essaimé il y a une quinzaine de jours en Vendée, notamment aux Sables-d’Olonne et à Noirmoutier, avant de toucher le littoral de la Loire-Atlantique en fin de semaine dernière, « à La Bernerie-en-Retz, Pornic ou encore Saint-Brévin-les-Pins », précise France Bleu. « C’est une pollution qui se déplace », a expliqué à l’AFP Lionel Cheylus, porte-parole de l’ONG Surfrider Foundation Europe, qui a appelé à une mobilisation citoyenne pour venir nettoyer les côtes concernées ce week-end. La météo agitée de ces dernières semaines, avec la tempête Gérard, a accéléré la propagation. 

Depuis novembre 2022, des billes de microplastiques déferlent sur les plages de la côte atlantique. Une situation qui attriste les élus locaux, dont certains ont porté plainte.
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Ces microbilles ont également été retrouvées dans d’autres endroits du monde. « Il y a quelques années, on a par exemple eu un cas en zone baltique, où un seul conteneur a pollué plus de 600 sites », a souligné une autre porte-parole de Surfrider, Antidia Citores. Mais les quantités retrouvées sur les plages françaises sont particulièrement importantes. Celles de Pornic en ont été recouvertes. « Il y en avait des milliers, c’est choquant », s’est alarmé Jean-François Grandsart, le responsable de l’ONG dans cette station balnéaire, au micro de France Bleu. Un bénévole habitant « depuis vingt ans » dans la ville assure n’avoir « jamais vu ça ». « C’est ingérable. On ne peut pas tamiser le sable parce qu’il y en a sur toutes les plages, dans toutes les criques et sur tout le littoral entre les rochers. C’est juste infaisable », a déclaré, affolé, le maire de Pornic sur Europe 1.

La collecte de ces pellets, aussi appelés GPI (granulés plastiques industriels), est particulièrement fastidieuse. Il faut en effet utiliser un tamis pour les dissocier du sable, car ces billes blanches ou translucides non recyclables ne mesurent qu’un ou deux millimètres de diamètre. « Même la maille des filets des cribleuses [machines qui nettoient les plages] est trop grosse », pointe Jean-François Grandsart.

Les différentes opérations de nettoyage ont tout de même permis d’en collecter une quantité conséquente, comme à Tréguennec, une commune de la baie d’Audierne, où « 12 litres, soit 60 000 de granulés plastiques industriels » ont été collectés en un peu plus d’une heure par « les quelque 90 citoyens mobilisés », note Le Télégramme.

2 Quelle serait l’origine de cette pollution ? 

Cela fait des années que des plages françaises, mais aussi espagnoles, belges ou encore néerlandaises sont envahies par ces billes de plastique. Selon un rapport de la Commission européenne (en anglais), chaque année, 160 000 tonnes de ces granulés plastiques seraient perdues dans la nature en Europe, l’équivalent de 40 milliards de bouteilles en plastique ou du poids de 16 tours Eiffel.

Fabriquées partout dans le monde, elles servent à la confection de pièces en plastique et sont transportées essentiellement par voie maritime puis stockées dans des conteneurs. Celles retrouvées sur les plages ces dernières semaines se seraient donc échappées d’un conteneur « qui, peut-être, s’était abîmé il y a certain temps et qui, avec les tempêtes récentes, s’est ouvert », avance Lionel Cheylus.

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Pour tenter d’y voir plus clair, des équipes du Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre) ont été envoyées sur l’ensemble des sites concernés avec des agents de la direction départementale des territoires et de la mer. La conclusion est claire : « L’origine industrielle ne fait aucun doute », assure Kevin Tallec, ingénieur environnement et enquêteur du Cedre, au Parisien (article payant)« Difficile par contre de dire si ces granulés, qui sont une base pour la confection par extrusion de bouteilles en plastique par exemple, proviennent d’un conteneur tombé en mer ou d’une fuite d’un site industriel situé dans l’estuaire de la Loire », ajoute-t-il.

Plusieurs maires de Vendée et de Loire-Atlantique ont déposé plainte contre X, comme celui de Pornic, Jean-Michel Brard, de même que le maire des Sables-d’Olonne, Yannick Moreau, et la présidente de la région Pays de la Loire, Christelle Morançais. « Je ne voudrais pas que le transport maritime, la mer et le littoral soient perçus comme des zones de non-droit », a déclaré Yannick Moreau à franceinfo, ajoutant qu’« il faut que la responsabilité des délinquants qui provoquent ce type de pollution soit recherchée et qu’ils soient condamnés ». L’Etat va également intenter « une action en justice », a fait savoir le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu.

« C’est toujours très compliqué une plainte contre X (…) c’est une enquête longue et compliquée. Ce qui compte pour nous, ce sont des mesures de prévention, de sanction et une législation prise à l’échelle européenne contre les faiseurs de pollution », insiste de son côté Lionel Cheylus auprès de RFI

3 Quel est leur impact sur l’environnement ? 

Les dégâts sont considérables. En mer, ces billes sont un danger pour les animaux marins, qui peuvent les confondre avec de la nourriture et les ingérer. Ces plastiques peuvent aussi se retrouver dans les huîtres ou les moules. Ils se fragmentent, puis se retrouvent désagrégés par la suite dans la chaîne alimentaire et « entrent dans les organismes humains », détaille Antidia Citores. « Ces plastiques restent également sur les plages, parfois des années, en grande quantité, et perturbent ainsi les écosystèmes, notamment la ponte des tortues », ajoute-t-elle, soulignant que « cette pollution est irréversible ».

D’après le ministère de la Transition écologique, cette pollution représente chaque année l’équivalent de plus de 11 milliards de bouteilles en plastique jetées dans l’environnement. Des discussions européennes sont en cours pour limiter les pertes de GPI mais elles « ne sont pas assez contraignantes et efficaces » et doivent absolument « être plus suivies et renforcées », pointe Surfrider auprès de France 3 Bretagne

Au niveau français, le décret d’application de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, paru en 2021, prévoit que les entreprises aient l’obligation de mettre en place des actions pour contenir les pertes de ces plastiques. Depuis le 1er janvier 2022, tous les sites de production, de manipulation et de transport de ces granulés « doivent être dotés d’équipements et de procédures pour éviter leur fuite dans la nature », écrit le ministère de la Transition écologique sur son site.

Mais ces procédures ne s’appliquent pas en dehors du territoire français. Il faudrait qu’on ait une « définition claire, au niveau international, disant qu’il s’agit là de produits dangereux, et, une fois que cette condition est remplie et reconnue, qu’il y ait une couleur spécifique des conteneurs permettant d’identifier qu’il y a de la dangerosité », a fait savoir Joël Guerriau, sénateur de Loire-Atlantique, à l’AFP. Surfrider dit compter sur la France « pour porter ce leadership sur la réduction des microplastiques de façon contraignante ». 


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