Culture

Artistes, à quoi rêvez vous pour 2019 ?

Deena Abdelwahed : «Une scène artistique locale puissante»

Deena Abdelwahed : «Une scène artistique locale puissante»

29 ans, musicienne tunisienne.
«Je rêve d’un monde sans visa et, en général, d’un monde où l’égalité des chances serait une réalité. Des projets fous, pour 2019, j’en ai plusieurs : me reposer deux jours avant et après chaque gig, à la maison… Construire une scène artistique locale puissante et durable à Toulouse. Et écrire une pièce de théâtre musical.»

Samuel Achache : «Rechercher une troisième musique»

Samuel Achache : «Rechercher une troisième musique»

37 ans, metteur en scène.
«Je suis ennuyé avec cette question du vœu, car c’est précisément ce que je suis en train d’essayer de réaliser. Je veux monter un orchestre un peu bizarre, avec des musiciens baroques, classiques et de jazz. La spécialité de cet orchestre ne sera pas le répertoire – il pourra tous les traverser – mais les gens qui le composent. Le vœu serait que de la musique naisse autre chose. Il faudrait rechercher une troisième musique : il y a celle dont on part, celle à laquelle sont habitués les musiciens, et la troisième, qu’on ira chercher. Avec, aussi, un rapport performatif au plateau. Et cette question : comment regarder la musique ? Quel « théâtre » naît de cette musique ?»

Kader Attia : «Fuir ce monde numérique»

Kader Attia : «Fuir ce monde numérique»

47 ans, plasticien.
«Mon rêve un peu fou pour 2019 serait de créer à Berlin, où j’habite aussi, une deuxième Colonie [son établissement parisien, entre bar et lieu d’échanges, ndlr]. Car là-bas aussi, le fascisme monte lentement. Un rêve qui me hante de plus en plus, c’est de voir se multiplier des espaces de débats publics et engagés politiquement mais qui soient aussi des lieux de partage et de fête, accessibles à tous comme ce lieu que nous avons créé à Paris. Je rêve d’un grand élan collectif qui redonne du vivant à nos rapports humains. Avec des endroits où, physiquement, nous nous rencontrons à nouveau pour fuir ce monde numérique et ses dérives faussement collectives qui nous font croire que nous sommes ensemble alors que nous n’y sommes que virtuellement. Il est temps de retrouver notre instinct grégaire, celui de la communauté soudée contre les dangers de la nuit.»

Geoff Barrow : «Une machine à broyer le bullshit»

Geoff Barrow : «Une machine à broyer le bullshit»

47 ans, producteur et musicien britannique des groupes Portishead et Beak.
«Je voudrais inventer une machine à broyer le bullshit. Elle fonctionnerait avec toutes les formes de bullshit : en musique, politique, publicité, religion, science, amour… On pourrait alors se forger des opinions sur des faits plutôt que du bullshit.»

Marco Berrettini : «La Disneylandisation des monuments sacrés»

Marco Berrettini : «La Disneylandisation des monuments sacrés»

55 ans, chorégraphe italo-allemand.
«Ce serait de pouvoir réaliser un jour un projet sur lequel j’avais beaucoup travaillé il y a quelques années et qui s’est effondré pour des questions économiques, parce qu’en gros je crois que l’Etat du Nevada ne s’intéresse pas trop à la culture européenne postmoderne ! J’avais lu le Réel et son double du philosophe Clément Rosset, un essai sur l’illusion dans lequel il développe sa thèse sur le fait que les gens s’attachent plus à des fétiches, à des copies du réel qu’au réel lui-même parce qu’il est trop violent. Et je voulais donc créer une œuvre qui se déroulerait simultanément à Las Vegas, là où l’on trouve beaucoup de répliques des monuments du patrimoine mondial, et dans les villes où l’on trouve les originaux : Paris avec la tour Eiffel, Venise et sa lagune, l’Egypte avec les pyramides. Via des écrans, des gens auraient réfléchi à la Disneylandisation des monuments sacrés ou historiques. Malheureusement, je pense que je ne pourrai jamais le faire. Face aux logiques des curateurs et des programmateurs – qui se risquent de moins en moins sur des projets loufoques sans la garantie qu’ils aient du succès –, j’ai appris à baisser les bras. Je n’ai plus les nerfs pour ça.»

Béatrice Berrut : «Un répertoire fou»

Béatrice Berrut : «Un répertoire fou»

33 ans, pianiste suisse, future cheffe et distillatrice.
«Pour la partie purement égoïste, s’ouvre une année de concrétisation de mes rêves dans tous les domaines : je me sens mûre pour aborder la sonate de Liszt et le concerto de Brahms, que je vais jouer en concert à partir de janvier. Mais je me lance aussi dans la direction d’orchestre : je deviens cheffe assistante, sur une œuvre extrêmement complexe d’un compositeur suisse, Othmar Schoeck. C’est dingue, ça m’ouvre un répertoire fou ! Et enfin, je vais faire un stage d’une semaine dans la distillerie Springbank, en Ecosse, pour apprendre le maltage et la mise en bouteille, dans l’idée un jour de produire mon propre whisky. Ce qui me conduit à faire le vœu, pour les autres, d’avoir le courage d’aller jusqu’au bout de ses rêves. N’attendez pas trop et faites ce que vous avez envie de faire !»

Barbara Carlotti : «Un teen-movie fantastique, l’été 1988, en Corse»

Barbara Carlotti : «Un teen-movie fantastique, l’été 1988, en Corse»

44 ans, chanteuse.
«Je voudrais réaliser mon premier film, une comédie musicale chantée et dansée par des adolescentes dont j’ai écrit le scénario et la musique. C’est un teen-movie fantastique qui se passe à l’été 1988 en Corse, tout près de mon village. Je prends des conseils auprès de Bertrand Mandico – dont j’ai adoré les Garçons sauvages – pour la réalisation. Hier soir, il m’expliquait qu’il dessinait chaque plan. Je réfléchis à une manière analogue de préparer la réalisation. C’est un travail hyper excitant mais qui me semble très ambitieux et risqué. Mais je vais m’y mettre avec ferveur, mettre des images personnelles sur ma musique est une étape très importante dans ma vie d’artiste. Je rêve d’ailleurs d’un concert entièrement mis en image par Bertrand Mandico pour 2019.»

Chassol : «Jouer un rêve sur scène»

Chassol : «Jouer un rêve sur scène»

42 ans, musicien.
«Je rêve très peu ces temps-ci car je travaille nuit et jour pour voir se réaliser physiquement un rêve vieux de quatre ans, que j’espère arriver à jouer sur scène.»

François Chaignaud : «Mémoire et testicules ordinaires de bélier»

François Chaignaud : «Mémoire et testicules ordinaires de bélier»

35 ans, chorégraphe, danseur et chanteur.
«Alors qu’on m’interroge sur des vœux insolites ou utopiques, je repense aux testicules ordinaires de bélier, que l’auteur de Rhetorica ad Herennium (ouvrage de rhétorique du Ier siècle avant J.-C., longtemps attribué à Cicéron) conseille de visualiser à l’avocat qui doit se rappeler d’une affaire à plaider, impliquant une victime empoisonnée, un coupable qui espère détourner un héritage, et des témoins. Imaginer les testicules permet à l’avocat de se remémorer la présence nombreuse de témoins (testes) par substitution auditive. Je fais le vœu d’une année profuse en visualisation de testicules de bélier, annonciatrices d’une mémoire exponentielle, condition (médiévale ?) indispensable à une imagination… féconde, délirante, ou salvatrice.»

Jean-Claude Crochu : «Eviter une collision dévastatrice avec une comète géante»

Jean-Claude Crochu : «Eviter une collision dévastatrice avec une comète géante»

58 ans, pataphysicien anglo-normand.
«Mon vœu serait de pouvoir miniaturiser l’atome. Ainsi, on diminuerait la taille de la Terre, ce qui nous permettrait d’éviter une collision dévastatrice avec une comète géante. Et si d’ici là, on pouvait accroître à l’infini le budget de la Culture, ce serait pas mal.»

Dominique Dalcan : «Faire table rase de manière hygiénique»

Dominique Dalcan : «Faire table rase de manière hygiénique»

52 ans, musicien.
«L’une des dernières images que j’ai postée sur les réseaux sociaux synthétise pas mal ce que j’ai en tête : de la beauté au milieu de la colère. C’est une photo de la mise en place du début de mon concert, une planche et un micro, pris pendant une performance au CentQuatre au moment où Paris était bloqué par “l’acte V” des gilets jaunes. Il y un côté schumpétérien là-dedans – un bon projet d’ailleurs pourrait consister à redéfinir ce que Schumpeter entendait par destruction créative. Depuis deux ans, j’ai l’impression de ne pas être audible, et pas seulement artistiquement, ce qui m’a amené à beaucoup interroger la caisse de résonance qu’est notre société, comment on s’y situe, où est-ce qu’on place son éthique. Temperance, le projet qui m’occupe principalement depuis deux ans et que j’aimerais que plus de gens connaissent, nous parle d’aujourd’hui. Il explore des territoires à portée de main – la conscience écologique, la peur de l’intelligence artificielle. En 2019, comme en 2018 et 2017, Temperance va continuer et je vais me réinventer, faire table rase de manière hygiénique. J’espère me définir, dans les mois à venir, en menant un projet d’exposition transdisciplinaire – vidéo, musique, art performatif, installation – qui aura pour thème l’exil. J’espère qu’il permettra de redonner une valeur à ma musique, puisqu’elle est désormais dépourvue de valeur absolue. Peut-être qu’à l’issue de l’expo, un objet va naître, disque ou pièce de théâtre, qui échappera aux réseaux sociaux, qui aura une existence en soi. Comment survivre aux réseaux sociaux : voici un autre beau projet.»

Claire Denis : «Transie, ralentie et pas prête à sauter»

Claire Denis : «Transie, ralentie et pas prête à sauter»

72 ans, cinéaste («High Life»)
«Je n’ai jamais rêvé d’un film à faire. D’un projet. Au sens figuré non plus. Je crois que je peux rêver le film, en revanche, quand il est déjà en route. Quand il me somme d’être là, à sa hauteur. En décembre, en plein hiver, je suis transie, ralentie et pas prête à sauter dans une année nouvelle. J’ai l’impression que je vais oublier quelque chose derrière. High Life est toujours présent, je ne l’ai pas quitté encore. Et puis je lis que Sondra Locke est morte. Toute la semaine, j’ai pensé à elle, j’ai rêvé d’elle. Elle m’a tant intimidée. Elle avait le pouvoir d’arrêter le cours du temps du film et de nous prendre à témoin. D’interroger les femmes surtout. Comment est-elle arrivée là, dans les films ? Pas seulement par Clint Eastwood, elle s’est avancée avec bravoure, audace, dans le monde brutal qui fait peur.»

Adama Diop : «Qu’on n’en fasse plus des articles»

Adama Diop : «Qu’on n’en fasse plus des articles»

37 ans, acteur.
«Mis à part mon rêve d’enfant, qui serait de jouer dans des films américains (j’aime particulièrement le cinéma de Jeff Nichols et Christopher Nolan, par exemple), je rêve qu’un jour on me parle de mon métier plutôt que de ma couleur de peau. Je rêve du moment où les acteurs de couleur seront suffisamment intégrés au théâtre, au cinéma, dans les médias, pour qu’on n’en fasse plus un sujet, qu’on n’en fasse plus des articles, que ce soit suffisamment normal, admis qu’un Noir puisse jouer Macbeth, que plus personne ne parle du fait qu’il soit noir. En tant qu’acteur, j’aimerais qu’on me parle davantage des problématiques artistiques des personnages que j’incarne.»

Fabcaro : «Les cafés mal famés des villes portuaires»

Fabcaro : «Les cafés mal famés des villes portuaires»

45 ans, bédéaste et écrivain.
«Je vais vous sembler manquer considérablement d’ambition, mais mon projet de rêve, ce serait de continuer à faire ce que je fais déjà dans ma vraie vie : passer mon temps à écrire et à rêvasser à ce que je vais écrire. Sinon, aller boire des coups dans les cafés mal famés de toutes les villes portuaires du monde, mais sans prendre l’avion (oui, je sais, c’est compliqué), me balader au milieu des vignes avec Jean-Louis Trintignant ou Jean-Claude Carrière et les écouter me parler de leur vie, savoir jouer des morceaux tziganes au violon et du flamenco à la guitare, revoir Frank Black en concert, et mourir de vieillesse dans mon sommeil. Je crois que c’est à peu près tout.»

Emil Ferris : «Des créatures psychédéliques en tissu»

Emil Ferris : «Des créatures psychédéliques en tissu»

56 ans, bédéaste américaine.
«Voilà les trois choses que j’aimerais faire : d’abord, je voudrais passer quelques mois dans un endroit avec une vue à couper le souffle pour finir mon recueil d’histoires courtes qui s’appellera « Jouets de verre » [en français dans le texte, ndlr]. Je voudrais aussi concevoir des créatures psychédéliques en tissu, et fabriquer des chapeaux de sorcières et de monstres bizarres. Enfin, si je pouvais, j’aimerais monter une pièce de théâtre autour des monstres, dans laquelle des acteurs et d’énormes marionnettes que j’aurais dessinées se partageraient la scène.»

Julien Gosselin : «L’utopie d’un théâtre permanent»

Julien Gosselin : «L’utopie d’un théâtre permanent»

31 ans, metteur en scène.
«Mon rêve serait de trouver un lieu dans une grande ville pour un théâtre permanent, nuit et jour. J’aimerais y convier un milliard d’artistes mais sur un temps très court, un an ou deux ans, tout au plus, car au bout de l’aventure, tout le monde serait mort de fatigue. Ce pourrait être une friche ou un musée, un endroit qui abandonnerait sa fonction initiale pour cette parenthèse éphémère, ou un endroit abandonné qui ressusciterait. Il y aurait de la musique, du cinéma, du théâtre, mais en permanence. J’aimerais y montrer des formes très simples de théâtre, des concerts, où le public pourrait entrer et sortir sans contrainte, dans une ambiance énergique, conviviale et festive. On irait sans autre but que de découvrir, les insomniaques s’y retrouveraient tout comme ceux qui ont des horaires décalés, mais aussi les employés à heures fixes et les chômeurs, les exilés, les voyageurs. Les artistes seraient payés. C’est une utopie, il doit exister une solution pour la faire advenir. Je rêve cet espace pour essayer quelque chose durant les deux années qui précèdent mon arrivée sur le port de Calais dans un théâtre qui n’a pas encore de nom, et dont la construction devrait commencer dans un an.»

Ryusuke Hamaguchi : «Filmer un destin rude»

Ryusuke Hamaguchi : «Filmer un destin rude»

40 ans, cinéaste («Senses»).
«Je voudrais faire un film sur l’ambassade Tensho. Le film raconterait l’histoire de quatre garçons envoyés en Europe au XVIe siècle pour apprendre la religion chrétienne. Il serait composé de deux parties : la première aurait la forme d’un film de jeunesse, plein d’espoir, sur ces garçons jusqu’à leur rencontre avec le pape à Rome. La deuxième raconterait leur vie de retour au Japon, les liens qui les unissent et leur séparation après la persécution des chrétiens. Ça m’intéresse de faire un film sur leur destin rude.»

Mia Hansen-Love : «Une boussole mystérieuse»

Mia Hansen-Love : «Une boussole mystérieuse»

37 ans, cinéaste («Maya»).
«En 2019, j’essaierai d’affronter Annemarie Schwarzenbach [photographe et aventurière suisse, morte en 1942, ndlr]. Enfin. Son visage androgyne, son écriture entre poésie et journalisme, hallucinations et lucidité, ses tourments et sa courte vie me hantent depuis des années. Violence/douceur, énergie créatrice/autodestruction acharnée, fuite/courage, dépendance/liberté : les oppositions qui la caractérisent et l’intense mélancolie qui émane d’elle sont pour moi une perpétuelle source d’inspiration. Elle incarne, à la marge, une idée de l’Europe vers laquelle j’ai toujours été aimantée et que je rêve de mettre en scène. J’y reviens entre chaque film mais repousse à chaque fois le moment de m’élancer : trop vaste, trop cher, trop compliqué, Annemarie Schwarzenbach n’a cessé de parcourir le monde… En attendant de trouver la bonne porte et sans forcer les choses, je laisse son visage s’effacer et réapparaître, entretenant avec lui un dialogue silencieux, usant de sa présence/absence comme d’une boussole mystérieuse pour me guider à travers mes propres doutes.»

Naomi Harris : «70 jours de canoë-kayak en costume d’époque»

Naomi Harris : «70 jours de canoë-kayak en costume d’époque»

45 ans, photographe canadienne.
«J’ai cinq projets différents sur le feu, auxquels j’ai travaillé simultanément et donc ce serait formidable d’en voir quelques-uns aboutir en 2019. Le plus cher à mes yeux est “Haddon Hall”, mon tout premier projet photographique, réalisé il y a vingt ans dans un hôtel à Miami, que j’aimerais voir publié avant la fin de l’année. Cela marquerait vingt ans de carrière. L’été dernier, j’ai probablement réalisé le projet le plus fou de ma vie : j’ai passé 70 jours en canoë-kayak dans la nature canadienne en costume d’époque pour une performance artistique. C’était une approche totalement nouvelle et différente de la façon dont je travaillais jusqu’ici, excitante et terrifiante à la fois. Et maintenant, il me faut trouver des lieux pour montrer ce travail (avis lancé aux commissaires d’expo !). Je rêverais aussi d’être la demoiselle d’honneur d’au moins 100 couples qui se marient. Et après avoir vécu vingt-quatre ans aux Etats-Unis et quarante-cinq ans en Amérique du Nord, j’adorerais débarquer de votre côté de l’Atlantique et essayer de vivre en Europe pour y reprendre des études. Cela paraît réalisable, n’est-ce pas ?»

Laura Henno : «Une caravane idéale»

Laura Henno : «Une caravane idéale»

42 ans, photographe.
«La seule chose qui me tient à cœur, ce serait de retourner à Slab City [vestiges d’un ex-camp militaire démantelé au milieu du désert californien, et campement où vivent quelque 300 marginaux, ndlr], pour continuer mon projet « Outremonde », y vivre, photographier et filmer. Mais cela demande de la planification, de l’argent aussi. Je souhaiterais y réinstaller mon « Ideal Trailer » (caravane idéale) et être encore plus autonome avec les panneaux solaires, faire un film alimenté uniquement à l’énergie solaire. Nicholas, l’une des personnes centrales de ce petit monde [et jeune aspirant pasteur]. Malheureusement, il n’y est plus. Il est parti en cure de désintox. Nous formions une famille. C’est difficile, l’aventure sans lui. J’aimerais qu’il aille au bout de son utopie, qui était de parfaire son jardin-potager dans l’écrin du désert brûlant, pour nourrir ceux qui n’ont rien à manger. Etre à Slab City, c’est aussi se rendre compte qu’on laisse derrière soi les préoccupations des grands de ce monde et que l’on revient à quelque chose de plus simple : comme s’alimenter en eau, se chauffer, parmi tant d’autres choses… tout ce qui permet, en somme, de créer des liens forts avec les gens autour de soi, bien loin de l’individualisme capitaliste.»

Christophe Honoré : «Profiter de l’été après avoir fait semblant d’écrire»

Christophe Honoré : «Profiter de l’été après avoir fait semblant d’écrire»

48 ans, cinéaste et metteur en scène («Plaire, aimer et courir vite»).
«J’ai le projet de faire semblant d’écrire en 2019. C’est à la fois une cible et un doute. Passer des heures molles à lire une page à gauche, à droite, chercher des mots dans le Thésaurus et calculer chaque soir le nombre de signes tapés. Se coucher et céder à l’angoisse que cela ne se terminera jamais. En attendant, je tournerai un film et mettrai en scène un opéra et ce sera déjà le plein été. J’ai le projet de profiter de l’été en 2019. C’est à la fois un espoir et une incertitude. Passer des heures vives à nager dans l’eau froide, chercher des menus dans des livres de cuisine et évaluer chaque soir la progression du bronzage au niveau des hanches. Se coucher et céder à l’illusion que cela ne se terminera jamais. En attendant, je monterai le film que j’aurai tourné, puis je le mixerai et ce sera presque l’hiver. J’ai le projet de me coucher souvent contrarié en 2019.»

Jean-Michel Jarre : «Une garde-robe complète pour les gilets jaunes»

Jean-Michel Jarre : «Une garde-robe complète pour les gilets jaunes»

70 ans, musicien.
«Que Dieu se réveille et rattrape le temps perdu, que les gilets jaunes puissent se payer d’urgence une garde-robe complète, que les Gafa rendent l’argent, que je puisse jouer pour la jeunesse de Corée du Nord et d’Iran, entre autres.»

Kiyoshi Kurosawa : «Montrer l’histoire du Japon par bouts de cinq minutes»

Kiyoshi Kurosawa : «Montrer l’histoire du Japon par bouts de cinq minutes»

63 ans, cinéaste japonais («Invasion»).
«Jusqu’à présent, je n’ai tourné que de pures fictions ; maintenant j’ai envie de faire un film fondé sur des faits réels. Je voudrais réaliser un film qui se composerait d’une vingtaine d’épisodes décrivant les moment cruciaux de l’histoire du Japon. Par exemple, la Restauration de Meiji ou la guerre du Pacifique. Ce ne serait pas si facile de décider quels moments mais ce serait ceux qui ont bouleversé ce pays. Chaque épisode pourrait durer cinq minutes, ils s’enchaîneraient et les spectateurs pourraient se sentir les témoins de la marche de l’histoire. Il n’y aurait pas forcément de cohérence ou de liaison visible entre les épisodes, mais en voyant le film entier, on pourrait sentir cette histoire vivre, et quelque chose comme le flot du temps. En fait, j’ai longtemps eu le projet de tourner un film sur la relation historique entre le Japon et la Chine, 1905, qui a finalement échoué, et je voudrais prendre la revanche de cette idée.»

Amanda Lear : «On sait pas pourquoi»

Amanda Lear : «On sait pas pourquoi»

Environ 79 ans, activiste.
«Devenir ministre de la Culture, évidemment ! J’aurais pu dire présidente de la République, pape ou reine d’Angleterre aussi. Je ne connais pas le nouveau, là [Franck Riester, ndlr], je ne l’ai croisé qu’une fois, mais enfin, dans les dernières années toutes ces dames, que ce soient les Pellerin, les Nyssen et compagnie, elles n’ont pas fait grand-chose pour la culture française, avouons-le. Donc je me dis que je ne peux pas faire pire de toute façon. Depuis Jack Lang, nous n’avons pas eu un ministre de la Culture qui marque. On s’est moqué un peu de lui car on le retrouvait dans des cocktails à bouffer des petits fours, mais quand même, c’était un ministre présent, quelqu’un qui a fait des choses : inventer la Fête de la musique, tout ces trucs-là… Pour s’occuper de la culture, je pense qu’il faut quelqu’un qui s’y connaisse un peu, or là j’ai l’impression qu’on prend des gens comme ça, on sait pas pourquoi.
«Je vais encore passer pour une vieille réac : je parlais à des élèves la dernière fois qui ne savaient pas qui sont Gustave Moreau, Raphaël, ou Michel-Ange… On leur apprend la géographie, l’arithmétique… mais l’Art ! On devrait leur apprendre la sculpture, les époques égyptiennes… Et par ailleurs, moi, j’aurais interdit à Jeff Koons d’accrocher ses merdes à Versailles. Ce château est magnifique. Louis XIV n’a pas demandé sa construction pour qu’on y pose le vagin de la reine ou des ballons de baudruche. Je suis archi-contre. De même qu’on devrait l’empêcher de filer à la pauvre Hidalgo un bouquet de fleurs dont elle ne sait que faire.»

Lee Chang-dong : «Les visages de mon enfance»

Lee Chang-dong : «Les visages de mon enfance»

64 ans, cinéaste sud-coréen («Burning»).
«Je ne suis pas du genre à faire des vœux de nouvelle année. Je suis surtout très pessimiste et je tend plutôt à espérer que rien de grave n’arrive plutôt que tel rêve se réalise. Mais ça ne rend pas mon cœur vide de désirs, et si je l’on m’autorise à rêver à voix haute, je voudrais tourner un film en Corée du Nord. Peu m’importe si c’est dans le cadre d’une sorte de coproduction avec ce pays ou si je suis simplement le réalisateur sous contrat de l’un de leurs films. Je n’ai jamais été au Nord jusqu’à aujourd’hui, mais les Coréens du Nord que l’on peut voir en photo ou à la télévision me paraissent ressembler aux visages des Coréens de mon enfance. En comparaison, les corps et les visages des Sud-Coréens sont occidentalisés. Les visages des Nord-Coréens affichent le même genre d’innocence et de simplicité que le Sud n’a plus. Je veux porter ces visages, leurs sentiments et leurs histoires à l’écran. Et je veux voir ce film avec eux, dans un cinéma en Corée du Nord. Et plus je vous en parle, plus ça me démange.»

Gilles Lellouche : «Comme dans un film de Jacques Demy»

Gilles Lellouche : «Comme dans un film de Jacques Demy»

46 ans, acteur et réalisateur («le Grand Bain»).
«Alors je rêve à une France réunie, à une cohésion sociale aboutie, à des solutions aux problèmes de chacun, à ce que tout le monde ait le droit à une vie décente, à l’éradication des partis nationalistes mondiaux, à une prise de conscience mondiale écologique et radicale, et à ce que les gens dansent et chantent dans les rues comme dans un film de Jacques Demy. On a bien parlé d’un rêve ? Et de fait, je me souhaite la même chose…»

Marie Losier : «Un James Bond croisé avec Docteur Folamour»

Marie Losier : «Un James Bond croisé avec Docteur Folamour»

46 ans, cinéaste («Cassandro, The Exotico !»).
«Mon vœu est de pouvoir réaliser un documentaire sur l’un des plus célèbres des détectives privés : J.J. Armes, l’homme qui a retrouvé le fils de Marlon Brando ! Moi et mon compagnon, Simon, l’avons rencontré à El Paso-Juárez, pendant le tournage de mon documentaire Cassandro, The Exotico. Pendant un temps, Saúl Armendáriz [le Cassandro en question, ndlr] avait complètement disparu. J’avais dans l’idée de le retrouver grâce à un détective, afin de réinventer mon film. On est donc allé chez J.J. Armes, un genre d’ancienne église, une forteresse blindée. Dès le hall d’entrée, on a pu voir une photographie immense de lui derrière un store, le fusil par la fenêtre. Puis un autre grand portrait, où il était en compagnie de George W. Bush. Quand j’ai dit : « on va pas rencontrer un Républicain » tout en remettant bien mon pantalon et ma culotte, Simon m’a demandé de baisser la voix. Des caméras de surveillance nous entouraient. Une gouvernante nous a accompagnés jusqu’à l’ascenseur. On est monté, les portes se sont ouvertes et là, dans la pénombre, on s’est retrouvés face à un mec en train de lire son journal, mais c’était une reproduction de J.J. Armes en cire. Le vrai nous a appelés de loin, depuis son immense bureau, et nous a serré la main avec son bras de métal, plein de gadgets. Il a perdu les deux à l’âge de treize ans, en allumant des feux d’artifices avec ses amis. Il m’a posé mille questions pour me connaître alors qu’on était entouré de flingues, d’animaux empaillés, deux zèbres, un lion, des affiches de super-héros américains… On se serait cru dans un James Bond croisé avec Docteur Folamour. Pour le moment, il n’a pas accepté mais je garde en moi l’espoir de pouvoir, un jour, le filmer.»

Clara Luciani : «Que le rêve dure»

Clara Luciani : «Que le rêve dure»

26 ans, musicienne.
«Après avoir réalisé son plus grand rêve [elle a sorti avec succès son premier album cette année, ndlr], il est dur de se trouver autre chose à espérer ! En 2019, je crois que j’aimerais tout simplement que le rêve dure.»

Bertrand Mandico : «Une cuillère pour pleurer»

Bertrand Mandico : «Une cuillère pour pleurer»

47 ans, cinéaste («les Garçons sauvages»).
«En 2019, que l’on me laisse faire encore des films… Voici quelques titres à scander devant le feu, jusqu’à ce que des images apparaissent : Dragon dilatation/ Une cuillère pour pleurer, une langue pour maman/ Attention film volé/ Entrer dans la nuit bleue et pleurer/ Derrière toi le cosmos/ Je te nuque et tu me mens/ Ce film italien que tu n’avais jamais vu/ L’humectée torride/ L’empereur du tennis/ Mondial Tropical/ La danseuse sourde/ Sous son pied la misère/ Un rêve de moins une nuit de plus/ Les doigts du futur sont dans sa bouche/ Le jour où j’ai vu ton âme/ Au fond de ma valise une miette de mémoire calcinée/ Poison City/ Le dieu mucus/ Le muscle vanité/ Elle porte des tee-shirts sous un balcon/ Amiral Animal ta salopette est ouverte !/ Les bras fourrures de Joan Collins/ Il veut faire pleurer les acteurs/ La grotte de mon ami/ Burn burn Shirley Temple/ Le Cantique à souhaits/ Détresse éperdue, maitresse éperdue/ La journée d’un vieux fauve/ Philip Guston my love/ Rampa-rampa kill the fox/ La fin de l’underground le retour en Suisse/ Nuit chauve dans des draps humides/ The dark side of Danielle/ Agonie Confetti/ Bravo bi-bis…/ Mustache and tits/ Troublée or not troublée/ Poursuivi par la mort lente/ The return of Tragedy/… Et surtout : Paradis Sale

Jean-Bernard Marlin : «Marseille, fantastique et Shakespeare»

Jean-Bernard Marlin : «Marseille, fantastique et Shakespeare»

37 ans, cinéaste («Shéhérazade»).
«Pour 2019, je rêve de créer et de réaliser une grande série située dans les quartiers difficiles de Marseille, très cinématographique, mêlant le fantastique, une ambition sociale forte et Shakespeare.»

Maria de Medeiros : «Sortir un film qui parle de tout ce que le gouvernement brésilien abhorre»

Maria de Medeiros : «Sortir un film qui parle de tout ce que le gouvernement brésilien abhorre»

53 ans, actrice et cinéaste portugaise.
«Je suis en train de monter un film brésilien, A nos enfants, que j’ai réalisé et que je porte depuis plusieurs années. Il occupe littéralement tous mes rêves. Je monte endormie, je monte réveillée. Ce long métrage avec Marieta Severo parle de tout ce que le nouveau gouvernement brésilien abhorre. Les couples homosexuels, et les enfants au sein de ces unions, le traumatisme de la dictature militaire et la mémoire. L’un des personnages, torturé par les militaires et les mentors de Jair Bolsonaro, est hanté par ce passé refoulé du Brésil, cette amnésie collective. On a commencé à écrire le film quand le pays était encore confiant dans l’avenir. C’était il y a seulement cinq ans, et le Brésil était considéré comme un modèle, il était même avant-gardiste par rapport à la France sur certaines lois – notamment sur la reconnaissance des enfants des couples homosexuels. Et au fur et à mesure que le film s’est concrétisé, le ciel s’est totalement assombri. Ce que le scénario narrait comme des thèmes d’un passé qu’il fallait régler est devenu notre présent. On a fini de tourner entre les deux tours de la présidentielle, le cauchemar qui s’installait était perceptible pour tout le monde. Il est devenu réalité. Je rêve tout au plus de réussir à sortir mon film, dans un contexte incertain, où art, culture et droits humains sont devenus des notions à abattre.»

Joel Meyerowitz : «Une prise de conscience étonnante»

Joel Meyerowitz : «Une prise de conscience étonnante»

80 ans, photographe américain.
«Chaque fois que se profile la nouvelle année, je rêvasse à ce que pourrait être la suite. Il y a à peine quelques jours, j’ai eu une prise de conscience étonnante : une appli photo que j’utilise tous les jours venait de me lâcher brusquement, me forçant à charger de nouveau l’équivalent de vingt ans de photographie numérique. J’ai alors pensé : « Quoi ! Vingt ans ? » C’est là que ça m’a frappé. Je travaille sur des supports numériques depuis sûrement plus longtemps que quiconque, puisque j’ai commencé en 1999. Je pense qu’il est temps pour moi de faire ce livre sur les vingt premières années de photo numérique au XXIe siècle !»

Patricia Mazuy : «Le besoin de croyance dans un monde meilleur»

Patricia Mazuy : «Le besoin de croyance dans un monde meilleur»

58 ans, cinéaste ( «Paul Sanchez est revenu !»).
«Le film cher ou fou que vous pouvez me souhaiter est de trouver le producteur capable de m’accompagner dans le plaisir de la fabrication d’un film d’époque qui questionne le besoin de croyance dans un monde meilleur à travers une histoire d’amour. Et aussi un thriller, un vrai, bien dur. Ça, c’est plus compliqué, mais c’est moins cher !»

Arthur Nauzyciel : «Le silence, enfin»

Arthur Nauzyciel : «Le silence, enfin»

51 ans, metteur en scène, directeur du Théâtre national de Bretagne.
«J’aimerais faire un spectacle pour et avec des enfants, sur le mode du film Bugsy Malone d’Alan Parker, parce que voir des enfants de mon âge jouer, comme des adultes, dans un film de gangster m’a donné envie de faire ce métier. Un opéra de Berg. Une comédie musicale, comme Une chambre en ville de Jacques Demy. Réunir plusieurs metteurs en scènes ami·e·s pour un spectacle fleuve dont nous assumerions chacun une partie. J’aimerais continuer d’être ému, en travaillant à l’étranger, par des actrices et des acteurs dont je ne comprends pas la langue, ému par leurs corps, leurs voix, le sentiment de les avoir toujours connus. J’ai encore d’autres rêveries pour des acteurs et des actrices que j’aime. Un film aussi, et un documentaire. J’aimerais faire des entretiens avec des artistes que j’admire et qui un jour ne seront plus là, pour garder quelque chose d’eux. J’aimerais travailler dans des pays où je n’ai pas encore été, et dans des lieux naturels, au bord de la mer ou dans des forêts. Faire apparaître ces paysages sur scène. Mais dans le fond, je rêve éveillé d’un théâtre ample et audacieux, qui se réinventerait avec ses propres outils, où la couleur de peau ne ferait ni peur ni sens, et qui, au-delà des images, ferait confiance aux mots, à leur puissance, les laisserait résonner dans des salles où ils pourront faire leur chemin jusque dans l’intimité des spectateurs, voyager en eux. Un lieu collectif et partagé par toutes les générations, toutes les origines, un espace possible pour la transcendance et le mystère, et ensemble, y écouter le silence, enfin.»

Cyril Pedrosa : «Une sorte de ZAD-Factory sans sarouel»

Cyril Pedrosa : «Une sorte de ZAD-Factory sans sarouel»

46 ans, auteur de BD.
«Je rêverai de réussir à construire un immense espace commun de création au sein de la petite ville où je vis. Déconnecté de toutes les institutions, de tous les enjeux de pouvoir ou de reconnaissance. Avec des gens que j’aime, qui se seraient mutuellement choisis, travailler individuellement et collectivement, aller le plus loin possible dans nos recherches, et partager le fruit de ce travail autant que possible avec toutes celles et ceux qui vivent dans cette ville. Une sorte de ZAD-Factory, mais sans sarouel ni fausse modernité branchouille.»

Sergey Ponomarev : «Un aller simple pour Mars»

Sergey Ponomarev : «Un aller simple pour Mars»

38 ans, photographe russe.
«En tant que photojournaliste, j’aspirerais à un voyage que personne n’aurait entrepris avant, et que je pourrais relater à des lecteurs de journaux. Et je crois qu’un aller simple pour Mars serait la réalisation de ce rêve.»

Eliane Radigue : «Une nouvelle civilisation»

Eliane Radigue : «Une nouvelle civilisation»

86 ans, compositrice, pionnière de la musique électronique.
«Que tous ceux qui combattent pacifiquement, par l’exemple, à créer une nouvelle civilisation plus juste et ouverte à l’attention prêtée à chacun, grandissent et, tels les pélicans inspirés du colibri, éteignent le feu de tous les combats stériles et destructeurs. Je rêve de pouvoir y contribuer avec tout ce qui me reste de force et d’énergie.»

Milo Rau : «Une Orestie à Mossoul»

Milo Rau : «Une Orestie à Mossoul»

41 ans, metteur en scène suisse.
«J’ai deux projets dont je rêve depuis longtemps et qui, je crois, vont se réaliser cette année. Le premier est de monter une Orestie à Mossoul, en Irak. Le deuxième est de réaliser un film sur Jésus. Je suis un grand fan de Jésus, de Pasolini aussi, et c’est à Matera – où j’ai été invité à proposer le projet – qu’a été tourné l’Evangile selon Saint Matthieu. Bon, c’est aussi là que Mel Gibson a tourné la Passion du Christ, et il se trouve que j’ai rencontré l’actrice qui joue Marie dans le film un peu shitty de Gibson. J’espère qu’on fera mieux. Je veux réaliser ce film car je trouve la lecture classique, catholique, de Jésus totalement fausse. Jésus était un révolutionnaire qui œuvrait à la lisière de l’Empire romain, et ceux qui l’ont suivi étaient des gens sans terre, qui travaillaient la monoculture comme en Italie du Sud, dans une grande expérience post-nationale et post-capitaliste. J’espère donc faire ce film avec des réfugiés, il y en a beaucoup dans la région de Matera, et parmi eux on trouvera des gens qui ont joué dans les films de Gibson et de Pasolini. Je veux revenir à cette vérité, à la source qu’on a oubliée, car nous sommes devenus l’Empire romain. Mais ce ne sera pas une lecture ésotérique ! Plutôt humaine et réaliste. Si ces deux projets se réalisent, j’espère que je n’en mourrai pas à la fin de l’année, car j’aurais vraiment fait tout ce que je désire !»

Vannina Santoni : «Que nos consciences s’éveillent»

Vannina Santoni : «Que nos consciences s’éveillent»

31 ans, soprano.
«Mon grand rêve se rapproche d’une utopie. Mais comme dans l’art, nous essayons de viser la perfection sans toutefois jamais l’atteindre, j’aimerais que nous nous rapprochions de cette utopie, qu’elle reste notre objectif pour adopter la meilleure ligne de conduite, le meilleur chemin à prendre. Ce qui m’importe le plus aujourd’hui c’est que nos consciences s’éveillent, que chacun réalise que la vie de l’autre est aussi importante que sa propre vie. Que la faune et la flore ne nous appartiennent pas et que la Terre, qui nous accueille, nous survivra. Nous voulons le meilleur pour nos enfants alors n’attendons pas de miracle, c’est à nous et rien qu’à nous de faire en sorte que les vœux se réalisent. La magie n’est pas du hasard. La magie s’opère grâce aux heureuses rencontres. La magie est en nous si l’on veut bien la libérer. Le cinéma, le théâtre, l’opéra, l’art en général, nous les aimons car ils nous transportent. Ça fait rêver. Les films de super-héros plaisent car ils donnent espoir que l’on peut tout reconstruire, ils donnent espoir que des gens forts existent. Mais des gens forts dans la vraie vie existent. Et on peut tous être porteurs d’espoir, donner l’exemple et se bouger. Stop à ceux qui se revendiquent super-héros mais qui se trompent de combat ! Mettons les inhumains au coin, le temps de ranger ce bazar et ils reviendront quand ils seront calmés. Alors mon vœu le plus cher est que nous vivions ensemble, dans le respect, face aux combats, non pas les uns contre les autres mais d’une même ligne, affronter les catastrophes, les malheurs, les uns auprès des autres et pour les autres. Les sacrifices que nous ferons pour un monde juste, nous les ferons ensemble pour les générations futures, pour cette Terre qui nous donne tout et à qui nous prenons trop. La vie est importante, ne la gâchons pas. Bonne année 2019 !»

Tomas Saraceno : «Une stratigraphie post-anthropocène du futur»

Tomas Saraceno : «Une stratigraphie post-anthropocène du futur»

45 ans, plasticien argentin.
«Avec la communauté Aérocène [une entreprise artistique interdisciplinaire qui cherche à concevoir de nouveaux modes de sensibilité, réactivant un imaginaire commun vers une collaboration éthique avec l’atmosphère et l’environnement. Ses activités se manifestent par la mise à l’essai et la diffusion de sculptures plus légères que l’air qui ne deviennent flottantes que grâce à la chaleur du Soleil et au rayonnement infrarouge de la surface terrestre], nous imaginons et rêvons à une nouvelle ère, où les frontières seraient abolies et où l’on n’utiliserait plus aucune énergie fossile. Alors que les industries basées sur les combustibles fossiles sont en train de coloniser d’autres planètes, l’air, cette interface entre nous et le Soleil, contrôlé par quelques-uns, continue d’être menacé : les émissions de carbone remplissent l’air et nos poumons tandis que les rayonnements électromagnétiques enveloppent la terre, dictant le tempo d’un capitalisme numérique, à l’ère du réchauffement climatique. Je propose donc une nouvelle ère, appelée Aérocène, une époque de sensibilité interplanétaire reliant en pratique une écologie sociale, mentale et environnementale. Les plantes, les humains et les animaux non-humains souffrent de ce changement climatique, perdant leur droit à la mobilité, incapables d’échapper physiquement à ses effets. La communauté Aérocene cherche les droits à faire valoir, les chemins à ouvrir, pour un droit interspécifique à la mobilité qui pourrait renouer avec les énergies élémentaires : apprendre à flotter et à naviguer dans les fleuves du vent et à développer un nouvel ensemble de valeurs et d’infrastructures socio-économiques surmontant les économies extractives. Une stratigraphie post-anthropocène du futur, cassant les limites du sublunaire et élargissant notre zone critique de toute vie dépendante à l’air. Nous rêvons donc à un modèle de paysage qui équilibre et exploite notre relation avec le potentiel illimité du Soleil. Cette prise de conscience nécessite un saut d’imagination thermodynamique, comme lors d’une éclipse, lorsque ce n’est qu’en l’absence de lumière que nous prenons conscience de notre échelle à l’ombre du cosmos.»

Marion Siefert : «Un théâtre ouvert sur les vies, les visages et les voix des jeunes gens d’aujourd’hui»

Marion Siefert : «Un théâtre ouvert sur les vies, les visages et les voix des jeunes gens d’aujourd’hui»

31 ans, auteure et metteure en scène.
«Il y a neuf mois, je suis partie à la recherche d’une rappeuse qui serait l’interprète principale de ma prochaine pièce. Je rêvais de rencontrer une jeune femme qui s’impose dans un milieu d’hommes, une femme qui frappe avec ses mots, une femme capable de jouer de ses multiples facettes et de mettre sa peau sur la scène. J’ai écumé les open mic et battles de rap d’Ile-de-France, en ne pensant qu’à cette personne rêvée que je ne connaissais pas encore. Je l’ai finalement trouvée : elle s’appelle Laetitia Kerfa, aka OG Laeti. Mon chemin a également croisé celui de Janice Bieleu, une jeune danseuse de popping, et de Lite Feet, rencontrée alors qu’elle n’avait que 17 ans. Aujourd’hui, je ne rêve que de ce duo, de cette pièce qui s’appelle DU SALE ! prévue pour mars 2019. Je rêve que cette pièce soit le lieu d’une rencontre entre le rap et le théâtre, deux arts qui ne se côtoient quasiment jamais mais qui se ressemblent pourtant beaucoup. Je rêve d’un théâtre ouvert sur les vies, les visages et les voix des jeunes gens d’aujourd’hui, d’un théâtre pensé pour eux et avec eux. Je rêve que cette pièce serve à ses interprètes et soit comme un écrin où leur intensité, leurs rythmes et leurs mots puissent se déployer.»

Kiddy Smile : «Moins de connards»

Kiddy Smile : «Moins de connards»

Trentenaire coquet, musicien.
«Je rêve à plus de tolérance, moins de connards racistes, homophobes et sexistes.»

Alan Sparhawk : «Des décisions difficiles»

Alan Sparhawk : «Des décisions difficiles»

49 ans, chanteur et guitariste du groupe américain Low.
«Il m’est très difficile d’avoir le moindre espoir ou rêve pour 2019 sans espérer et rêver que l’actuel président des Etats-Unis soit destitué d’une manière ou d’une autre et qu’un gouvernement digne de ce nom puisse être restauré. Le Président est incapable d’autre chose que de négativité ou d’incompétence, et il s’est entouré de racistes et de menteurs qui seraient bien avisés de quitter le navire. Ce leadership a décomplexé et autorisé socialement l’expression du nationalisme et de la misogynie dans les pires recoins de notre population. La plupart des gens, un peu partout, expriment à voix basse le vœu de sa mort – une pensée que presque personne ne pensait éprouver un jour pour qui que ce soit. 2019 sans lui permettrait au monde de pousser un grand soupir de soulagement, et d’envisager le futur avec un nouvel espoir, relatif mais réel, de nouvelles perspectives, et un amour renouvelé pour la vérité et l’intégrité. Peut-être alors, et seulement alors, pourrions-nous rediriger notre énergie vers l’écologie et l’élaboration de solutions pour nous améliorer. L’art est incapable de changer les esprits aussi vite qu’il le faudrait. Il est temps d’agir et de prendre des décisions difficiles. L’art nous l’a souvent dit d’ailleurs, depuis longtemps. Notre projet pour 2019 consiste à nous débarrasser de notre président.»

Hannah Starkey : «Une source vitale de savoirs, de sagesse et de beauté»

Hannah Starkey : «Une source vitale de savoirs, de sagesse et de beauté»

47 ans, photographe américaine
«En 2019, je voudrais faire plus de photos de femmes âgées, pour aider à diffuser l’idée qu’elles sont importantes, visibles et constituent une source vitale de savoir, de sagesse et de beauté, ce que notre culture visuelle valorise tant.»

Ahmed Sylla : «Miss France et la Ligue des champions»

Ahmed Sylla : «Miss France et la Ligue des Champions»

28 ans, humoriste et comédien.
«En 2019, je voudrais gagner la Ligue des champions et être élu Miss France»

Virgil Vernier : «Le martyr d’une star dans la ville de Louis Vuitton»

Virgil Vernier : «Le martyr d’une star dans la ville de Louis Vuitton»

42 ans, cinéaste («Sophia Antipolis»).
«J’ai rêvé d’un film avec Nabilla. Un film en deux parties, comme un diptyque. Dans la première partie, elle joue dans une reconstitution de la séquestration de Kim Kardashian à Paris : on découvre le martyr d’une star dans la ville de Louis Vuitton. Et dans la deuxième partie, elle joue le rôle de Judith contre Holopherne, une femme qui sauve la ville des mains du tyran : grâce à sa grande beauté, elle le séduit, l’enivre et finit par lui couper la tête avec son épée.»

Gisèle Vienne : «Des fêtes païennes liées à la mouvance metal»

Gisèle Vienne : «Des fêtes païennes liées à la mouvance metal»

42 ans, metteure en scène et chorégraphe franco-autrichienne.
«J’ai 42 ans, ça fait vingt ans que je fais de la chorégraphie et de la mise en scène et je rêve désormais d’atteindre les 102 ans, comme Manoel de Oliveira, pour faire des super films ! Par exemple, j’adorerais pouvoir filmer un jour le fin fond des vallées du pays de Salzbourg et ses montagnes enneigées où ont lieu des fêtes liées à la mouvance metal, inspirées des fêtes païennes et de leurs personnages monstrueux. J’ai passé beaucoup de temps dans quatre ou cinq de ces vallées pour voir les différentes parades, une atmosphère qui avait inspiré une de mes pièces, Kindertotenlieder. J’y avais rencontré un créateur d’effets spéciaux pour le cinéma que tout cela inspirait beaucoup et, en retour, tous les types de ces fêtes païennes citent souvent le cinéma de genre américain. Je crois que ça n’a jamais été filmé et c’est une matière documentaire pour moi incroyable.»


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