Cinéma

Aux Etats-Unis, l’écho puissant de « La haine qu’on donne »

Sorti le 19 octobre dans plus de 2000 salles américaines et réalisé par George Tillman Jr. , « The Hate U give » (La haine qu’on donne) est l’adaptation du roman d’Angie Thomas, 30 ans.

Sorti le 19 octobre dans plus de 2000 salles américaines et réalisé par George Tillman Jr. , « The Hate U give » (La haine qu’on donne) est l’adaptation du roman d’Angie Thomas, 30 ans. Erika Doss/Twentieth Century Fox 2018

Écriture puissante et sujet urgent, le livre The Hate U Give, resté plus d’un an et demi dans les meilleures ventes de la littérature « jeunes adultes » à partir de sa publication, en février 2017, ne pouvait que se retrouver à l’écran. L’adaptation au cinéma du roman (paru en français en avril chez Nathan sous le titre La haine qu’on donne) est sortie le 19 octobre dans 2 300 salles aux États-Unis. Un couronnement pour le parcours fulgurant d’un récit né de la colère d’une auteure débutante, ex-étudiante en littérature de l’université de Jackson, Mississippi.

L’histoire que raconte Angie Thomas, 30 ans, n’a pourtant rien de la trame romanesque onirique ou fantastique, souvent prisée du public adolescent. The Hate U Give (dont l’acronyme, THUG – – « voyou » –, fait référence à l’expression popularisée par le rappeur 2Pac, THUG LIFE – The Hate U Give Little Infants Fucks Everyone) verse plus sûrement dans le fait divers tragique et le roman politique.

Multiples affaires de racisme

Starr, une adolescente afro-américaine que ses parents ont tenté de protéger de la violence de son quartier en l’inscrivant dans un lycée blanc huppé de la ville, assiste à la mort d’un de ses amis d’enfance, abattu par un policier lors d’un contrôle routier. L’ouvrage et le film de George Tillman Jr, d’une fidélité clinique, embrassent les conséquences de ce drame sur toute la communauté et sur l’éveil de la jeune fille à l’engagement politique. « Notre couleur est l’arme dont ils ont peur », lui assène une jeune militante.

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Avec justesse et réalisme, interprété par des acteurs convaincants, The Hate U Give, qui sortira en janvier en France, fait écho aux multiples affaires de ce type qui endeuillent régulièrement la communauté noire américaine. Des drames qui ont dynamisé le mouvement Black Lives Matter.

Le roman comme le film décrivent la peur, ancrée dès le plus jeune âge, d’une confrontation avec la police et les recommandations répétées mille fois par les parents : « Garde tes mains là où on peut les voir. »

Cette plongée dans l’actualité aurait pu dissuader lecteurs et spectateurs, saturés de mauvaises nouvelles. Mais les débuts du film, pourtant en concurrence avec des poids lourds comme Halloween, Venom ou A Star Is Born, semblent démentir ces craintes. Avec près de 20 millions de dollars au box-office et des critiques quasi unanimes, le démarrage est prometteur. Un parcours comparable à celui du livre d’Angie Thomas qui, au fil des mois, s’est émancipé des rayonnages réservés aux jeunes adultes pour attirer un public plus diversifié.

Au-delà du propos politique, l’auteure Angie Thomas et le réalisateur George Tillman Jr parviennent à emmener le lecteur-spectateur au plus près d’une famille afro-américaine prise en tenailles entre la violence des gangs et ses aspirations à intégrer la classe moyenne. Ils y décrivent la peur, ancrée dès le plus jeune âge, d’une confrontation avec la police et les recommandations répétées mille fois par les parents : « Garde tes mains là où on peut les voir. » Une consigne que Khalil, le jeune mort de The Hate U Give, n’a pas respectée.

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Comme son héroïne, Angie Thomas a été extraite de son quartier noir déshérité et scolarisée à dix minutes de là dans une école privée à majorité blanche. Avec l’idée d’éviter « le lycée où on tombe enceinte, où on se drogue, où on est tué », ainsi que le résume Starr au début du livre. Comme elle, l’écrivaine a dû apprendre à faire cohabiter deux mondes et « à changer les codes » pour pouvoir passer de l’un à l’autre. Cette expérience mise au service de la littérature n’est pourtant pas du goût de tous. Dans plusieurs bibliothèques du pays, notamment au Texas et dans le Missouri, le livre a été mis à l’index, sous prétexte qu’il parlait de drogue et contenait des insultes…

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Stéphanie Le Bars

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