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Lidiop, du papillon à la chanson

Le chanteur sénégalais Lidiop. © Soulbeats Music 2022

Auteur d’un deuxième album intitulé Another Vision, avec lequel il défend une approche acoustique de la musique, le Sénégalais Lidiop fait partie de ces artistes dont la cote grimpe dans le paysage musical français. Parcours d’un chanteur guitariste qui a écouté sa voix intérieure malgré les multiples pressions, des bassins au micro, des moutons au métro.

Assis sur son tabouret, au milieu du Chick’s Bar situé en plein du cœur du Vieux Nice, Lidiop quitte tout à coup sa set list prévue pour laisser son esprit vagabonder tandis que ses doigts se promènent sur les cordes de son instrument. Le voilà en un instant transporté sur sa terre natale, avec un soupçon de nostalgie. Les images se bousculent et les mots pour les décrire sortent tout seuls. Ainsi est né Sénégal, premier extrait du nouvel album du chanteur arrivé en France en provenance de Dakar il y a dix ans.

S’il l’a intitulé Another Vision, c’est pour souligner une autre dimension de sa musique, lui qui a été surtout vu à travers le prisme du reggae défendu sur le précédent Soul’n Mind en 2018. Cette fois, guitare, percussions et parfois violoncelle accompagnent sa voix, dans un registre acoustique qui laisse davantage apparaître le courant folk sénégalais cher à Ismaël Lô. L’auteur du tube Tajabone fait d’ailleurs partie de ceux dont notre trentenaire a appris le répertoire par cœur, à une époque, tout comme celui de Souleymane Faye, ex-chanteur du Xalaam lui aussi surnommé « le Bob Dylan sénégalais ».

Cette sobriété qu’il a voulu mettre en avant sur ce nouveau projet répond également à l’envie de se montrer à nu artistiquement, en privilégiant une forme d’intimité. « Ça me rappelle quand je jouais dans ma chambre, seul avec ma guitare », reconnaît-il. Au départ, il la cachait sous le lit. « Je viens d’une famille où je ne pouvais pas faire de la musique », confie l’ancien sportif de haut niveau qui s’est fait les bras à la natation. Sa spécialité ? Le papillon, nage extrêmement physique. En dehors du sport, pour ses parents, l’avenir passait par les diplômes. Longtemps, jusqu’à ses vingt ans, il a donc suivi les injonctions.

Mais l’attirance pour la musique était déjà là de longue date. Meta Dia, aujourd’hui l’un des plus brillants représentants du reggae sénégalais installé aux États-Unis, est un « grand frère » qui a contribué à éveiller cette passion. « Quand j’étais en sixième, il était à l’école British Council en face de mon établissement. Parfois je séchais pour le voir jouer avec sa guitare », rapporte Lidiop, qui a invité son compatriote sur son album précédent. Il raconte aussi être allé, à quinze ans, chez Cheikh Ibra Fam qui venait de sorti un single pour l’en féliciter – l’ancien chanteur de l’Orchestra Baobab, avec lequel il « partage les mêmes valeurs spirituelles » bayefall lui a récemment confié la première partie de son concert parisien.

Des influences et des conseils

La révélation arrive à la même époque par l’intermédiaire de Dread Maxim, figure du reggae au Sénégal. « Au début des années 2000, il a sorti un album en wolof. Je comprenais bien le message et j’ai commencé à ‘parcœuriser’ ses morceaux et c’est ce qui m’a poussé à acheter une guitare », précise Lidiop. « Quand il faisait des concerts, je n’osais pas demander de l’argent à mes parents pour m’y rendre. Alors j’allais voir le videur pour lui dire que je voulais entrer, mais que je n’avais pas de sous. Et il me faisait faire 100 pompes avant de me laisser passer ! », poursuit-il.

L’influence de son idole est telle qu’il n’arrive pas à s’en éloigner. Lorsqu’il se rend au studio de Faada Freddy pour y enregistrer son premier titre, le leader de Daara J le lui fait remarquer. Le jeune homme en prend d’abord ombrage, avant d’entendre le conseil et d’en saisir toute la portée : « Trouve toi. »

Le chemin passe aussi par Super Star, une émission de téléréalité diffusée sur la RTS (Radio Télévision sénégalaise) à laquelle il participe en 2009. « Qu’est-ce qu’il fait là ? », demande son père, colonel de gendarmerie, en voyant son rejeton à la télévision en train de chanter devant un micro ! Quand Lidiop revient chez lui au lendemain des demi-finales au cours desquelles il a été éliminé, sa mère lui donne une « leçon d’humilité » dont il a gardé le souvenir intact. « Va laver les moutons », lui lance-t-elle au petit matin. Il objecte, mais la sentence est sans appel : « Ce n’est pas parce que tu es passé à la télé ou que tu es connu que tu dois changer qui tu es. »

Quand son fils s’envole pour la France en 2012 afin d’y poursuivre ses études, elle ne peut l’empêcher cette fois de suivre sa route. À peine arrivé à Paris, il multiplie les prestations grâce à ses amis sur place et fait son choix. « Comment vas-tu faire pour vivre ? », s’inquiète l’autorité maternelle. De bar en bar, en passant par l’esplanade du centre Georges-Pompidou, le Sénégalais trouve de quoi subsister, avant se replier vers le métro, même s’il ignore qu’il faut une autorisation pour y jouer. « Les agents me demandaient ma carte et moi je sortais mon passeport ou mon pass Navigo (carte de transport, NDR) », rigole-t-il.

Une fois agrée par la RATP, il y rode sa formule, prends ses marques. Témoin de cette époque, la « subway session » du titre Rockadown de Vanupié, sur laquelle il intervient : plus de 88 millions de vues sur Youtube ! Grâce à un tremplin qu’il remporte, il participe à plusieurs éditions du festival Solidays. Les unes après les autres, les portes s’ouvrent, sans qu’il ait besoin de les forcer.

Au cours des dernières années, en parallèle de sa carrière solo, les propositions de featurings se sont enchaînées (Atili, Ryon, S’n’K, Yoha…). Dernier exemple en date, une reprise du titre Li Sem, sorti à l’origine en 1997 sur l’album de la Réunionnaise Jessica Persée, pour le compte de l’Entourloop, le collectif qui fait sensation sur la scène reggae française. « Mon nom circule », se contente de constater Lidiop, à l’aube d’un probable changement de statut.

Lidiop Another vision (Soulbeats Music) 2022

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