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Kent relativise la vie « Scherzando »

Kent, 2022. © Gaëlle Astier-Perret

Quarante-cinq ans de carrière : des disques, mais aussi des romans, des bandes dessinées et des livres pour la jeunesse. Le chanteur et mélodiste français Kent signe Scherzando. Un disque mélancolique et épuré, où il célèbre aussi bien Lyon que les hommes préhistoriques…

RFI Musique : sur votre site internet, vous vous êtes dessiné dans un café disant « un dernier accord et j’arrête ». Pourquoi, parmi toutes vos activités, revenez-vous toujours à la chanson ?
Kent :
Je me le demande ! (Sourire) C’est vrai que j’avais l’intention d’arrêter, mais je n’y arrive pas…Parce que j’en écris, que je pense en chansons, que les rimes viennent spontanément. Et qu’à partir du moment où j’ai écrit une chanson, j’ai envie qu’on l’entende. Tandis qu’un livre ou une BD vit sa vie seule.

Vous vouliez vraiment arrêter de chanter ?
Oui ! J’aimerais arrêter avant de faire pitié et de faire des chansons navrantes, de ne pas être assez en forme pour les défendre. Il ne faut pas être complaisant. Place aux jeunes ! De toute façon, ils ne nous en laissent pas (Rires).

Que signifie ce titre étrange Scherzando ?
En musique classique, c’est quand on doit jouer un morceau allègrement. En italien, ça veut aussi dire « en plaisantant ». C’est une distance par rapport à la gravité des sujets abordés dans le disque et un reflet de la manière dont il s’est fait. Début 2020, je suis allé voir ma maison de disques avec mes nouvelles chansons et ils ont eu envie de faire un album. J’ai alors sollicité Alice Animal pour le chant et la guitare et Marc Haussmann au piano. Eux aussi ont eu très envie ! On a trouvé un merveilleux studio facilement pour le faire ensemble dans Paris. Tout a été très simple.

Le titre Ma ville est dédiée à Lyon. Pourquoi cet attachement irrépressible à votre ville natale ?
Je ne sais pas. J’en suis partie en 1987. À l’époque, j’étais content de la quitter, car j’étais en panne artistiquement. Il n’y avait personne avec qui j’avais envie de faire de la musique. 10 ans après son explosion rock à laquelle j’avais participé avec Starshooter, la ville s’endormait de nouveau. Et puis j’y suis revenu au fil du temps. Sans mes préjugés, elle m’a plu de nouveau. Je m’y suis fait de nouveaux amis… Je ne voulais pas faire une chanson chauvine, mais la chanter plutôt comme une personne aimée, quittée et retrouvée. Mais on n’est pas marqués par l’endroit où l’on naît. C’est juste géographique. Je le crois fermement.

Dans Chasseur-cueilleur vous donnez l’impression que le progrès nous aurait fait un peu régresser…
Sans aller jusque-là, on est allés trop vite et peut-être qu’on n’a pas pris la bonne voie… C’est la thèse de Bruno Latour (sociologue et philosophe, NDR). On est nos propres cobayes et on se sert des ressources de la planète comme si c’était un open bar

Pourquoi le ton du disque est-il si intime ?
C’était mon état d’esprit. Et j’écoutais beaucoup plus de disques des années soixante-dix, comme Joni Mitchell, Simon et Garfunkel. Je trouvais ça beau.

Ma ville, Les remords, les regrets, Dernière fois, Scherzando Express sont traversées par le thème de la vie qui s’achève. Est-ce un album en forme de bilan ?
Le bilan, je l’ai commencé avec Le temps des âmes (2013). Je ne suis pas nostalgique. En revanche, je suis profondément mélancolique et je l’accepte. J’ai 65 ans. Pas une année ne s’écoule sans un décès qui me touche. Je trouve nécessaire à mon âge de vivre avec l’idée qu’on a vécu plus qu’on ne vivra.

Qui est le défunt dont vous invoquez le fantôme dans Reviendras-tu me voir ? 
C’est Benoît Brayer, mon dernier manager. Il était beaucoup plus jeune que moi et il est mort d’un cancer prématurément. Au cours de ses obsèques, je regardais son compagnon obligé de faire bonne figure, tout en me demandant comment il allait vivre après cela. La chanson est venue ainsi…

Contrairement aux autres morceaux, le très mélancolique et cinématographique Express Scherzando dure sept minutes…
J’aime les challenges et les chansons qui sortent un peu des normes ! Ce sont des réminiscences des années soixante-dix. Quand j’ai démarré vers 12 ou 13 ans, des groupes comme Yes et Van der Graaf Generator me fascinaient par leurs thèmes et leur longueur. Je voulais faire une chanson qui raconte une « épopée ». En l’occurrence, mon enfance ! mais bon ! (Rires)

Comment envisagez-vous la suite de votre carrière ?
Je ne l’envisage pas. Comme j’avais décidé d’arrêter de chanter, je vis ce disque et les concerts comme du bonus. Cela durera ce que ça durera, le public s’en lassera ou j’en serai lassé. Mais c’est peut-être un beau mensonge que je me raconte, j’aime beaucoup être sur scène (Rires).

Kent Scherzando (A(t)home) 2022

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