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« Ali », l’héritage familial de Vieux Farka Touré mondialisé avec Khruangbin

Vieux Farka Touré, 2022. © Kiss Diouara

Séduit par la musique du trio instrumental Khruangbin aux frontières de plusieurs univers, le Malien Vieux Farka Touré a invité la formation texane à l’accompagner sur des titres de son célèbre père Ali Farka Touré et à en donner leur vision. Quelques mois après Les Racines, un album aux sonorités traditionnelles, le guitariste et chanteur de Niafunké propose un tout autre regard sur sa culture avec Ali.

Parler de musique malienne pour décrire ce projet voulu par Vieux Farka Touré, devenu pourtant l’un des ambassadeurs musicaux les plus actifs de son pays et de sa culture, fait-il seulement sens ? Au fil des morceaux qui s’enchaînent, une expression progressivement s’impose, chère à Manu Dibango, pour décrire à la fois le contenu et la démarche de cet album : sono mondiale. Voilà exactement l’endroit, sur la planète musicale, où se situe Ali.

Le titre, bien sûr, fait référence à Ali Farka Touré, père de Vieux et monument de la musique ouest-africaine décédé en 2006 dont la carrière internationale a été entre autres récompensée par trois Grammy Awards. Ce sont ses morceaux qui nourrissent l’album. Certains comptent parmi les plus célèbres, comme Savane – ici réécrit Savanne, un changement d’orthographe étrange que l’on constate aussi pour de nombreuses autres plages du disque !

De la version originale qui figurait sur l’album posthume de celui qu’on surnommait le « John Lee Hooker africain », il reste au final un souvenir, une évocation, à la guitare ainsi qu’au chant, placé en arrière-plan. Car dans le décor blues planté par Vieux, le power trio américain Khruangbin est venu avec ses instruments danser autour des totems pour les parer de ce son singulier qui a fait sa réputation depuis une demi-décennie : un cocktail d’influences qui démarre dans les productions thaï funk de Bangkok et passe par la surf music californienne, le rock psyché et le dub.

C’est en assistant à l’un de leurs concerts à Londres que le Malien quadragénaire a eu envie de s’adresser à eux pour leur proposer de rendre hommage avec lui à l’œuvre paternelle, la perpétuer en tentant de l’inscrire dans une autre dimension. Interrompu par la pandémie de Covid-19, le projet se situe dans une certaine continuité artistique des albums de Khruangbin Con Todo El Mondo de 2018 et sa version dub Hasta El Cielo, sorti en 2019, avec une basse qui joue un rôle de premier plan. Une fois les premiers enregistrements faits, les trois Texans ont poursuivi le travail en studio et sont parvenus à un résultat de haut niveau, parfois même surprenant à l’image de la fin de Tamalla, qui soudain change de direction, sans qu’on ait pu l’anticiper, pour s’envoler vers le désert malien et inciter à battre des mains.

Si Ali Farka Touré symbolisait à sa façon le pont entre le blues africain et américain, comme le réalisateur Martin Scorcese avait voulu le souligner en le filmant chez lui dans le long métrage From Mali To Mississippi, Vieux a cultivé ces liens qui se moquent de la géographie, au point d’être l’un des rares artistes du continent à faire preuve d’un telle ouverture : à son actif, un album avec le pianiste israélien Idan Raichel, un autre avec la chanteuse américaine Julia Easterlin, et surtout deux albums remixés par une sélection de deejays (UFOs over Bamako puis Other Roads : Fondo Remixed) qui témoignent de son approche inclusive de la musique.

Aussi légitime et transgressif que Ziggy Marley quand il va chercher le producteur des Rolling Stones Don Was pour un album reggae sans basse, Vieux Farka Touré fait des choix artistiques inattendus sinon peu conventionnels, au service d’une vision décloisonnée de la musique. Avec Ali, il ne brade ni ne galvaude l’héritage paternel : il l’élargit, en fait un bien commun. Il partage sa richesse.

Vieux Farka Touré & Khruangbin Ali (Dead Oceans) 2022

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