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Guidé par la sagesse du vaudou haïtien, Wesli valorise ses racines

Wesli, 2022. © Cumbancha

Devenu en quelques années l’un des ambassadeurs les plus actifs et les plus titrés de la musique haïtienne, le chanteur et multiinstrumentiste Wesli met ses connaissances au service de son savoir-faire artistique pour fédérer autour de ses racines culturelles. Sur Tradisyon, projet à double détente dont le premier volet commercialisé est acoustique, il leur apporte un nouvel éclairage.

Il a fait de la “générosité musicale” un principe dont les symptômes sont immédiatement visibles sur son nouvel album : 19 chansons, soit près de 90 minutes. Pour Wesli, l’explication s’apparente à une réponse qui se situe sur le terrain sociétal : “On a tellement d’informations alternatives qu’il faut mettre la musique en abondance !”

Contrairement à ce que le titre pourrait laisser imaginer, Tradisyon n’est en rien un de ces albums-musée, résultat d’une collecte sur le terrain de chants et rythmes ancestraux livrés dans leur nature brute – dont la valeur tient à leur fonction de sauvegarde du patrimoine. Tout ici respire la matière vivante, travaillée dans le souci d’être partagée avec le plus grand nombre en restant authentique. Voilà l’équation que son auteur s’est efforcé de résoudre sur chacun des morceaux. Nul besoin d’être spécialistes des rythmes du panthéon vaudou haïtien pour se sentir bienvenu et rapidement familier de son univers.

Hommage à la musique “rasin”

Le quadragénaire canado-haïtien présente le projet comme “un prolongement en profondeur” de la démarche qu’il avait engagée pour concevoir son précédent disque, en 2019. “C’est grâce à Rapadou Kreyol que j’ai commencé ce processus de recherche en allant vers mes racines”, poursuit le chanteur. Si elle l’a mis sur un chemin des plus fertiles sur le plan artistique, l’option s’est aussi avérée payante, en termes de reconnaissance, des deux côtés de l’Atlantique : Coup de cœur de l’Académie Charles Cros en France, Juno Award au Canada et Félix Award au Québec dans la catégorie “musique du monde”. Et, par effet de cascade, auprès de ses compatriotes sur la Perle des Antilles.

Cette fois, celui qui avait invité Mikaben pour un duo en 2017 souhaitait rendre hommage à quelques éminents chanteurs de son pays qui ont mis en valeur, à leurs époques respectives, la musique “rasin”, à l’opposé du compas à destination commerciale : Azor, de Racine Mapou, et Wawa, de Rasin Kanka. “J’ai eu la chance d’apprendre d’eux avant leur mort”, précise Wesli, qui garde encore en tête le souvenir des discussions avec ces “samba”, parfois comparés aux griots d’Afrique de l’Ouest. “C’est un appel à la renaissance de nos valeurs de la culture haïtienne, pour faire savoir à la nouvelle génération que ces personnes-là ont existé. Je ne veux pas qu’on les oublie”, poursuit l’ancien élève de l’École nationale des arts (Enarts) de Port-au-Prince, qui y a assouvi sa soif de connaissances des tambours auprès de Samba Zao, maitre ès-percussions et membre du groupe Lakou Mizik. Avec lui, il a appris les différents langages “qui ne sont pratiqués que dans les cérémonies”, comme le fon (du Bénin) et l’ewe (du Togo) qu’il restitue dans Kadja Kadja. “Pour moi, la culture vaudoue est une sagesse”, formule-t-il.

Bientôt un second volet

Dans la lignée de Lolé Lolé, présente sur son précédent album et récompensée aux Etats-Unis par un Independant Music Award de la meilleure chanson traditionnelle, Wesli a trouvé les arrangements idéaux et une façon de produire optimale pour les chansons relevant du folklore “troubadour”. Autour de son banjo, de sa voix et des chœurs, s’ajoutent parfois accordéon (Makonay), clavier ou violoncelle : pour Konté M Rakonté, en hommage à Éric Charles qui fut le cofondateur d’Haïti Twoubadou dans les années 1990, mais aussi sur Ay Lina, une des deux reprises de l’album (avec Tifi a Levé de l’Orchestre Septentrional) empruntée au chanteur Ti Paris, figure historique du courant troubadour.

Il y a quelques mois, le Montréalais d’adoption dévoilait la suite, ou plutôt le second volet de Tradisyon prévu pour 2023 : en parallèle à ce premier volume acoustique, il a eu envie d’exposer les racines de la musique haïtienne aux musiques électro du XXIe siècle, à l’image de Bontan Lyalélé avec AfrotroniX. Un pied en Haïti, un pied au Canada, un bras dans le passé et un autre dans le futur : Wesli prouve un peu plus qu’il aime embrasser “l’immensité de la musique”.

Wesli, Tradisyon (WUP/ Cumbancha / Nuits d’Afrique / Believe) 2022
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