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Les entreprises françaises sous la pression des banques pour sortir d’Iran

Mardi, Bruno Le Maire et Jean-Yves Le Drian ont eu toutes les raisons d’être confiants : les quelque  soixante entreprises réunies n’ont pas annoncé leur retrait massif d’Iran, malgré  le retour des sanctions .

Les banques font cependant peser un sérieux aléa. Si ces entreprises persistent en République islamique, elles pourraient voir leurs crédits, voire leurs comptes, dénoncés en France par leur établissement bancaire. Et ce, même si celui-ci ne finance pas directement leurs activités iraniennes.

« Dans le cadre de leur activité de prêt traditionnelle, les banques ont imposé aux entreprises des clauses de respect des mesures d’embargo et de sanctions économiques comme condition à l’octroi de crédit qui sont généralement suffisamment larges, pour couvrir un éventuel durcissement de la politique américaine en la matière, explique en effet Louis de Longeaux, avocat associé chez Herbert Smith. Ainsi, si, en raison de l’évolution de la politique de sanctions, des entreprises viennent à se trouver dans une situation où elles violeraient les sanctions applicables en raison de la poursuite de leurs activités en Iran, les banques pourraient être en droit de dénoncer ces crédits ».

Dans les conventions d’ouverture de compte également, il est souvent stipulé que « la banque peut se réserver le droit de fermer les comptes de son client, si elle considère que celui-ci mène des activités susceptibles de faire l’objet de sanctions », rappelle l’associé.

Des seuils de chiffre d’affaires

Le secteur bancaire français, le plus sévèrement touché en Europe par des amendes liées aux embargos, a pris les devants. Avant même l’annonce de retrait de l’accord nucléaire par Donald Trump, des PME se sont vues menacées de fermeture de compte si elles dépassaient un certain seuil de chiffre d’affaires en Iran. Des flux fournisseurs ont été bloqués. Et des salariés d’entreprises détachés dans ce pays ont vu leur compte fermé d’office en France, témoignent des conseils.

Dès la mi janvier_Donald Trump avait donné 120 jours aux Européens pour durcir l’accord sur le nucléaire_, « nous avons observé un durcissement de la position des banques vis-à-vis de leurs clients », confirme Augustin Huyghues Despointes, du cabinet Redbridge. « Les départements de compliance des banques essaient d’imposer aux entreprises emprunteuses d’apporter la preuve à tout moment, à la demande de la banque, que des procédures de prévention des risques de sanctions sont mises en place. Nous nous efforçons de refuser de telles contraintes ».

C’est que la menace pour les banques, est, elle, bien réelle. Le rétablissement des sanctions dites « secondaires » a pour conséquence de menacer « tout acteur intervenant en Iran, d’être inscrit sur la liste noire des autorités américaines, et par voie de conséquence, toute partie qui contracte avec lui », rappelle-t-on au sein de l’exécutif.

Les banques instruments de la politique américaine

Les banques sont particulièrement exposées parce que leur trésorerie est fongible _elles ne peuvent pas démontrer qu’elle n’a pas servi à financer un client en Iran. Et parce qu’elles-mêmes doivent respecter des clauses d’emprunt en matière de mesures d’embargo, quand elles se financent sur les marchés.

A travers les banques, « les Etats-Unis sont ainsi parvenus d’une certaine manière à privatiser la veille et la menace de sanctions », estime Louis de Longeaux. Et ce ne sont pas les seules. Les assureurs s’y trouvent contraints aussi.

« En tant que courtier d’assurance, nous avons mis en place un courant d’affaires avec une compagnie locale iranienne pour l’assurance des marchandises transportées vers l’Iran, explique Emmanuel Pellerin, de Cap Marine, filiale de SIACI SAINT HONORE. Depuis quelques jours, notre service juridique nous demande de suspendre toute activité, dans l’attente de connaître l’étendue des sanctions. Les compagnies d’assurance qui avaient autorisé quelques opérations ponctuelles sont en train de vérifier tous les contrats existants et nous mettent en demeure d’arrêter. »


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