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Michelin part en guerre contre l’obsolescence programmée

En bout de piste, les quatre véhicules sont fin prêts. S’ils paraissent identiques à première vue, en réalité, ils ne le sont pas tout à fait. Deux d’entre eux sont équipés de pneus « premium » (gradés A), et les deux autres de pneus « budget », de moindre qualité (gradés C). Et pour chacune des deux catégories, un jeu de gommes est neuf, tandis que l’autre est usé jusqu’à la corde – c’est-à-dire, jusqu’au maximum légal. La démonstration démarre : chacune des voitures arrive à 65 km/h sur la piste trempée et freine jusqu’à l’arrêt total. Le résultat est bluffant : la distance de freinage du pneu « premium » usé (23,4 mètres) est inférieure à celle du pneu « budget » neuf (24,1 mètres).

Un véritable gâchis

Nous sommes à côté de Clermont Ferrand, sur la piste d’essais de Michelin, à Ladoux (Puy-de-Dôme). Cette petite mise en scène a été concoctée par le manufacturier, et ses résultats homologués sous huissier, pour appuyer son discours étonnant contre l’obsolescence programmée . « Les gens sont persuadés qu’en changeant leurs pneus plus souvent, ils sont plus en sécurité. Ces tests montrent que c’est faux. Pourtant, alors que la loi interdit de rouler avec des gommes dont la profondeur des sculptures est inférieure à 1,6 millimètre, correspondant au témoin, en moyenne les changements interviennent plutôt à 3 millimètres », explique Cyrille Roget, responsable technique de l’innovation du groupe. Certains fabricants militent même pour un relèvement des critères d’usure maximum réglementaires à 3 millimètres.

Un véritable gâchis, argumente le groupe, selon qui 128 millions de pneus sont ainsi consommés inutilement chaque année en Europe (et même 400 millions dans le monde), entraînant 6,9 milliards d’euros de dépenses inutiles par an pour les consommateurs, et l’émission de 6,6 millions de tonnes de CO2. « Certains fabricants dans de nombreux secteurs jouent la carte de l’obsolescence programmée. Chez Michelin, nous avons fait le choix inverse, celui de la ‘longévité programmée’ : la satisfaction de nos clients est primordiale », insiste Terry Gettys, le directeur de la R&D du groupe.

Champion de la mobilité durable

Soucieux d’apparaître comme un champion de la mobilité durable, Michelin s’est lancé dans une véritable campagne sur les pneus usés auprès des autorités et des associations de consommateurs. Avec pour premier ambassadeur son président, Jean-Dominique Senard . « C’est un sujet très important pour moi, dit-il. Je souhaite changer la réglementation européenne pour introduire des critères sur les pneus usés, alors qu’elle ne porte aujourd’hui que sur les pneus neufs. Nous espérons une inflexion dès 2018. »

Un premier pas a déjà été franchi, lors de la publication du « paquet mobilité » publié mi-mai, dans lequel la Commission européenne recommande que les pneus soient évalués aussi en fin de vie lors de leur homologation. « Le sujet est à ce stade simplement évoqué, mais c’est un premier pas important », commente Jean-Dominique Senard.

Avec ses pneus premium, Michelin espère bien sûr aussi en profiter et contrer les pneus bas de gamme en provenance de pays en développement, qui commencent à déferler sur les marchés mondiaux. En attendant le pneu du futur, présenté par le groupe l’an dernier. Baptisé « Vision », il s’agit en réalité d’une roue imprimée en 3D, sans air – donc increvable – et, surtout, destinée à rouler à l’infini : en cas d’usure, il suffit de redéposer un peu de gomme pour repartir, comme en l’an 40.


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