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La question des contrats courts empoisonne la majorité 

En 2017, la moitié des contrats à durée déterminée ont duré 5 jours ou moins contre 22 jours en 2001. Autrement dit, là où un CDD couvrait vingt jours travaillés il y a seize ans, il en faut quatre aujourd’hui. Toujours en 2017, près d’un CDD sur trois n’a duré qu’une seule journée. Même si le sujet a déjà fait l’objet de nombreuses recherches,  une nouvelle étude du ministère du Travail , publiée ce jeudi, confirme à quel point la précarité a gagné une partie du marché de l’emploi. Mais sa publication prend un relief particulier, et très politique, dans la foulée de l’adoption du projet de loi « avenir professionnel » à l’Assemblée nationale.

L’examen en séance plénière du texte a été l’occasion pour les députés de la majorité d’envoyer  un message très clair au gouvernement  sous la forme d’un amendement surprise. L’enjeu porte sur l’instauration d’un mécanisme de bonus-malus sur les cotisations chômage patronales, une promesse d’Emmanuel Macron. Le principe ? Sanctionner les employeurs qui abusent des contrats courts et récompenser ceux qui, à l’inverse, ne font pas tourner leur main d’oeuvre. 

Incertaines négociations dans les branches

La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, y est favorable, Edouard Philippe (et le patronat) y est opposé. Le gouvernement est uni, en revanche, dans sa volonté de revoir les règles permettant à un demandeur d’emploi de cumuler allocation et revenu d’activité, rendues en partie responsables de la précarité professionnelle. Tout cela – instauration d’un bonus-malus et révision des règles de cumul – étant subordonné aux résultats des négociations dans toutes les branches professionnelles censées déboucher en fin d’année.

Anticipant leur possible échec, le groupe LREM a décidé de mettre le gouvernement devant ses responsabilités : l’amendement qu’ils ont voté lie la révision des règles de cumul à l’instauration du bonus-malus. Autrement dit, pas question de faire l’un sans l’autre. Et tant pis si Matignon ne veut que l’un. «  Le message politique de la majorité est clair pour qu’il n’y ait pas d’hésitations du gouvernement sur cette question de bonus-malus  », averti Aurélien Taché, député du Val-d’Oise.

En attendant de savoir ce que donneront les négociations dans les branches, l’étude du ministère du Travail montre bien là où le bât blesse : si les embauches en CDD ont explosé ces dernières années, c’est presque uniquement parce que leur durée à chuté. Et si l’on met l’intérim de côté, la rotation de la main d’oeuvre est le fait de quelques secteurs du tertiaire : hébergement médico-social, santé humaine, sécurité, nettoyage, édition, audiovisuel, diffusion… 

Mais il faudra attendre les prochaines versions de l’étude pour comprendre pourquoi. Conscient de la volonté du gouvernement de toucher aux règles de cumul qui sont de leur ressort, les partenaires sociaux ont pris les devants pour esquisser quelques pistes à l’occasion de la publication, il y a dix jours,  des perspectives financières de l’Unédic.  

Selon eux, plusieurs raisons peuvent expliquer l’explosion du nombre de contrats courts : tertiarisation de l’économie, recours aux CDD d’usage, une forme plus souple que le CDD classique, appel d’air des politiques de baisse des charges sur les bas salaires qui ont favorisé les emplois peu qualifiés, contraintes financières ou administratives dans des secteurs très dépendants de financement publics, à l’image de l’hébergement médico-social. 

Quant aux règles de cumul, l’Unédic rappelle qu’elles ont été maintes fois retouchées pour en limiter les effets pervers, comme ce fut le cas avec la convention de 2017, avec des substantielles économies à la clef (550 millions par an en rythme de croisière). Et que seuls 28% des allocataires qui travaillent ont des contrats de moins d’un mois. Qui plus est, si le nombre de personnes en question a augmenté de 10% depuis 2012, les montants que Pôle emploi leur verse est resté stable.

Si les pratiques en matière d’embauche ont évolué ces dernières années, celles en matières de ruptures de contrat de travail aussi. La démission reste le premier motif, CDD et CDI compris, mais un changement majeur est intervenu en 2008 avec l’arrivée des ruptures conventionnelles individuelles. Elles ont représenté 10% des ruptures de CDI en 2017, selon le ministère du Travail. Surtout, à l’inverse de ce que laissent penser les observations qualitatives, les trois quarts d’entre elles se seraient substituées à des démissions, 10 à 20% à des licenciements économiques, le tout sans effet sur les licenciements pour motif personnel.


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