EconomieÉconomie France

Impôts : les vrais chiffres de l’« exit tax »

Deux mois après  les déclarations retentissantes d’Emmanuel Macron sur la fin de « l’exit tax » , le débat pourrait rebondir sur la base des dernières évaluations réalisées à Bercy. Selon nos sources, les recettes potentielles sur les plus-values latentes s’élèvent en fait à 1,55 milliard d’euros à fin 2017. Ce chiffre inclut à la fois l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux que l’Etat pourrait à terme tirer de la taxation des plus-values réalisées par les entrepreneurs partis à l’étranger. Rien ne garantit que ces recettes seront effectivement encaissées, au contraire :  les exilés peuvent, dans la plupart des cas, bénéficier d’un sursis de paiement jusqu’à la cession de leurs parts. Si la vente intervient au-delà d’un délai de 15 ans après leur départ (8 ans s’ils sont partis avant 2014), l’impôt sur le revenu ne sera jamais du.

Pagaille de chiffres

Ces données devraient commencer à éclaircir le débat et mettre de l’ordre dans la pagaille de chiffres qui régnait jusqu’ici. A l’annonce d’Emmanuel Macron, Bercy avait communiqué sur le rendement de cette taxe depuis 2012, soit 140 millions d’euros sur six ans (en cumulé). Cela correspondait à l’argent qui est effectivement rentré dans les caisses de l’Etat. Un faible montant, donc. Mais comme les contribuables bénéficient d’un sursis de paiement, les sommes en jeu pour les années à venir peuvent être bien plus importantes.

De son côté, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) avait évalué les recettes à 803 millions d’euros. Mais cette fois, il s’agissait d’un rendement potentiel dans le cas où toutes les plus-values latentes seraient imposées, ce chiffre prenant en compte uniquement l’impôt sur le revenu, et pas les prélèvements sociaux…

Qu’est-ce que l’« exit tax » ?

La majorité prise de court

Mi-juin, nouveau rebondissement :  le directeur de la législation fiscale annonce, en commission des Finances à l’Assemblée , que les recettes potentielles de l’« exit tax » seraient en fait de 6 milliards d’euros, impôt et prélèvements sociaux compris. Stupeur chez les parlementaires, y compris auprès des députés de la majorité qui s’étaient déjà sentis pris de court par l’annonce présidentielle, relativement inattendue.

Il semblerait en fait qu’il y ait eu une erreur, car ce chiffre correspond à la somme des recettes latentes sur la période 2012 à 2017. Or, on ne peut pas raisonner en cumul, car les redevables de l’« exit tax » doivent faire une déclaration chaque année jusqu’à ce qu’ils soldent leurs plus-values. Les 6 milliards comptaient donc plusieurs fois les mêmes plus-values ! En fait, le chiffre à prendre en compte, ce sont les recettes latentes (impôt et prélèvement sociaux) à fin 2017, soit 1,55 milliard d’euros.

Ceci ne devrait pas suffire à clore le débat sur l’« exit tax ». Si ces données indiquent quelles recettes potentielles l’Etat serait prêt à abandonner en supprimant l’« exit tax », elles ne disent pas quelles recettes ont été préservées par l’existence de ce mécanisme. Christophe Pourreau, le directeur de la législation fiscale à Bercy, l’a rappelé lors de son audition : « Ce n’est pas une disposition qui a un objectif de rendement. C’est un dispositif anti-abus qui vise à imposer les contribuables au moment du départ hors de France. » Et qui donc permet de limiter les départs et de préserver les bases fiscales existantes.

L’« exit tax » peut-elle être supprimée, y compris pour les contribuables ayant déjà quitté le territoire depuis 2012 ? L’arbitrage n’a pas encore été rendu. Mais les arguments juridiques plaident plutôt pour un maintien de la taxe pour les départs intervenus entre 2012 et 2018. Lors de son audition à l’Assemblée, le directeur de la législation fiscale à Bercy a précisé que le fait générateur est bien le départ hors de France et que les contribuables bénéficient uniquement d’un sursis de paiement. Supprimer l’« exit tax » pour les années passées aurait donc « un caractère rétroactif », a-t-il expliqué. Qu’il s’agisse de hausses ou de baisses d’impôts, la loi ne peut être rétroactive.


Continuer à lire sur le site d’origine