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L’Allemagne orpheline

Pour les Allemands, les attaques de Donald Trump sont un traumatisme. Non seulement parce que le président américain remet en question une relation commerciale clef pour leur pays : les Etats-Unis sont le premier client de l’Allemagne avec un volume d’exportations de 112 milliards d’euros. Mais en présentant l’Union européenne (UE) et l’Allemagne comme un ennemi, c’est comme s’il reniait la paternité de son pays et faisait de l’Allemagne une puissance orpheline.

Vue de France, la première économie européenne est une nation souveraine et puissante, voir hégémonique. Mais sans les Etats-Unis, l’Allemagne est vulnérable. Ceci tient au caractère particulier de la relation germano-américaine depuis la guerre, qui a certes vécu des hauts et des bas comme on a pu l’observer durant le  scandale des écoutes téléphoniques de l’autorité de surveillance américaine NSA sous Barack Obama, mais définit de manière décisive l’identité du pays.

Plan Marschall

L’Allemagne moderne ne serait rien sans les Etats-Unis. A la sortie de la Deuxième guerre mondiale, c’est Washington, plus que Paris et Londres, qui a défini la structure économique et politique de la République fédérale d’Allemagne. Ce sont les Etats-Unis, plus que la France et le Royaume-Uni, qui ont imposé la « dénazification » via le procès de Nuremberg. Ce sont eux qui ont imposé un système fédéral et décentralisé ancré dans la loi fondamentale allemande.

La reconstruction de l’Allemagne de l’Ouest n’aurait pas été possible sans le plan Marshall, du nom du ministre des Affaires étrangères américain, qui s’adressait certes à l’Europe mais a d’abord profité à l’Allemagne. On peut même dire que ce plan porte les germes de la prospérité et du modèle économique allemand : son but était que le pays ne dépende pas d’aides financières durables mais reconstruise son économie en exportant, notamment vers les Etats-Unis.

Mais c’est en matière de défense que la dépendance s’est institutionnalisée. Tandis que la France quittait le commandement intégré de l’OTAN en 1966, la République fédérale est restée jusqu’à la chute du mur de Berlin la base arrière des Etats-Unis en Europe. Lorsque Charles de Gaulle et Konrad Adenauer ont signé le traité de l’Elysée en 1963, texte fondateur des relations franco-allemandes, le Bundestag a tenu à inscrire dans le préambule l’importance de la relation transatlantique, de peur qu’on touche à un tabou.

Troupes américaines en Allemagne

Face à la menace soviétique, la RFA se reposait sur le bouclier nucléaire américain. Les troupes américaines ont toujours été les plus nombreuses en Allemagne. A la chute du mur, en 1989, 200.000 soldats américains stationnaient outre-Rhin ; ils étaient 70.000 dix ans plus tard et sont  encore la moitié . Encore aujourd’hui, Washington commande ses drones irakiens depuis la base militaire de Ramstein, ville autour de laquelle vivent 50.000 Américains.

Bien sûr, la relation a connu des crises, comme lorsque le chancelier Gerhard Schröder a refusé de participer à la guerre en Irak en 2003 (avec Jacques Chirac). Malgré Donald Trump, Angela Merkel est décidée à « soigner » la relation transatlantique, comme elle l’a redit vendredi, mais elle sait que l’Allemagne ne peut plus compter sur son bouclier historique. « Nous sommes confrontés à des remises en question nouvelles », a reconnu la chancelière.


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