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EXCLUSIF – L’Etat donne le coup d’envoi à la création d’un grand pôle financier public

C’est un scénario qui  circule depuis des années , mais cette fois, le gouvernement est prêt à franchir le pas. Selon nos informations, il devrait annoncer ce jeudi sa volonté de créer un grand pôle financier public en mariant  CNP Assurances avec La Banque Postale, à travers une opération complexe faisant de la Caisse des Dépôts (CDC) le premier actionnaire de La Poste.

Alors que la rentrée est déjà compliquée par la démission de Nicolas Hulot, ce vaste mouvement n’est pas sans danger politiquement : ce n’est plus l’Etat directement mais la CDC qui deviendra actionnaire majoritaire du groupe public postal. Pour cela, un amendement à la loi sur La Poste devrait être déposé lundi dans le cadre de l’examen de la loi Pacte.

Le ministre des Finances Bruno Le Maire, en charge du dossier, doit recevoir ce jeudi les patrons de la CDC et de la Poste, Eric Lombard et Philippe Wahl. Après une information aux syndicats de la Poste, mercredi, des réunions sont prévues ce jeudi avec les représentants syndicaux des autres acteurs. La Poste, La Banque postale, BPCE, CNP Assurances, le ministère des Finances, se sont refusé à tout commentaire. 

Intérêts alignés

Selon le schéma prévu, l’Etat devrait céder le contrôle direct de La Poste à la Caisse des Dépôts. Cette dernière verrait ainsi sa participation dans le groupe postal passer de 26,32 % à une fourchette comprise entre 50 et 60%. De quoi renforcer la stratégie d’Eric Lombard, le patron de la CDC, qui veut en faire une banque au service des territoires.

En contrepartie, la CDC apportera ses parts de plus de 40% dans CNP Assurances au groupe La Poste. « C’est une opération qui se débouclera fin 2019 », avance un proche du dossier. L’échéance correspond au terme du pacte d’actionnaires entre la Banque Postale et BPCE. Ensemble, ils détiennent 30,7% de CNP Assurances via une structure dédiée (Sopassure). 

Longtemps divisés, les intérêts publics semblent donc aujourd’hui alignés. C’est une victoire pour Eric Lombard, et Philippe Wahl, qui pousse de longue date pour ce projet. La Caisse des Dépôts, en particulier, y trouve un bien meilleur équilibre que les schémas précédents, qui lui réservaient une place de gros minoritaire au capital de La Poste.

Pour autant, il reste une interrogation de taille : la Banque Postale sera-t-elle obligée de lancer une offre publique d’achat sur les minoritaires de la CNP, qui détiennent plus de 20% du capital, et d’acheter les parts de BPCE ? CNP Assurances vaut près de 14 milliards d’euros en Bourse.

Dérogation de l’AMF?

Théoriquement, une offre obligatoire doit être déposée par toute personne qui franchit le seuil de détention de 30 % du capital ou des droits de vote. Mais la CDC et la Banque Postale espèrent obtenir une dérogation de l’Autorité des marchés financiers (AMF) en arguant qu’ils agissent déjà de concert. « L’opération ne bouleverserait pas l’équilibre général », juge un avocat.

Dans tous les cas, l’AMF ne sera sollicitée qu’après le vote définitif de l’amendement qui permettra à la CDC de monter au capital de La Poste. Dans l’état actuel des choses, BPCE pourrait conserver sa participation financière dans CNP, qui était le partenaire historique des Caisses d’Epargne dans l’assurance vie. Depuis 2017, le groupe se repose sur sa filiale Natixis.

Si l’opération est de nature à créer des remous avec les syndicats de La Poste, qui pourraient redouter une privatisation rampante du groupe public, elle semble bien accueillie par ceux de sa filiale bancaire, qui sont convoqués ce jeudi. L’éventuel rapprochement avec CNP est vu comme une opportunité de développement pour le groupe bancaire.

Questions stratégiques pour CNP

Un resserrement entre la Banque Postale et la CNP devrait encore accentuer l’importance de ce métier pour la filiale bancaire de La Poste. Mais il devra passer par une clarification avec l’ex-Caisse Nationale de Prévoyance, jaloux de son indépendance et de sa stratégie multicanaux. Sans doute un signe de la sensibilité du dossier, le patron de CNP Frédéric Lavenir a démissionné début juillet.


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