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Le GR2013, un sentier d’exploration urbaine et artistique

Pour obtenir le label GR délivré par la Fédération française de randonnée pédestre, un sentier doit être constitué au maximum de 30 % de chemins goudronnés. Tracer celui du GR2013, qui serpente autour de Marseille entre raffineries, lignes à haute tension et voies de chemin de fer a donc réclamé une dérogation spéciale qui fait de lui un itinéraire unique salué, lors de son inauguration, parmi les dix meilleurs nouveaux sentiers pédestres par National Geographic Traveller. Pas vraiment un bol d’air pur : on se fraie un chemin dans le trafic, on longe une déchetterie, on passe sous des pylônes à haute tension, on respire l’air pollué du complexe pétrochimique de Fos.

« C’est une oeuvre artistique », explique Baptiste Lanaspeze, à l’origine de ce projet produit par Marseille-Provence 2013, organisateur de la Capitale européenne de la culture, il y a cinq ans. Avec quelques artistes marcheurs, héritiers du Land Art de Richard Long et Amish Fulton, ce spécialiste de l’écologie urbaine a eu l’idée de ce tracé périurbain en forme de huit qui sillonne « comme une promesse de promenades et de réinventions infinies alliant nature et culture ».

Déserts urbains

Il faudra seulement deux ans (alors qu’il en faut généralement dix), et des centaines de kilomètres de repérage autour des « déserts urbains » que constituent l’étang de Berre et le massif de l’Etoile, au nord de Marseille, pour finalement dessiner cet itinéraire de 365 km convergeant vers la gare TGV d’Aix-en-Provence.

Très impliquées, les 38 communes traversées ont saisi l’occasion d’un marketing territorial. Le conseil départemental, propriétaire de 2.000 km de sentiers, a mis une partie des chemins du PDIPR (Plan départemental des itinéraires de promenade et randonnées) à disposition. Le GR2013 en est constitué à près de 50 %. Les villes ont également bataillé pour voir peints sur leurs murs les traits jaune et rouge qui guident les randonneurs.

A Marseille, la municipalité a tenu à ce que le sentier traverse ses deux vitrines architecturales que sont le projet de rénovation urbaine Euroméditerranée et le Mucem (Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée). En contrepartie, il explore aussi 70 km des quartiers nord, traversant friches industrielles, barres d’immeubles, hangars, lotissements, déchetterie sauvage et collines calcaires. « Ce sentier est une expérience », résume le National Geographic.

Artistes-marcheurs

Plus loin, effleurant les merveilles naturelles de la région, il se concentre à Vitrolles sur un terril de résidus de bauxite issus d’une ancienne usine d’alumine où campe le Stadium abandonné de la ville, un monolithe noir conçu en 1994 par l’architecte Rudy Ricciotti : « Son premier monument punk, à l’origine de sa carrière internationale », détaille le topoguide du circuit, un ouvrage unique dans la collection de la FFRP, où le descriptif se confond au point de vue des artistes marcheurs. « Le GR2013, on apprend à l’aimer, au début, ce n’est pas évident », confiait lors de son inauguration le vice-président des Excursionnistes marseillais Bernard Lebrun, qui salue aujourd’hui « un état des lieux de 2.500 ans d’occupation humaine dans un département parmi les plus urbanisés de France ».

Dès le début, son originalité a attiré bon nombre de curieux : plus de 10.000 topo-guides ont été vendus dès les premières semaines, alors qu’il s’en écoule 8.000 chaque année pour le mythique GR20 en Corse. Depuis, un bureau des guides a été créé par un groupement d’artistes-marcheurs. Il propose une programmation régulière de balades et d’événements liés à la pratique de la marche en milieu urbain et périurbain. Jusqu’à septembre, le collectif organise par exemple une vingtaine de rendez-vous sur le GR2013 (performances, lectures, danse, expositions…). Ont lieu également des balades interactives pour découvrir les paysages habités, des « moments de contemplation participatifs », des haltes dans des campements improbables, et même la lecture d’un journal culturel de contes métropolitains.

Une autre proposition s’intéresse à « la quête de l’ombre, autour et dans la chair urbaine de Miramas ». Sur cette boucle de 12 km, Nicolas Mémain explore l’intégration de la nature dans les projets urbains dans le contexte du changement climatique, entre un lotissement de cheminots, des canaux d’irrigation, des barrières de foin de la plaine de la Crau et le village des marques. « Nos propositions sur ce sentier-musée favorisent le lien social », explique le collectif. D’autres y voient une façon inédite pour les habitants de la métropole Aix-Marseille Provence de découvrir leur nouvel espace de vie, entre paysages bucoliques, agricoles, urbains et industriels. Un guide du vivre-ensemble…


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