EconomieÉconomie France

Olivier Dussopt : « L’objectif de 50.000 suppressions de postes au sein de l’Etat est très largement atteignable »

Il est très largement atteignable, sachant que chaque année il y a plusieurs dizaines de milliers de départs en retraite. Mais il n’est pas l’alpha et l’oméga de notre politique. Nous ne comptons pas renouveler les erreurs du passé. Il faut d’abord travailler sur la façon de moderniser les services publics et de gagner en productivité. Ce n’est qu’à partir de là que l’on peut supprimer des emplois, tout en conservant un objectif : l’amélioration de la qualité du service public rendu aux usagers. La mise en oeuvre des réformes étant progressive, plus nous allons avancer, et plus des marges de réduction des effectifs se dégageront.

Les services de Bercy ne seront pas les seuls concernés. Mais ils seront bien sûr mis à contribution, comme les autres. Notre méthode, avec Gérald Darmanin, c’est, dans l’ordre : missions, réseaux, effectifs. Nous sommes convaincus qu’il est possible de rendre le même service public autrement. Prenons le cas des trésoreries, que nous avons évoqué le 11 juillet lors de la réunion que nous avons tenue avec les 600 cadres de l’administration centrale et des services déconcentrés de notre ministère. Depuis plusieurs années, des centaines de perceptions ont été supprimées en France. Il en reste un peu plus de 2.000. La dématérialisation et le prélèvement à la source vont encore réduire les besoins. Nous avons l’objectif de maintenir autant que possible un point de contact physique par intercommunalité, je pense que c’est possible. Mais il serait imprudent et contre-productif de donner un objectif cible en termes d’évolution des effectifs de Bercy.

L’Education, comme les autres ministères, va mettre à profit des réorganisations pour se réformer. Ca ne veut pas dire que nous allons nécessairement supprimer des postes d’enseignants. Dans la continuité des actions engagées, la priorité sera donnée au premier degré, notamment en poursuivant le dédoublement des classes de CP et CE1 en éducation prioritaire. Enfin, nous allons aussi créer quelques 6.000 postes (4.500 ont été créés en 2018) d’accompagnants pour les enfants présentant des situations de handicap. En parallèle, nous poursuivrons les créations de postes dans le secteur de la justice ou de la sécurité.

Oui effectivement, dans les années qui viennent, environ 150.000 départs annuels à la retraite sont prévus dans la fonction publique dont une part plus importante dans les collectivités. Ces 2-3 dernières années, la tendance est déjà à la baisse dans la fonction publique territoriale. Je fais confiance aux collectivités pour y parvenir, sans intervenir dans leur libre administration. C’est le sens du partenariat que nous avons bâti avec elles dans le cadre de la contractualisation. Nous allons par ailleurs, en 2019, essayer de faire baisser les charges des collectivités, notamment celles liées aux normes et aux frais de personnel.

Nous nous inscrivons dans le cadre des 1.607 heures de la loi de 2000. Deux rapports, de la Cour des comptes et du CSFPT (Conseil supérieur de la fonction publique territoriale), ont montré qu’en moyenne le temps de travail dans les collectivités est inférieur à cette durée. Parce que certains agents ont des sujétions particulières (travail de nuit, etc.) mais aussi à cause du maintien d’accords locaux antérieurs à 2001. Nous devons les remettre en question pour nous assurer du respect des 1.607 heures. Il faut aussi harmoniser les régimes d’autorisation d’absence. Les congés pour mariage, par exemple, varient de trois jours jusqu’à une dizaine. L’objectif est d’avoir un barème unique pour les trois versants de la fonction publique.

Nous avions promis de stabiliser en 2018 les dotations aux collectivités. Je rappelle que la dotation globale de fonctionnement est même passée de 47,8 à 48,1 milliards d’euros. L’an prochain, nous serons sur la même tendance, et il n’y aura pas le mouvement massif de « yoyo » des dotations qu’ont pu connaître les communes et qui résultait de la réforme de la carte intercommunale intervenue en 2017 à la suite de l’adoption de la loi NOTRe, en 2015. Il y aura nettement moins de communes qui verront leur dotation baisser. Nous comptons aussi maintenir le niveau des aides à l’investissement local.

C’est trop tôt pour poser la question. Nous estimons, avec ma collègue Jacqueline Gourault, que la bonne période pour évaluer ces contrats n’est pas le PLF 2019. Il faut attendre une année d’exécution budgétaire. La contractualisation sur une évolution de 1,2 % de dépenses est une « nouvelle grammaire », voulue par le Premier ministre, de la relation Etat-collectivités. Je note par ailleurs que 70 % des collectivités concernées ont signé ce contrat avec l’Etat.

Depuis le 1er février, nous avons lancé des groupes de travail sur quatre chantiers : la refonte du dialogue social, l’élargissement des recrutements de contractuels, la structure de la rémunération et la mobilité. Sur les deux premiers chantiers, nous avons fait un point d’étape avec les syndicats avant la pause estivale. Nous allons travailler jusqu’à la fin octobre sur les deux autres, puis les discussions seront ensuite suspendues pour permettre aux organisations syndicales de préparer les élections professionnelles du 6 décembre. Nous ouvrirons ensuite un nouveau cycle de consultation sur le projet de loi que nous aurons rédigé. L’objectif est de présenter un projet de loi dans les premiers mois de 2019.

Il y en a plusieurs. Par exemple, nous comptons élargir le droit de recours aux contrats pour des besoins locaux quand il y a une difficulté de recrutement et aligner les durées de contrats des agents de catégories B et C (actuellement de deux fois un an) sur celles des catégories A (deux fois trois ans). Nous voulons aussi créer des contrats de mission ou de projet (le nom n’est pas encore arrêté) pour permettre aux employeurs publics de s’adjoindre des profils d’agents et des compétences qu’ils n’ont pas, et pour le temps de réalisation du projet sans qu’il y ait d’engagement, ni de l’employeur ni de l’agent, à une carrière entière. Nous allons enfin améliorer les conditions d’emploi des contractuels et travailler sur leur perspective d’évolution dans la fonction publique. Une réunion sur le sujet doit avoir lieu dans les prochains jours.

Nous avons dès le départ annoncé notre volonté de prendre en compte l’investissement professionnel des agents, autrement dit le mérite, tant au niveau collectif qu’individuel. Nous allons aussi nous pencher sur la question des primes. La réforme de 2014 visant à remplacer la plupart des primes et indemnités existant dans la fonction publique de l’Etat par un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) concerne peu d’agents : seuls 25 % des agents de l’Etat sont aujourd’hui concernés. Son architecture générale est intéressante, avec notamment un plafonnement de la part indemnitaire à 30 %, mais il manque un taux plancher. Les employeurs territoriaux ont proposé de le fixer entre 10 et 15 %. Ca me paraît une bonne idée.

Je le redis, il n’y aura pas « un » plan de départ volontaire. Dans le cadre de la concertation, nous travaillons à des outils visant à favoriser les mobilités au sein de la fonction publique et vers le secteur privé. Chaque année, 4 % des agents changent de poste en restant dans la fonction publique, mais dans moins de 1 % des cas seulement ils changent de versant. C’est trop peu. Nous allons donc travailler sur des formations passerelles et, en 2019, une plate-forme numérique centralisera l’ensemble des offres d’emploi des administrations, que pourront aussi consulter les salariés du secteur privé. Concernant les départs volontaires de la fonction publique, il faut savoir qu’il existe déjà une indemnité qui peut être perçue individuellement par certains agents démissionnaires. Plafonnée à deux ans de salaire hors primes, elle concerne chaque année environ 1.000 personnes au sein de l’Etat. Nous devons en réinterroger les conditions d’accès. Nous voulons aussi permettre aux employeurs de mettre en place des dispositifs collectifs sur la base du volontariat en cas de restructuration de services.

Le gouvernement croit en cette mesure et la représentera. Le Conseil constitutionnel n’a pas jugé le fond de la mesure. En revanche, le maintien des droits à l’avancement pendant cinq ans pour les fonctionnaires qui se mettent en disponibilité pour exercer une activité professionnelle va pouvoir entrer en vigueur et c’est une bonne chose pour favoriser les mobilités entre secteur public et secteur privé. Nous pourrions d’ailleurs l’étendre aux congés parentaux.

J’ai plaisir à constater que la majeure partie des organisations syndicales conviennent de l’importance de ce sujet sur lequel, j’espère, nous pourrons aboutir à un large accord. Les mesures législatives qui en résulteront seront inscrites dans le projet de loi de transformation de la fonction publique.

Que les dispositions de l’accord de 2013, signé par toutes les organisations syndicales, soient appliquées et que l’on franchisse une nouvelle étape. Nous allons travailler sur plusieurs sujets : la résorption des écarts de rémunération et de déroulement de carrière des agents, l’accès aux métiers et responsabilités, une meilleure conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle, la prévention et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, et l’instauration de pénalités financières pour les employeurs publics qui ne joueraient pas le jeu.

Je peux vous affirmer que, par principe, la fonction publique, dans ses trois versants, ne peut pas signer un accord dont les dispositions seraient moins ambitieuses que dans le secteur privé. C’est bien cet objectif que je poursuis dans les négociations que je préside.


Continuer à lire sur le site d’origine