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Dans les meetings, un même cri de guerre : « Enfermez-la ! »

Le petit garçon est traîné par sa mère sous la pluie. Il a six ou sept ans, et sous sa cape de pluie transparente dépliée à la hâte, on aperçoit un tee-shirt minuscule : « Hillary for prison ». Un slogan qui continue de s’afficher partout dans les meetings de Trump, deux ans après la campagne de 2016. L’expression « Enfermez-la ! »utilisée contre Hillary Clinton , est aussi l’une des plus souvent reprises par la foule, selon un comptage  établi par le « Wall Street Journal » , avec « Construisons le mur ! »

« Nous pensons qu’Hillary a vendu des secrets d’Etat, des secrets militaires aux Chinois, argumente un supporter qui fait la queue depuis le milieu de l’après-midi pour entrer dans le MidAmerica Center, où a lieu le meeting ce soir, et qui ne veut pas dire son nom parce qu’il dit craindre des représailles des démocrates. Elle les a autorisés à accéder à son serveur. C’est pour ça qu’elle avait un serveur privé, pour qu’on puisse y accéder. » Le fait qu’elle se soit retirée de la politique ne change rien à l’affaire. « Ici vous avez affaire à une bande de vrais patriotes », justifie-t-il en riant.

En famille avec poussettes, chaises roulantes et popcorn

La virulence du discours et des messages imprimés sur les pancartes tranche avec l’ambiance familiale et festive. Les fans du président, qui craignaient de s’afficher ouvertement en 2016, sont venus en famille, avec poussettes ou chaises roulantes, arborant vestes et santiags à étoiles, armés d’énormes seaux de popcorn dans cette bourgade de la frontière entre l’Iowa et le Nebraska, deux Etats agricoles qui ont voté Trump en 2016. 

Certains inconditionnels enchaînent les meetings , arrivant la veille pour être sûrs d’être les premiers dans la file. Mais ce soir, tout le monde ne rentrera pas : les organisateurs délivrent plus de billets que le centre n’a de places, afin d’assurer une foule conséquente. « J’ai attendu deux heures et demie dehors, mais j’ai pu rentrer, se félicite Chris Johnson, un agent d’assurance pour les agriculteurs, qui a mis sa casquette rouge. Mes amis qui sont venus de Kansas City, eux, n’ont pas réussi. » Ce soir, le Mid-America Center de Council Bluffs, qui peut accueillir jusqu’à 8.000 personnes, est quasiment plein. Les spectateurs – tous blancs – resteront debout pendant presque tout le meeting.

Toujours le même discours

Les chaînes d’information, qui couvraient tous les événements du milliardaire ces deux dernières années, ont fini par se lasser. Même Fox News ne les diffuse plus en intégralité. Le scénario varie de fait assez peu : les candidats locaux défilent d’abord sur scène puis, au bout d’une heure, Trump apparaît dans son manteau noir, devant deux immenses bannières « Promesses tenues », dans une clameur assourdissante. 

Son discours, qui dure rarement plus d’une heure, se concentre sur les mêmes thèmes : l’économie – « la meilleure depuis quarante-neuf ans » -, les nouveaux traités commerciaux – « les meilleurs jamais signés » -, les journalistes « malhonnêtes », les démocrates « fous furieux », le mur « en construction », et même le transfert de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem « pour seulement 180.000 dollars ».

Les média et le jury des Oscars

Ce soir là, Trump, qui vient de placer le juge Brett Kavanaugh à la Cour Suprême, s’en prend sans relâche aux démocrates qui s’y sont opposés, aux femmes en particulier. Ses cibles favorites sont toujours les mêmes : Nancy Pelosi, Elizabeth Warren, Dianne Feinstein, ou l’afro-américaine Maxine Waters. A chaque fois, la foule embraye – « Lock her up ! Lock-her up ! » (« Enfermez-la ! »), brandissant des pancartes roses « Women for Trump »« Les démocrates sont devenus trop dangereux pour gouverner, lance-t-il, les surnommant les « Dims » [idiots]. On ne tend pas des allumettes à un pyromane, on ne donne pas le pouvoir à une foule gauchiste en colèreEn moins de deux, ils nous transformeraient en Venezuela ! »

Comme à chacun de ses meetings, Trump désigne les journalistes, postés au milieu de la salle derrière des barrières. « Regardez-les, on dirait le jury des Oscars », lance-t-il, alors que la foule se tourne en huant les médias présents. « Regardez un peu cette salle ! Est-ce que je peux demander aux caméras de montrer la salle ? insiste-t-il, parfaitement conscient que les caméras ne peuvent pas tourner. Ils n’aiment pas faire ça, ils préfèrent fixer la caméra sur moi avec juste six gus dans le fond. »

« Un modèle pour le monde »

Apparaissent ensuite les candidats républicains qu’il est venu soutenir. « C’est l’être humain le plus conservateur qui ait jamais existé, assure-t-il à propos de l’un d’eux. Je le soutenais déjà avant d’être un politicien… Est-ce que je devrais utiliser ce mot ? Est-ce que je suis un politicien ? » « Boooouh ! », répond la salle.

Une demi-heure plus tard, Trump est dans l’avion qui le ramène à Washington – il aura passé moins de trois heures sur place. « J’ai trouvé que c’était super, se réjouit Chris Johnson à la sortie. C’est une équipe de gagnants ! Qui ne voudrait pas en être ? Nous sommes un modèle pour le monde ! » Cet ancien démocrate, qui se dit très religieux, se demande pourquoi l’Europe ne suit pas la même voie que les Etats-Unis. « Vous êtes tombés dans le trou du socialisme il y a trop longtemps ! », plaisante-t-il, même s’il admet que Trump n’est pas un modèle de conservatisme. « Personne n’est parfait, rappelle-t-il. Le seul qui était parfait est mort sur la croix. »


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