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Brexit : plusieurs ministres britanniques claquent la porte

C’est la première démission importante que Theresa May a à essuyer depuis qu’elle a obtenu de haute lutte, mercredi soir, le feu vert de son gouvernement au projet d’accord qu’elle a conclu sur le Brexit avec Bruxelles.  Dominic Raab, son ministre du Brexit , a annoncé vers 10 heures (heure française) sa démission. « Je ne peux soutenir l’accord proposé pour deux raisons », liées notamment au futur statut de l’Irlande du Nord après le Brexit, a expliqué Dominic Raab dans sa lettre de démission, publiée sur son compte Twitter.

« Je pense que le régime réglementaire proposé pour l’Irlande du Nord présente une menace très réelle pour l’intégrité du Royaume-Uni », a précisé l’ex-ministre, qui s’oppose également à un backstop « de durée indéfinie »Le « backstop » est le mécanisme de secours censé s’appliquer pour assurer la fluidité des échanges entre les deux Irlande si, à la fin de la période de transition fin 2020, Londres et Bruxelles tardaient à trouver un accord sur l’après Brexit. « Aucune nation démocratique n’a jamais consenti à être liée par un régime si extensif, imposé de l’extérieur sans aucun contrôle démocratique sur les lois qui seront appliquées », a-t-il ajouté.

Après la  démission début juillet de David Davis , le prédécesseur de Dominic Raab, c’est le deuxième ministre du Brexit que Theresa May perd en un peu plus de quatre mois. La livre sterling a immédiatement décroché après l’annonce de sa démission. Elle perd 1,3 % face au billet vert à 1,27 dollar. Le sterling pâtit également de mauvais chiffres sur les ventes au détail outre-Manche.

Quatre démissions à ce stade

Un peu plus tôt dans la matinée, Shailesh Vara, secrétaire d’Etat adjoint à l’Irlande du Nord, avait lui aussi remis sa démission pour protester contre le projet d’accord.

Et une heure après Dominic Raab, la secrétaire d’Etat au Travail et aux retraites, Esther McVey, lui a emboîté le pas en annonçant à son tour son départ. « L’accord que vous avez présenté au gouvernement hier n’honore pas le résultat du référendum », écrit-elle dans sa lettre de démission. Elle a été suivie peu après par la secrétaire d’Etat britannique chargée du Brexit, Suella Braverman, quatrième départ consécutif du gouvernement de Theresa May au sujet du Brexit. « Je me trouve maintenant dans l’incapacité de soutenir sincèrement l’accord approuvé hier par le cabinet », a-t-elle expliqué dans sa lettre de démission, en déplorant « les concessions » consenties à Bruxelles.

« Le gouvernement se délite sous nos yeux, a déclaré Jon Trickett, membre de la garde rapprochée du chef de file du Labour, Jeremy Corbyn. Il ne reste plus aucune autorité à Theresa May, qui est de toute évidence incapable d’accoucher d’un accord de Brexit qui recueille ne serait-ce que le soutien de son gouvernement – sans parler du parlement et de la population britannique ». 

Theresa May, désormais, joue son poste. Le gouvernement s’est montré ces derniers jours  très divisé sur la forme que le texte de l’accord avec Bruxelles devait revêtir. Si un ou plusieurs poids lourds du cabinet choisissent de démissionner pour marquer son désaccord, la légitimité de la dirigeante conservatrice pourrait être remise en cause.

Un vote de défiance ?

« Je sais qu’il y aura des jours difficiles, avait avoué Theresa May mercredi soir à l’issue du conseil. C’est une décision qui sera examinée à la loupe et c’est tout à fait compréhensible ». Sa prise de parole, ce jeudi devant le Parlement britannique, s’annonce tendue. Certains Brexiters conservateurs, furieux contre le projet d’accord, indiquaient mercredi à la BBC, avant la fin du conseil des ministres, qu’un appel à un vote de défiance pourrait être lancé contre elle dès ce jeudi par les instances du parti.

Le projet d’accord est, depuis 24 heures, sous le feu des critiques. Beaucoup de conservateurs, Remainers ou Brexiters, ont la dent dure contre un texte qu’ils jugent au mieux imparfait, au pire calamiteux. Le DUP, le parti unioniste nord-irlandais sans lequel Theresa May perdrait sa majorité parlementaire, tire à boulet rouge sur le projet d’accord. L’opposition travailliste pilonne aussi ce que son chef Jeremy Corbyn a qualifié mercredi d’« accord bâclé ».

« Brexit total et complet »

Eurosceptique convaincu, Dominic Raab avait activement fait campagne en faveur d’une sortie de l’UE au référendum sur le Brexit de juin 2016. Venant de l’aile libérale du parti conservateur, ce père de deux enfants, dont la famille a émigré de Tchécoslovaquie à la fin des années 1930, avait avant de prendre ses fonctions expliqué dans une interview être en faveur d’un « Brexit total et complet » (« full fat Brexit »). Mais l’homme était considéré comme un pragmatique.

En le choisissant, Theresa May avait fait un geste vis-à-vis des quelque 150 députés conservateurs (sur 316) qui ont voté pour le Brexit en juin 2016, mais aussi de la grosse soixantaine de partisans d’un Brexit dur regroupés derrière le député Jacob Rees-Mogg. Son départ pour Downing Street n’en est que plus embarrassant.


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