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Carlos Ghosn risque de passer Noël en prison

La détention provisoire de Carlos Ghosn ne prendra probablement pas fin  le 10 décembre prochain. Selon plusieurs médias japonais, le parquet s’apprêterait à formuler une nouvelle mise en accusation contre le patron franco-brésilien afin de le maintenir en prison au moins jusqu’à la fin de l’année.

Pour l’instant, le dirigeant n’est formellement accusé que d’une seule irrégularité financière. Le procureur, qui l’avait fait interpeller le 19 novembre au soir, lui reproche d’avoir minoré, entre avril 2010 et mars 2015, le montant de ses revenus dans le document financier que Nissan remet, chaque année, aux autorités boursières du pays.  Le parquet estime que ces sous-évaluations, estimées à 5 milliards de yens (39 millions d’euros) sur cinq ans, ont été organisées avec  la complicité de Greg Kelly, le principal adjoint de Carlos Ghosn, lui aussi en détention provisoire.

Non-lieu impensable

Lundi prochain, un juge va donc se prononcer sur la pertinence de ces premières charges. Il va décider soit de lui accorder un non-lieu, soit de le poursuivre, pas avant plusieurs trimestres, devant un tribunal. « Mais en l’état du dossier, le non-lieu est impensable.  C’est allé trop loin », souffle un expert à Tokyo, qui pointe les efforts du parquet pour imposer auprès de l’opinion publique nippone l’idée de la culpabilité du patron français.

Dès que cette séquence sera terminée, le procureur devrait, selon le quotidien Sankei et l’agence Kyodo, enclencher une seconde « arrestation » basée sur des charges différentes. Il reprocherait, cette fois, au dirigeant d’avoir dissimulé la réalité de ses rémunérations dans des documents boursiers remis entre avril 2015 et mars 2018 aux autorités. Dans ce volet, c’est la somme de 4 milliards de yens (31 millions d’euros) qui n’aurait pas été déclarée.

La « justice de l’otage »

En cas de nouvelle interpellation, Carlos Ghosn et Greg Kelly, qui  nient toujours toute malversation, seraient de nouveau placés techniquement en garde à vue pendant deux jours avant d’être replacés en détention provisoire pour un délai maximum de 20 jours  dans la prison de Kosuge, au nord de Tokyo. Ils devraient dès lors passer Noël en prison. La justice n’ayant à se prononcer (non-lieu ou procès) sur ce second volet de l’accusation que le 30 décembre prochain. « En théorie, les procureurs peuvent saucissonner l’accusation et dévoiler de nouvelles charges à l’infini », explique  l’avocat pénaliste Yuji Shiratori. Le juriste, fin connaisseur des droits japonais et français, estime toutefois que les juges ne toléreraient pas un abus de cette pratique.

Dans de nombreuses affaires, les procureurs japonais usent de ces « réarrestations » pour maintenir leurs suspects en détention le plus longtemps possible. Officiellement, ils veulent éviter des destructions de preuves ou le contact avec des témoins. Leurs critiques assurent que ces longues semaines en prison servent, avant tout, à épuiser moralement les accusés afin de les encourager à reconnaître les faits qui leur sont reprochés. « On parle parfois « d’hitojichi shiho » ou de justice de l’otage », rappelle Yuji Shiratori. La confession devenant la rançon symbolique demandée en échange d’une libération.

En continuant de nier toute action délictueuse, Carlos Ghosn s’expose ainsi à la sévérité du parquet. A l’issue d’une seconde phase de détention de 22 jours, il risque de ne pas être libéré rapidement sous caution. La justice japonaise n’accordant que rarement cette liberté aux inculpés qui refusent de céder.

Nissan n’est pas parvenu mardi à désigner un candidat à la présidence de son conseil d’administration pour remplacer Carlos Ghosn.


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