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François Houllier, de la terre à la mer

Sa mission sera clef, à l’heure où le réchauffement climatique bouscule les océans. En cinquante ans, le niveau des mers est monté de 10 centimètres, et, la Nasa estime qu’il augmentera d’au moins un mètre dans les deux cents ans à venir, engloutissant des îles et des villes, de Miami à Tokyo… « N’oublions pas que ce sont les océans qui absorbent en premier les excès de chaleur », indique François Houllier, qui vient de prendre la présidence de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer.

Choisi par l’Etat pour prendre la barre de l’Ifremer, dans un pays où la surface côtière, en comptant les départements d’outre-mer, est l’une des plus vastes du globe, ce polytechnicien devenu biologiste a fait ses armes sur la terre ferme.

Passionné de nature, randonneur en forêt, il est passé par l’Inra (Institut national de recherche agronomique) qu’il a présidé quatre ans avant de piloter, deux ans, l’université Sorbonne-Paris-Cité.

Dès sa sortie de Polytechnique, François Houllier a intégré l’Ecole nationale du génie rural, des eaux et forêts. Puis, il est rapidement parti en Inde où il est resté de 1994 à 1997, notamment pour diriger l’Institut français de Pondichéry. Une expérience marquante, qui lui donne soif d’ouvrir encore l’Ifremer sur le monde, en sensibilisant notamment davantage les Etats aux dangers qui menacent les territoires marins. Tout en faisant rayonner partout les travaux scientifiques français.

Pour ce faire, il dispose de la Flotte océanique française dont l’Ifremer a désormais l’entière responsabilité. Elle concentre un tiers des 240 millions d’euros du budget annuel de l’Institut. Les quatre navires hauturiers, les six bateaux côtiers et le sous-marin le Nautile qui forment la majeure partie de son armada, sillonnent les mers pour étudier les transformations de la biodiversité, l’évolution de la réserve halieutique, les pollutions et la chimie des océans.

De son côté, cet homme de contacts, à l’écoute des chercheurs selon un collaborateur, a entrepris d’arpenter les ports français mais aussi les îles de la Réunion, de la Martinique ou de la Nouvelle-Calédonie, à la rencontre des équipes. Et de constater sur le terrain que « si la France a, par le passé, raté plusieurs rendez-vous maritimes, les comportements évoluent. Et l’intérêt pour la politique de la mer est de plus en plus prégnant  ». 

A 59 ans, ce fils d’un ingénieur chimiste et d’une mère professeur de français et d’allemand, né à Paris avant de rejoindre Lyon puis Grenoble au gré des mutations paternelles, a aussi la volonté farouche de vulgariser la recherche pour qu’elle ne reste pas cantonnée aux seuls experts. C’est le thème des cours qu’il a donnés dans le cadre de sa présidence de l’université à la Sorbonne-Paris-Cité. Les « sciences participatives » font partie de ses leitmotivs.

C’est d’ailleurs le titre du rapport que lui avait commandé Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre de l’Education nationale. « Beaucoup de citoyens sont des gens curieux et avertis. Ils ont envie d’être acteurs et de contribuer. Sachons utiliser leurs ressources », précise le dirigeant qui, jusque tout récemment, était vice-président des Petits Débrouillards, une association soucieuse d’irriguer la curiosité scientifique dans les quartiers populaires.

Outre la science, ce père de quatre enfants de 14 à 30 ans, qui a épousé une chercheuse en botanique, s’avoue une autre passion plus secrète : celle de la bande dessinée ! Il possède des centaines d’albums. Ses lectures du moment ? Les ouvrages d’Emmanuel Lepage qui a mis en images ses récits de voyages en mer australe à bord du navire Marion Dufresne.

Dès janvier, François Houllier partagera son emploi du temps entre ses bureaux d’Issy-les-Moulineaux et Brest, où travaillent déjà 610 des 1.500 salariés de l’Ifremer et qui se prépare à accueillir son nouveau siège social. Une décision de transférer l’Ifremer, auparavant parisien, prise par l’ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault, au plus fort de la crise des « bonnets rouges » qui réclamaient davantage de considération pour la Bretagne. « Brest est un très bel endroit pour mener des travaux scientifiques maritimes de premier plan car l’écosystème y est très riche », tient à rajouter François Houllier.

S’il aime aussi beaucoup le ski qu’il a intensément pratiqué dans sa jeunesse, François Houllier est également un bon nageur… en mer. Il aura désormais tout loisir de piquer une tête à deux pas de son bureau brestois de la Pointe du Diable.


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