EconomieÉconomie France

Complémentaire santé : Buzyn accuse les mutuelles de « sabotage politique »

Un « sabotage politique ». Agnès Buzyn a attaqué bille en tête les mutuelles, jeudi matin, dans une interview à France Culture. La ministre de la Santé s’est emportée  contre les augmentations de cotisations des organismes complémentaires . Elles ruinent, selon elle, la promesse gouvernementale du « reste à charge zéro » en matière de lunettes, d’audioprothèses et de prothèses dentaires. « Il est hors de question que les mutuelles profitent d’une réforme qui a été négociée pour augmenter leurs prix ; je ne le tolérerai pas », s’est exclamée Agnès Buzyn, qui se départit rarement de son calme en public.

En pleine crise des gilets jaunes, la problématique d’accès aux soins pourrait rapidement se muer en revendication de pouvoir d’achat. « En ce moment où les banques s’apprêtent à geler leurs frais, si les assureurs vont trop loin, ils vont trouver des interlocuteurs ! », explique une source gouvernementale.

Il semble pourtant qu’il n’y ait pas eu d’explosion des tarifs. En octobre, les présidents des trois fédérations (assureurs, institutions de prévoyance, mutuelles) et de leur maison commune, l’Unocam, ont convenu dans le bureau de la ministre de ne les augmenter qu’en fonction de la consommation. Ils pourront aussi lisser les prix sur trois ans.

« Sur 2019, dans nos mutuelles Aesio, nous avons appliqué une hausse de 2,30 % à 2,40 %, sans répercuter le 0,5 % de coût du reste à charge zéro », plaide Maurice Ronat, président d’Aesio et de l’Unocam. Les tarifs intègrent en revanche le vieillissement, la demande de soins, et certaines mesures votées à l’automne : 50 millions d’euros supplémentaires à investir dans le forfait médecin traitant et 40 millions dans la revalorisation des consultations médicales.

Une réflexion sur une complémentaire publique

En fait, ce ne sont pas les augmentations de tarifs qui ont ulcéré Agnès Buzyn, mais la façon dont elles ont été motivées dans les courriers d’appels de cotisation pour 2019 envoyés par un grand assureur privé et par des mutuelles de fonctionnaires. Les uns et les autres montraient du doigt les décisions gouvernementales… « Une déclaration de guerre », tranche l’entourage de la ministre.

Même réaction très vive dans la majorité parlementaire. Olivier Véran, le rapporteur du budget de la Sécurité sociale, estime qu’« il faut agir. Sur les coûts de gestion, la transparence, tout. » « Je reste favorable à une réflexion sur une complémentaire publique », ajoute le député En Marche. Une menace qui se profile déjà dans le projet de loi de Financement de la Sécurité sociale pour 2019, qui étend la  couverture maladie universelle complémentaire au-delà de ses bénéficiaires actuels.

Les débats risquent en tout cas d’être animés mardi prochain lors de la première réunion du comité de suivi de la réforme, en présence d’Agnès Buzyn. A l’ordre du jour, l’amélioration de la lisibilité des contrats. « Nous allons proposer d’utiliser le même vocabulaire partout, de donner des exemples en euros… Nous avons un an pour nous mettre en ordre de bataille », juge Jean-Paul Lacam, au nom des institutions de prévoyance. La question des tarifs pourrait s’inviter dans la discussion.

Scellée en juin 2018 avec la Sécurité sociale, les assureurs privés et les professions de santé concernées après six mois de tractations, la réforme du reste à charge zéro, baptisée « 100 % Santé », entre en vigueur l’année prochaine. Elle se déploiera en trois ans. En 2022, chaque Français devra avoir la possibilité de s’équiper gratuitement chez l’opticien, le chirurgien-dentiste ou l’audioprothésiste. Cela passe par une augmentation des bases de remboursement de l’assurance-maladie obligatoire, un alignement vers le haut de la prise en charge par les complémentaires, et des plafonds de tarifs imposés aux vendeurs d’équipements.


Continuer à lire sur le site d’origine