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SMIC : la prime de 100 euros concernera 5 millions de foyers

C’est l’heure du service après vente. Une semaine après l’allocution d’Emmanuel Macron , le Premier ministre, Edouard Philippe, dévoile dans « Les Echos » les modalités pratiques des mesures promises en réponse à  la crise des « gilets jaunes » . La principale surprise vient des modalités de la hausse de 100 euros de revenus au niveau du SMIC. Depuis une semaine, le gouvernement se torturait les méninges pour voir comment appliquer cette annonce phare. Il a finalement tranché pour une solution qui devrait susciter beaucoup de commentaires politiques : la mesure retenue touchera bien plus de personnes que les seuls smicards, mais seuls 55 % de ces derniers y auront droit, selon nos informations.

Pourquoi cette solution ? Le gouvernement  avait renoncé d’emblée à relever le salaire minimum pour préserver le coût du travail . Il a longtemps envisagé de réduire les cotisations salariales sur les retraites, mais une telle disposition risquait la censure du Conseil constitutionnel. D’où le choix de la prime d’activité, dont le montant va bondir et dont le nombre de foyers éligibles va être augmenté (55 % des salariés au SMIC pourront la toucher, contre 40 % actuellement).

Cette option a en outre le mérite de la rapidité : la hausse de revenu sera effective dès le début du mois de février. « C’est une mesure plus coûteuse que de jouer sur les cotisations salariales, mais elle nous a semblé plus juste socialement », justifie-t-on à Matignon.

Le point de sortie de la prime d’activité relevé

Cette décision laissera toutefois de côté les salariés au SMIC, dont le conjoint est beaucoup mieux rémunéré. En revanche, elle favorisera les employés dont les revenus sont légèrement supérieurs au salaire minimum, si bien que le nombre de personnes qui en bénéficiera au total sera bien supérieur à la seule population des smicards. Le « point de sortie » de la prime d’activité, autrement dit le niveau de revenu jusqu’auquel un travailleur peut la percevoir, sera relevé de 1,2 SMIC (1.379 euros net) à 1,5 SMIC (1.723 euros net). Au total, le nombre de foyers éligibles devrait donc passer de 3,8 millions à 5 millions selon le gouvernement.

L’autre traduction du virage voulu par le chef de l’Etat concerne les heures supplémentaires. Avant le mouvement des « gilets jaunes », le gouvernement avait prévu un coup de pouce, mais qui passait uniquement par une suppression des cotisations salariales, à compter de septembre 2019.  Cette « désocialisation » va être avancée à janvier et être couplée d’une « défiscalisation » , c’est-à-dire que les heures supplémentaires seront également exonérées d’impôt sur le revenu. A l’époque où Nicolas Sarkozy avait mis en oeuvre cette mesure, les économistes avaient pointé des effets d’aubaine. Cette fois, elle sera donc accompagnée d’un dispositif anti-abus, qui passe par un plafond de 5.000 euros de revenus par an éligible à cette défiscalisation.

Enfin, le gouvernement concède  un geste en faveur des retraités . Pour ceux dont le revenu est inférieur à 2.000 euros par mois, la hausse de CSG intervenue en janvier 2018 sera annulée. A noter qu’il s’agit d’un revenu fiscal de référence qui prend en compte l’ensemble des ressources du foyer, y compris les revenus fonciers. Concrètement, la mesure concerne donc le retraité seul dont le revenu fiscal total ne dépasse pas 22.580 euros, ou un couple de retraités dont le revenu total est inférieur à 34.600 euros. Matignon assure que la moitié des retraités ayant subi une augmentation de la CSG seront finalement épargnés.

VIDEO. Yves Veyrier (FO) : « Les annonces d’Edouard Philippe ne répondront pas aux attentes »

Prévision de croissance maintenue

Toutes ces mesures laissent le gouvernement avec une ardoise importante. Un peu plus de 10 milliards d’euros au final. Rien que la mesure de hausse de la prime d’activité devrait coûter environ 2,5 milliards d’euros. A cela s’ajoutent 4 milliards découlant de l’annulation des hausses de taxes sur les carburants et 1,5 milliard dû à l’annulation de la hausse de la CSG pour une partie des retraités. En revanche, la mesure « heures supplémentaires » devrait avoir un coût moindre que les 3,7 milliards évoqués initialement, sa montée en puissance progressive limitant la facture à environ 2,5 milliards.

Tout ceci  va creuser le déficit à 3,4 % du PIB . Cela aurait pu être pire encore si le gouvernement avait revu sa prévision de croissance. Mais pour le moment, celle-ci est maintenue à 1,7 % en 2019, Bercy espérant sans doute que l’injection de pouvoir d’achat soutienne l’activité.

Face à cette dégradation, des mesures d’économies ont été décidées dans l’urgence pour contenir le dérapage du déficit à 3,2 %. Elles concernent principalement les entreprises.  Après avoir sérieusement envisagé de retarder la baisse de 4 points de charges au niveau du SMIC , le gouvernement y a finalement renoncé. Avant tout pour ne pas écorner l’image de sa politique pro-compétitivité. Du coup, le gros des économies viendra de l’impôt sur les sociétés (IS). La diminution prévue du taux d’IS de 33 % à 31 % concernera seulement les entreprises ayant un chiffre d’affaires de moins de 250 millions d’euros, les autres restant au taux de 33 %. La mesure devrait être votée dans le courant de 2019. L’exécutif se donne également un peu de temps avant de trouver 1,5 milliard de coupes dans les crédits budgétaires.


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