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Coup de froid sur l’industrie française

L’usine Ford de Blanquefort et ses 850 salariés condamnée à mettre la clé sous la porte. L’aciérie Ascoval suspendue à la décision du tribunal ce mercredi. La suppression dans l’Hexagone de 260 postes dans la division nutrition animale de Nestlé, de 750 chez Sanofi et de 327 chez le laboratoire allemand Boehringer Ingelheim. La fin d’année est difficile sur le front de l’industrie.

Un tournant en 2017

2017 avait pourtant marqué un tournant.  Le nombre d’ouvertures d’usines recensées en France était devenu supérieur à celui des fermetures. Porté par l’élection d’Emmanuel Macron et des carnets de commande bien garnis, le moral des chefs d’entreprises était au plus haut depuis dix ans et les investissements étaient repartis de l’avant (+5 %).

Surtout, l’industrie manufacturière avait connu une accélération des recrutements au second semestre 2017, qui lui avait permis de recréer des postes pour la première fois depuis dix ans, relevait fin novembre, le Premier ministre Edouard Philippe, lors de l’exposition « l’Usine extraordinaire », au Grand Palais.

Cette tendance s’est inversée au deuxième et troisième trimestre 2018, avec une nouvelle érosion des emplois. La reconquête s’est essoufflée et le solde net des créations et fermetures de sites industriels est passé de 25 en 2017 à 15 à mi-décembre, selon l’institut Trendeo, dont 7 annonces de fermeture ces deux derniers mois. Que s’est-il passé ?

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Un environnement plus difficile

Si le taux d’utilisation des usines françaises reste élevé, l’environnement s’est sensiblement dégradé. Les prix élevés du pétrole en cours d’année, les tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis, l’inconnue du Brexit et la crise des « gilets jaunes » ont pesé sur les esprits.  Dans l’automobile, les nouvelles normes d’homologation européennes ont perturbé les ventes à l’automne. « Certains industriels comme SEB ont aussi senti l’impact des gilets jaunes sur les achats de biens de consommation », explique un professionnel.

Au total, la croissance française ne devrait pas dépasser les 1,6 % en 2018 selon la Banque de France. Résultat, l’indice PMI de l’institut IHS Markit mesurant les perspectives de l’industrie manufacturière française est tombé à un plus bas depuis septembre 2016 et l’investissement industriel devrait reculer de 1 % selon l’Insee.

Des marchés moins porteurs à l’étranger

Ce coup de froid ne signifie pas une crise industrielle. Dans l’ensemble, les chefs d’entreprise restent plutôt confrontés à des problèmes d’offres que de demande. « Mais l’appareil productif français est venu buter sur un manque de flexibilité et de compétences pour répondre à la demande. 

Les marchés internationaux sont aussi devenus beaucoup moins porteurs », relève Alexandre Vincent, économiste chez Rexecode. « Je ne vois pas de ralentissement pour l’instant, explique Bruno Grandjean, de la Fédération des industries mécaniques. Nous prévoyons toujours une croissance de 3 % en 2018, semblable à celle de l’an dernier. Mais le fait d’être faibles à l’export nous protège aussi des turbulences actuelles. »

Un problème de compétitivité

Cette nouvelle donne intervient alors que l’industrie française n’a pas réglé ses problèmes de fond. Si le luxe ou l’aéronautique continuent d’enregistrer des succès à l’étranger, les produits hexagonaux peinent en général à se vendre parce qu’ils sont perçus comme trop chers au regard de leur qualité. En septembre, la part de la France dans les exportations de marchandises de la zone euro est tombée à 11,4 %, selon les derniers chiffres du commerce extérieur. Elle était de 17 % en 1998 !

Le défi de la transition énergétique

Cette situation a de quoi inquiéter car de nouveaux défis se profilent à l’horizon. « Il faudrait être honnête avec les Européens : la transition énergétique va être douloureuse », estime Patrick Artus dans une note du 14 décembre. Avec le basculement des voitures thermiques vers les voitures électriques, l’économiste de Natixis s’attend à un « effondrement de la valeur ajoutée et de l’emploi dans l’automobile en Europe ». Les batteries, qui représentent près de 40 % de la valeur ajoutée d’une voiture électrique, ne sont pas jusqu’à présent produites sur le Vieux Continent. Comment la population française encaissera-t-elle ce choc sur l’emploi alors que l’alignement de la fiscalité du diesel sur l’essence a suscité à lui seul la crise des « gilets jaunes » ?

Voilà tout juste un an, on se demandait pourquoi  l’industrie française ne profitait pas à plein d’un environnement porteur, marqué par des taux faibles, un pétrole pas trop cher et des marchés étrangers porteurs. Fruit de 20 ans de désindustrialisation, l’atrophie du tissu industriel et son manque de compétitivité faisaient partie des explications avancées.

Aujourd’hui, la question paraît déjà décalée. Le secteur a tout juste réussi à stopper l’hémorragie des usines que d’autres dossiers risquent de venir sur le tapis.  Quel sera le sort des sites français de GE avec la fin des accords négociés lors du rachat d’Alstom et alors que le groupe américain traverse une crise profonde ? Comment encaissera-t-on la chute du diesel ? Dans l’automobile, le devenir du site Bosch de Rodez, qui produit des injecteurs, pose toujours question. Et si Total se porte bien, l’affaiblissement de la filière parapétrolière française saute aux yeux.

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