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Les taux européens resteront bas tant que la BCE réinvestit

La Banque centrale européenne n’a pas encore raccroché son « bazooka monétaire » au râtelier. Comme annoncé, elle a mis fin à ses achats massifs d’obligations (QE) mercredi dernier. Mais la BCE sera toujours active sur les marchés. Elle  continuera en effet à réinvestir les montants correspondants aux intérêts perçus sur les titres qu’elle a en portefeuille, et aux tombées. C’est-à-dire les remboursements d’obligations arrivées à échéance.

Un « effet stock »

Objectif : maintenir à son niveau actuel un stock qui atteint près de 2.600 milliards d’euros d’obligations. Pour les 11 premiers mois de 2019, selon les dernières données connues, l’enveloppe totalisera 158 milliards d’euros. Un montant qui peut paraître faible par rapport aux 60 milliards d’euros mensuels qui étaient injectés sur les marchés encore l’année dernière.

Cela devrait pourtant suffire à maintenir les taux d’emprunts des Etats européens à des niveaux très bas. C’est ce que souligne une récente note de la Banque de France*. « Du point de vue des effets sur les taux d’intérêt à long terme, c’est le stock de titres – par opposition aux flux d’achats de titres -, ainsi que la maturité des titres détenus, qui importe principalement », écrivent les auteurs de la note. Cette détention d’une partie significative de l’encours d’obligations d’Etat réduit en effet la quantité nette de titres disponibles pour les investisseurs privés. Cet effet de rareté fait monter les prix des obligations et par ricochet baisser leur taux.

Autre point, selon les auteurs, « la baisse est d’autant plus persistante que la détention par la banque centrale est durable. Ce canal peut en outre être renforcé par un effet « de signal », selon lequel la mise en oeuvre de programmes d’achats par la banque centrale crédibilise son engagement à maintenir ses taux directeurs bas. »

3 ans de réinvestissements

Pour l’instant la BCE a précisé qu’elle poursuivrait ses réinvestissements bien après le début de sa première hausse des taux, et « aussi longtemps que nécessaire pour maintenir des conditions de liquidité favorables et un degré élevé de soutien monétaire. » Un message jugé crédible : « les participants de marché anticipent majoritairement que cette phase de réinvestissement intégral des tombées s’étendra sur une durée comprise entre 2 et 3 ans » confirme la note. Une bonne nouvelle pour la France, qui  devra lever 200 milliards d’euros sur les marchés l’an prochain.

Les impacts de cet « effet stock » sont difficiles à modéliser. Mais il peut être évalué de façon empirique. Les auteurs de la note citent ainsi plusieurs études concordantes. Notamment celle réalisée en 2017 par la Banque de France qui constate que l’achat de 10 % du stock de dette publique française a conduit à une baisse de 13 à 26 points de base des rendements de ces titres la première année du programme. Les auteurs estiment donc que les réinvestissements devraient contribuer à maintenir à son niveau élevé actuel le degré d’accommodation monétaire, en combinaison avec le maintien des taux directeurs.

Pénurie de titres

Encore faut-il que la BCE et les banques centrales nationales trouvent des titres à acheter. La BCE avait en effet enregistré, en avril dernier, une première baisse – toute temporaire – de son stock, faute de papier disponible sur les marchés. Un phénomène qui pourrait se renouveler pour certaines obligations plus rares et très demandées, notamment la dette allemande .

L’arrêt des achats nets d’actifs ne met pas fin au quantitative easing, par Jean Dalbard, Hervé Le Bihan et Raphaël Vives.


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