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Brexit : premiers doutes sur les transferts de traders

Pendant qu’au palais de Westminster, députés et ministres britanniques  se déchirent sur le Brexit , à la City, les centaines de financiers attendus sur le continent ne connaissent toujours pas leur sort, à neuf semaines de la date butoir. Des banques ont d’ores et déjà préféré repousser leurs projets de transferts sur le continent quand se déclenchera la rupture.

« Le siège du groupe nous a fait savoir que les transferts ne démarreraient pas avant mars. La situation est mouvante, témoigne le patron d’une grande banque étrangère à Paris. En cause, l’effet qu’aurait un Brexit plus ou moins « hard » sur les contrats de travail de ces traders, mais aussi, plus récemment, le climat social en France. « Même si personne ne l’admet, le contexte français ne nous facilite guère la tâche », poursuit-il.

« De nouvelles résistances à Londres »

D’après la chasseuse de têtes Diane Segalen, active à Paris et à Londres, le mouvement des « gilets jaunes » aurait même eu un effet « dévastateur », alors que  plus de 4.000 personnes doivent rejoindre la capitale française : « Compte tenu du climat social, des banques anglo-saxonnes très  déterminées à bouger des équipes en France temporisent un peu, et préfèrent attendre l’été prochain pour actionner les transferts. Il a soulevé de nouvelles questions sur la stabilité de la politique fiscale et sociale française. Il y a de nouvelles résistances à Londres ». D’autres grands acteurs ne démarreront, eux, leurs transferts pas avant septembre, et enverront même le gros des troupes en 2020.

Le scénario « extrême »

Dans ce contexte, le scénario le plus « simple » pour les banques est encore celui le plus extrême auquel elles se préparent depuis le référendum : un hard Brexit. « Certains salariés ont d’ores et déjà accepté un nouveau contrat français conditionné à un hard Brexit. Celui-ci prendra donc automatiquement effet à compter du 31 mars en cas de sortie du Royaume-Uni sans accord, expliquent Lionel Vuidard et Géric Clomes, respectivement associé et counsel chez Linklaters en droit social. Pour ceux qui sont détachés [personnes « expatriées » du Royaume-Uni, NDLR], certaines banques ont déjà prévu de transformer leur contrat anglais en contrat local français ».

Report à 2020

En revanche, en cas d’accord sur une période de transition, « les scénarios sont beaucoup moins clairs, soulignent-ils. Certains avenants aux contrats préparés par les banques prévoient d’ores et déjà de rendre caducs les détachements. Beaucoup d’arrivées prévues de Londres vers Paris seraient donc probablement reportées pendant une période pouvant aller jusqu’à fin 2020 ». A trois mois de l’échéance, personne n’en sait rien.

De quoi alimenter les inquiétudes des salariés. Ceux qui refuseraient, au sein des firmes de la City, d’accepter les conditions de transferts, seraient licenciés pour motif économique en cas de hard Brexit. Au sein d’une banque française, on s’inquiète des conditions proposées aux banquiers qui doivent rejoindre Paris : « Certains se sont vus proposer un contrat d’expatrié en France, mais pas de retour ferme alors même qu’ils y travaillaient il y a quelques années. C’est une sorte de précarisation », s’inquiète un syndicaliste.

Inquiétudes des salariés

Toutes les banques ne traitent pas leurs salariés de la même façon : « Les banques anglo-saxonnes sont souples sur les transferts mais au sein des banques européennes, contraintes vis-à-vis de la BCE, les conditions de départs sont beaucoup plus rigides et ne tiennent pas forcément compte d’éventuelles volte-face politiques », indique Stéphane Rambosson, chasseur de têtes en banque d’investissement à Londres.

Malgré ces tensions, à Paris, on se veut toujours confiant. « Les banques ont fait des choix de transferts d’activité structurels, indique-t-on à Bercy. Les inquiétudes portant sur la France doivent être relativisées. L’instabilité politique qui règne en Grande-Bretagne est en ce moment plus forte. Le vrai sujet pour les banques étrangères venant sur le continent porte sur l’existence ou non d’une période de transition ».


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