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Les « gilets jaunes » et les idées reçues sur la finance

Les discussions au sein des groupes Facebook des gilets jaunes tournent le plus souvent autour du  « référendum d’initiative citoyenne » , des « violences policières » ou  du « boxeur » . Mais un autre sujet alimente abondamment les discussions : la finance.

Les commentaires et les posts sur les réseaux sociaux à propos des banques et des marchés financiers véhiculent de nombreuses contre-vérités et fausses informations. Les accents de ces discussions sont conspirationnistes, et rappellent le souvenir de l’antisémitisme des années 1930. Voici un petit tour d’horizon, « non exhaustif ».

L’indépendance de la banque centrale française

L’une des principales fausses informations concerne une loi datant de 1973, interdisant à l’Etat français de se financer directement auprès de la Banque de France. Rebaptisée « loi scélérate » ou « loi Pompidou-Giscard-Rothschild », en référence au passage de l’ancien président Pompidou dans la banque d’affaires, le texte aurait été voté au seul profit des banques et au détriment de l’Etat. Elle serait la source de la dette française.

Ce texte interdit bien à l’Etat d’aller emprunter directement auprès de la Banque de France. L’Agence France Trésor, en charge de gérer la dette, doit passer  par des banques privées qui sont à leur tour chargées de placer les obligations auprès d’investisseurs. Comme le  rappelle Le Monde, la loi de 1973 ne fait que clarifier et rassembler une série de décrets et d’ordonnances remontant pour certains à 1936.

L’écho que trouve cette thèse est sans doute lié à une méconnaissance de l’intérêt d’avoir une banque centrale indépendante. Après tout, pourquoi l’Etat ne pourrait-il pas emprunter à taux zéro auprès de la Banque de France ? Pourquoi la France est-elle obligée de payer des intérêts à des investisseurs ?

A quoi sert la Banque de France ? (et comment gagne-t-elle sa vie ?)

La mission d’une banque centrale est d’assurer la stabilité des prix (une inflation autour de 2 % selon le standard international). Pour remplir cette mission, l’institution crée de la monnaie uniquement en fonction des besoins de l’économie du pays.

Le problème vient du fait que si l’Etat s’endette directement auprès de la Banque de France, la banque centrale crée plus de monnaie qu’il n’en faut. On fait tourner la planche à billets  sans limite , ce qui risque de provoquer une inflation hors de contrôle.

Loin d’assujettir la France aux marchés, cette interdiction vise à protéger les citoyens contre les effets désastreux d’une inflation galopante à l’image de ce que l’Allemagne a connu dans les années 1920 ou l’Argentine plus récemment.

L’interdiction de Rothschild en Russie

La banque d’affaires Rothschild, où Emmanuel Macron a été associé-gérant avant de rejoindre François Hollande à l’Elysée, alimente tous les fantasmes. Elle est en France ce que Goldman Sachs est aux Etats-Unis. Pour preuve, le site d’Alain Soral « Egalité et Réconciliation » relaie notamment une vidéo où des gilets jaunes se rendent devant le siège de Rothschild & Co à Paris pour dénoncer le « pouvoir financier » de cet établissement qui avec Goldman Sachs, Lazard et JPMorgan fait partie des « grandes banques mondialistes qui dirigent notre pays et l’Union européenne ». L’essayiste a déjà été condamné pour incitation à la haine raciale.

Mais ce n’est pas tout, dans les groupes Facebook, une vielle intox à propos de Rothschild connaît un regain d’activité.  Le blog de vérification de l’Agence France Presse a repéré un article selon lequel l’économie russe décolle depuis l’interdiction de Rothschild dans le pays. Il a été partagé plusieurs milliers de fois depuis 48 heures.

Si la banque d’affaires parisienne (Rothschild & Co) a bien des activités en Russie, l’autre banque suisse Edmond de Rothschild n’a « jamais disposé d’établissement bancaire en Russie », a assuré la banque auprès de l’AFP. Quoi qu’il en soit, la Russie de Poutine n’a jamais interdit les banques Rothschild dans le pays. Et son économie ne décolle pas vraiment en ce moment.

Un système à déstabiliser

La méfiance à l’égard des banques et du système financier dépasse largement les banques d’affaires ou d’investissement. Depuis quelques jours, les « gilets jaunes » ont l’ambition de faire pression sur le gouvernement en déstabilisant l’ensemble du système bancaire. Pour cela, un appel à se rendre au distributeur tous leurs dépôts a été lancé via un groupe animé par Maxime Nicolle, l’un des leaders du mouvement.

Cette initiative, baptisée « référendum des percepteurs » s’apparente à la volonté de créer un « bank run » qui consiste à pousser une banque à la faillite en la privant des dépôts et donc de liquidités nécessaires à honorer ses engagements.

Au-delà du fait que si le système bancaire s’écroule, les gilets jaunes seraient les premiers touchés,  les chances de réussite de l’opération sont minces . Les sommes à retirer son gigantesques ; les montants des retraits sont plafonnés ; l’argent dépensé chez les commerçants retournerait vite dans les banques ; l’Union bancaire protège les dépôts à hauteur de 100.000 euros par personne et par banque afin de court-circuiter les paniques.


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