Economie

Absences injustifiées : évaluez les circonstances avant de sanctionner

Selon l’article 31, § 2, de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail, le travailleur doit, en cas d’absence pour maladie, avertir immédiatement son employeur de son incapacité de travail et, sauf dans les cas de force majeure, envoyer son certificat médical ou le remettre à son employeur dans les deux jours ouvrables à compter du jour de l’incapacité.

Le fait de ne pas respecter ces obligations essentielles au bon fonctionnement et à la bonne organisation de l’entreprise constitue une faute dans le chef du travailleur, généralement sanctionnée par le non-paiement de la rémunération et/ou par une sanction disciplinaire prévue dans le règlement de travail.

Des absences injustifiées peuvent-elles aussi constituer un motif grave ? Pour rappel, constitue un motif grave, toute faute grave qui rend immédiatement et définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre l’employeur et le travailleur. Les conditions requises pour qu’il y ait motif grave sont donc les suivantes : il faut une faute, qui soit grave et qui détruit le rapport de confiance et entraîne la rupture immédiate du contrat.

Le fait et les circonstances

Selon la jurisprudence, le (non-) fondement du licenciement pour motif grave dépend souvent des circonstances. Dans ce sens, la Cour de cassation rappelle, de manière constante, que le fait qui justifie le congé est le fait accompagné de toutes les circonstances qui sont de nature à lui conférer le caractère d’un motif grave.

La Cour du travail de Bruxelles s’est récemment penchée sur cette question. Les faits sont les suivants : une travailleuse est licenciée pour motif grave pour absence injustifiée du 7 septembre 2016 au 21 septembre 2016. Elle conteste le fondement de son licenciement et considère par ailleurs que celui-ci est manifestement déraisonnable.

Dans son arrêt, la Cour décide que le licenciement pour motif grave de la travailleuse qui ne démontre pas avoir respecté l’obligation d’aviser immédiatement son employeur de son incapacité de travail et de fournir un certificat médical dans les délais, n’est (toutefois) pas fondé dans la mesure où les circonstances dans lesquelles ce manquement a été commis ne lui octroient pas le caractère de faute grave qui rend immédiatement et définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre l’employeur et le travailleur.

À la faveur de la travailleuse, la Cour du travail retient deux « circonstances atténuantes ». D’une part, la travailleuse, qui était en incapacité de travail depuis quelques mois, n’avait jamais fait l’objet d’aucune remarque, ni d’aucun avertissement ou mise en demeure quant à son obligation d’aviser son employeur de son absence et de lui remettre en temps utile les certificats médicaux. D’autre part, il s’agissait d’une prolongation d’une incapacité de travail antérieure et de longue durée. La prolongation était donc prévisible.

En conséquence, la Cour condamne l’employeur au paiement de l’indemnité compensatoire de préavis légalement due.

La Cour du travail déboute, en revanche, la travailleuse de sa demande visant la condamnation de son employeur au paiement de dommages et intérêts pour licenciement manifestement déraisonnable. Pour la Cour, le manquement de la travailleuse est établi et l’employeur démontre que le licenciement est en lien causal avec ce manquement. Elle en conclut, fort logiquement, que le licenciement n’est pas manifestement déraisonnable.

La fonction du travailleur

Si l’on se réfère à la jurisprudence en la matière, la décision aurait probablement été plus sévère en cas de mise en demeure non suivie d’effet, de répétition d’absences injustifiées ou d’insubordination sans aucune ambiguïté. Même si cela ne repose sur aucun fondement juridique, il faut aussi, me semble-t-il, tenir compte de la fonction du travailleur : l’absence injustifiée du chef d’orchestre le jour de la première sera en effet certainement appréciée plus sévèrement que celle du travailleur dont les tâches peuvent être facilement « absorbées » par ses collègues de travail.

Cet arrêt est aussi l’occasion de rappeler qu’il appartient à la partie qui conteste le motif grave (généralement le travailleur) qui lui est imputé et dont la preuve est rapportée (par l’employeur), d’apporter elle-même la preuve de l’explication ou de la justification qu’elle invoque à l’encontre de la faute qui lui est reprochée. Prétendre avoir averti son employeur et avoir transmis son certificat médical n’est pas suffisant, il faut le démontrer, rapporter la preuve certaine de l’avertissement et de l’envoi.

Enfin, petite piqûre de rappel, il revient au travailleur de signaler immédiatement à son employeur son changement d’adresse. Faute de quoi, il ne pourra être fait grief à ce dernier d’avoir envoyé des mises en demeure ou le courrier de licenciement à la seule adresse qu’il connaissait.

>> Cour du travail de Bruxelles, 25 mai 2021, J.T.T., 2021, p.539.