Economie

Entrepreneurs en transition #24 : efficience et solidarité

Libre Eco week-end |

Un spécialiste de la logistique faisait remarquer l’autre jour : « Auparavant, quand un routier était en rade au bord de la route, d’autres s’arrêtaient pour l’aider à réparer son camion. Cela n’existe quasiment plus de nos jours« .

Les plus anciens d’entre nous se souviennent sans doute de l’émission radio Les routiers sont sympas, avec Max Meynier. À longueur d’antenne, on découvrait les problèmes de certains, et la main-forte que d’autres étaient prêts à apporter.

Avec les progrès du tracking, de « l’optimisation », ce temps d’entraide n’est tout simplement plus disponible : tous les faits et gestes sont monitorés, et un algorithme aura déterminé le chemin le plus direct pour la tâche à accomplir.

L’impératif omniprésent de rentabilité a amené à une impitoyable chasse aux coûts, et tout détour inutile est devenu superflu.

Ceci n’arrive pas uniquement pour les routiers, mais également pour les infirmières, pour les postiers, pour les ouvriers, pour multitude d’autres métiers : tout au plus court, au moins cher.

L’approche lean n’est-elle pas synonyme d’éviter tout superflu ?

Mais les « effets collatéraux » de telles approches sont nombreux, et ont un coût également. Les routiers ne s’entraident plus, les infirmières n’ont plus le temps de se soucier des patients, les postiers ne peuvent plus parler à Madame Durant…

Et surtout, le « système » fonctionne comme une belle machine, où tout va bien… lorsque tout va bien, mais qui a tendance à dérailler quand surviennent les imprévus (ce que les crises récentes ont démontré à foison).

En fait, ces tâches tellement réduites au pur fonctionnel sont celles qui deviennent les plus propices à une automatisation, à une robotisation, le jour où cela devient techniquement possible.

Il est sans doute temps d’observer que ces espaces « rabotés » sont également les espaces où peuvent s’exprimer des valeurs humaines telles que l’adaptation (à l’imprévu), l’amitié, la solidarité.