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Dominique A, des chansons au temps des orages

Le chanteur français Dominique A. © Jérôme Bonnet

À la lisière du grand public, il marque la chanson française de sa voix à l’éternelle jeunesse et ses aspirations musicales anglo-saxonnes. Avec Le monde réel, Dominique A signe un 14e album empreint d’angoisse climatique. Alors qu’il se frotte souvent à d’autres écritures, ce disque aux orchestrations riches nous rappelle qu’on peut bien compter sur ce cher monsieur A.

Il y a toujours quelque chose de rassurant quand on écoute pour la première fois un disque de Dominique A. On retrouve cette voix au vibrato singulier, une poésie contemplative, et puis la surprise d’être amené chaque fois vers de nouveaux horizons sonores. C’est cette musique chatoyante, pleine de cordes et d’arrangements amples, pas loin du jazz, qui saute aux oreilles dès les premiers moments de Dernier appel de la forêt, le morceau d’ouverture de ce quatorzième album.

Avec Le monde réel, le chanteur nantais continue sa quête de beauté, mais signe une collection de chansons inquiètes. Son fil rouge est celui de l’angoisse climatique. « Je ne l’ai pas imaginé comme ça. Mais chemin faisant, je voyais le regard de mes camarades qui se disaient : ‘C’est la fin des temps !’, sourit le quinquagénaire. Sans être tout à fait candide sur ce que j’écris, il y avait quand même la surprise de constater que j’avais à ce point envie de chanter cela. »

Aspirations collectives, besoin de repli

Étonné par cette porosité entre les informations qu’il reçoit et son écriture, Dominique A reste sur le terrain poétique. Ses positionnements politiques se lisent entre les lignes. Avec les autres parle du déni face aux dérèglements climatiques, l’écoute nécessaire au vivre ensemble, et son refrain ressemble à un vœu pieux pour une solution collective. « Nous n’irons bien / Nous n’irons loin / Qu’avec les autres / Nous n’irons loin / Qu’avec les autres », répète-t-il.

Dans ses Nouvelles du monde lointain, il raconte sa sidération après avoir regardé sur un talk-show de variété à la télé. « Je n’ai pas de télévision, je regarde plutôt des images fixes, des photos ou bandes dessinées. J’étais ébahi de ce que je voyais et ça m’a fait me sentir dans la peau de quelqu’un qui aurait été congelé pendant quarante ans. Je ne voulais pas être dans une posture de dénonciation, mais dans l’incrédulité », constate-t-il. Face à une société d’écrans, la nature apparaît alors comme un refuge à la beauté parfois menaçante ou à l’indifférence crasse.

Marqué par l’angoisse de la finitude, ce disque est aussi porté par une tout autre tension. « Les deux premiers tiers présentent une vision collective de ce qu’on vit. Il y a cette idée d’un destin commun. Mais à la fin, on part plus sur l’intime. Un personnage intervient seul, comme un narrateur. C’est une écriture d’album pour contrebalancer le caractère anxiogène du début ! », décrypte Mister A. Il faut voir la chanson titre comme une passerelle entre ces deux mondes et une éclaircie, jusqu’à la dernière déambulation solitaire Au bord de la mer sous la pluie.

 

Un disque ouvragé en studio
 

Entamé il y a trois ans, Le monde réel a connu une création en plusieurs temps. Les premiers titres ont vu le jour avant le Covid-19, mais le projet ne semblait pas abouti. Les confinements successifs auront permis à Dominique A de réaliser un disque plus minimaliste, et « de sortir de l’ornière créative » dans laquelle il était.

L’essentiel des titres a été écrit dans les premiers mois de l’année 2021, juste avant d’entrer en studio. À l’opposé de ses débuts sur un magnétophone quatre pistes dans sa chambre, Le monde réel a largement vu le jour au célèbre studio de La Frette, en banlieue parisienne.

Pour ces séances d’enregistrement, le chanteur a réuni une équipe de musiciens qui n’avaient jamais joué ensemble. Certains venaient du jazz et d’autres, de la pop et du rock. « Je les ai réunis dans une pièce avec le producteur, Yann Arnaud. Je leur ai joué une chanson guitare-voix. Le pari était d’avoir un véritable son de groupe avec des gens qui ne s’étaient jamais rencontrés, décrit-il. Je n’étais pas inquiet sur la qualité des chansons. La question était de savoir si on allait arriver à cette idée de disque acoustique très aérien où l’atmosphère musicale l’emporte sur l’écriture des chansons. »

Il en résulte ces titres évitant parfois le schéma classique couplet-refrain, qui devront trouver leur place au milieu d’un répertoire déjà riche. Comment le bonhomme vit-il avec ces albums ? « Dans tous les sens du terme, on vit bien !, rit-il. Il y a des chansons avec lesquelles je n’ai plus envie de cohabiter. Il y a celles qui peuvent ressurgir de façon un peu inattendue. Et puis, il y a celles qui me suivent de manière récurrente : Le courage des oiseaux, Immortels, Au revoir mon amour ou Le twenty-two bar, quand je suis bien luné. Pour la prochaine tournée, j’en ai ressorti que je n’ai jamais chantées sur scène.« 

Certains classiques sont revisités par des dessinateurs ou des romancières dans un podcast, Huit auteurs en quête de A. Sous son véritable nom, Dominique Ané fait aussi paraître Le présent impossible, un premier recueil de poèmes illustré par le dessinateur Edmond Baudoin. Après ce disque qui restera comme l’un des essentiels de son œuvre, il lui reste sans nul doute de très belles plages à écrire.

Dominique A Le monde réel (Wagram Music/Cinq 7) 2022

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