Ile-de-France

« Urgence Ukraine » – un centre d’accueil unique des exilés à Paris

On la laisse entrer et s’asseoir, car elle est enceinte, mais sa maman et son petit frère restent garder leur tour dans la file d’attente. Elle refuse le thé chaud qu’on lui propose, l’air absente. Anna, 18 ans, a quitté Odessa le 27 février. Elle a attendu plus de dix heures à la frontière avec la Moldavie. Après un long périple, dont elle ne parvient pas à énumérer les étapes, elle est arrivée à Paris, le dimanche 6 mars. « Ici, c’est calme », dit-elle, dans ce local qui grouille pourtant de monde. Avant d’ajouter : « J’ai juste peur quand j’entends des bruits soudains et forts. » Elle espère que la guerre sera terminée d’ici deux mois, et qu’elle pourra rentrer dans son pays, rejoindre le papa du bébé qu’elle porte.

Une fois les formalités effectuées et les documents indispensables au séjour en France empochés, les Ukrainiens redescendent au rez-de-chaussée dans une énième salle d’attente.© Jgp

Le rez-de-chaussée du centre « Urgence Ukraine » est organisé ainsi : un premier accueil est assuré par les salariés et les bénévoles de l’Armée du Salut, qui distribuent des tickets pour les rendez-vous et des masques – on aura oublié que la pandémie n’est toujours pas terminée. Ils proposent du thé et du café ainsi qu’une collation, fournis par la ville de Paris. Dans la salle d’attente, se succèdent des rangées de chaises où sont assises des femmes ukrainiennes d’âge varié, le visage grave, les yeux rivés sur l’écran de leur smartphone. Ici et là, des étudiants étrangers, tel Hamza, d’origine algérienne, qui était étudiant dans la filière sportive à Kiev. « Quand la guerre a éclaté, c’était une catastrophe. J’ai passé deux jours et deux nuits à la frontière, dans le froid, sans dormir. Après, cela a été la Pologne, Berlin, Bruxelles. Ici, je vais essayer de me réinscrire à l’université. »

Prendre soin des enfants

Un coin pour enfants est aménagé sur le côté. « Ce matin, il n’y en a pas beaucoup, mais hier, nous avions une quarantaine de petits de moins de onze ans. Nous sommes là pour les occuper pendant que leurs parents suivent la procédure », confie Miri, de la direction des affaires sociales de la ville de Paris. Elle a été missionnée dès le lundi 7 mars, avec quatre de ses collègues, qui se relaient pour prendre en charge les enfants. Des traducteurs bénévoles du russe et de l’ukrainien courent dans tous les sens. « C’est horrible. Je viens de parler à une famille de Kharkiv qui a passé huit jours dans une cave pour se protéger des bombardements. Il y a beaucoup de douleur », assure Mariana, d’origine ukrainienne, installée en France depuis trente ans. Les larmes lui montent aux yeux, sa voix s’enraye. Son émotivité tranche avec le sang-froid des rescapés de la guerre.

Trouver un hébergement dans l’urgence

Des bureaux se succèdent des deux côtés d’un couloir. Ici, les représentants de France Terre d’Asile (FTDA) et du Samu social mènent des entretiens pour établir l’identité des personnes, évaluer leurs besoins, et rechercher un hébergement. « L’expérience de la crise afghane de l’été 2021 nous a aidés. A l’époque, nous avions mobilisé un parc d’hébergement chez des hôteliers en Ile-de-France que l’on réactive aujourd’hui », explique Julie Versino, responsable communication chez FTDA. Selon elle, les flux augmentent de jour en jour – vingt-cinq personnes, puis cinquante, puis cent, puis deux-cents. Actuellement, environ 6500 Ukrainiens sont parvenus en France, mais la situation évolue rapidement.

La procédure administrative en quelques heures

Les personnes disposant d’un passeport ukrainien sont invitées ensuite à monter au premier étage, les autres – ayant été résidents ou réfugiés en Ukraine – se voient proposer un rendez-vous ultérieur.

un premier accueil est assuré par les salariés et les bénévoles de l’Armée du Salut, qui distribuent des tickets pour les rendez-vous et des masques. © Jgp

Actuellement, environ 6500 Ukrainiens sont parvenus en France, mais la situation évolue rapidement.© Jgp

Un coin pour enfants est aménagé sur le côté.© Jgp

A l’étage, un cabinet médical reçoit les femmes et les enfants qui ont besoin de soins ou d’un soutien psychologique. « On a eu des petits avec de la fièvre », précise Miri. Plus loin s’organisent les espaces où les agents de la préfecture de police instruisent les demandes pour la protection temporaire. Cette procédure n’avait jamais été activée par l’Union européenne depuis 2001, date de sa création. Elle permet aux Ukrainiens d’obtenir un droit de séjour d’un an renouvelable, d’accéder aux soins, à la scolarité pour les enfants, à l’emploi. Elle ouvre également le droit à l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA), qui s’élève à 204 euros mensuels pour une personne seule. C’est l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), dont les représentants sont installés tout au fond, qui délivre la carte ADA.

« Nos hommes ne vont pas céder »

Une fois ces formalités effectuées et les documents indispensables au séjour en France empochés, les Ukrainiens redescendent au rez-de-chaussée dans une énième salle d’attente. Ils patientent, le temps que les bus viennent les chercher, et les conduire vers le lieu de leur hébergement. Natacha, 40 ans, et son fils Artur, 16 ans, se tiennent debout à côté d’une petite valise et d’une cage. La femme prend son petit chien dans ses bras et le présente fièrement : « C’est un spitz. Il s’appelle Zéfir ». Zéfir, du nom d’une confiserie russe et ukrainienne à base de guimauve, blanche ou rose. La quadragénaire ne veux que deux choses : trouver du travail et scolariser son fils. « Je ne veux pas demander l’asile. Je recherche juste un refuge temporaire, avant de revenir en Ukraine. Parce que nos hommes, là-bas, ils ne vont pas céder. »

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Author: Rouja Lazarova