Ile-de-France

Faire de la contrainte du ZAN une opportunité

La perspective de devoir limiter drastiquement l’artificialisation des sols d’ici à 2050 ne crée pas d’opposition notoire, les acteurs de la ville étant tous conscients que la poursuite de l’urbanisation ne pourra pas se faire sans la préservation de la nature et de la biodiversité. « Je me réjouis que les promoteurs prennent de façon positive la loi climat et résilience [NDRL : prévoyant notamment le zéro artificialisation nette des sols – ZAN – d’ici à 2050] », a réagi Marianne Louradour le jeudi 10 mars à l’occasion du premier rendez-vous des Entretiens du Journal du Grand Paris sur le thème de « L’excès de ZAN et le péril urbain », co-organisé avec la Fédération des promoteurs d’Ile-de-France (FPI IDF).

De g. à dr. : Marianne Louradour, directrice générale de CDC Biodiversité, Jean Benet, urbaniste à l’Institut Paris Region, Marc Villand, président de la FPI Ile-de-France, Jacques Paquier, directeur de la rédaction du Journal du Grand Paris, Jérémie Almosni, directeur régional de l’Ademe Ile-de-France, Willem Pauwels, directeur général de Paris sud aménagement. © Françoise Stijepovic

Une loi « juste » pour la directrice générale de CDC Biodiversité, dans le sens où « elle s’applique à tous les acteurs économiques qui artificialisent ». Une loi également « importante pour la biodiversité » mise en danger si on poursuit la façon dont on la gère actuellement, a ajouté Marianne Louradour. Mais « le législateur a prévu du temps pour se préparer au ZAN », a-t-elle également prévenu.

Marianne Louradour, directrice générale de CDC Biodiversité. © Françoise Stijepovic

L’enjeu pour Jean Benet, urbaniste chargé d’études, à la mission planification de l’Institut Paris Region, est de « ralentir l’urbanisation » de l’Ile-de-France. Car même si, avec 5 % des fonciers français consommés, la région Capitale est plutôt vertueuse en la matière, elle est aussi « la plus urbanisée ». De plus, a souligné l’urbaniste, « la consommation d’espaces s’est accélérée ces dernières années ». Et contrairement au reste de la France, l’extension urbaine en Ile-de-France est davantage consacrée au développement des activités qu’à la production de logements.

« Coupler constructions, ZAN et nature en ville »

Aussi, ce fameux ZAN qui séduit autant qu’il inquiète est « une façon de repenser globalement notre urbanisme », a admis Marc Villand. S’il s’agit « d’une révolution » qu’il appelle de ses vœux, « le ZAN ne doit pas reposer uniquement sur les entreprises et les promoteurs », a prévenu le président de la FPI IDF, « cela doit être l’affaire de tous ». Au premier rang desquels les aménageurs. « Il faut y aller », a convenu Willem Pauwels, directeur général de Paris sud aménagement, « mais la ville ne fera pas du ZAN une règle, il faut lui donner de l’intelligence ».

Willem Pauwels, directeur général de Paris sud aménagement. © Françoise Stijepovic

Jean Benet, urbaniste à l’Institut Paris Region. © Françoise Stijepovic

Une intelligence qui passe notamment par une approche micro, au plus près des territoires en intégrant la stratégie ZAN dans le Sdrif (schéma directeur régional d’Ile-de-France) et par la réalisation de cartographies visant à déterminer les endroits à sanctuariser, à renaturer et ceux à urbaniser. « Le ZAN doit s’apprécier à l’échelle communale et doit être mis en parallèle d’objectifs de construction », a préconisé Marc Villand qui milite par ailleurs en faveur de « vrais PLU » (plan local d’urbanisme) respectés par les maires. L’idée consiste à « coupler constructions, ZAN et nature en ville », de manière à pouvoir continuer à répondre aux besoins de développement (économique, logement), tout en préservant l’environnement. « Sinon les investisseurs ne viendront pas », redoute le président de la FPI IDF, invitant à « travailler très sérieusement pour garder de la souplesse économique et limiter l’artificialisation ». D’autant que renaturer contribue aussi à renforcer l’attractivité d’un territoire en « le rendant vivable et en rendant la densité acceptable », a fait valoir Jean Benet.

Eviter, réduire, puis compenser

Mais « le ZAN ne veut pas dire arrêt des constructions et des activités », a prévenu Marianne Louradour, « c’est une invitation à construire différemment », dans une séquence à trois temps : 1) éviter (construire ailleurs que sur les espaces naturels), 2) réduire l’artificialisation (en densifiant) et 3) lorsqu’il faut artificialiser, le législateur a prévu de compenser en renaturant par exemple dans un endroit proche. Marianne Louradour suggère également de prévoir des corridors écologiques permettant de toucher à la biodiversité à certains endroits et la préserver ailleurs. Mais « comment la compensation peut-elle avoir un impact sur la biodiversité ? », a interrogé France nature environnement IDF. « Le ZAN permet de faire de la compensation positive, voire multiplicatrice, en prévoyant notamment dans les documents de planification de rétablir des trames vertes, bleues, brunes », a précisé la directrice générale de CDC Biodiversité, évoquant aussi « la mutualisation de fonciers » qui consiste à prévoir dans le Scot des terrains consacrés à la désartificialisation.

Marc Villand, président de la FPI Ile-de-France. © Françoise Stijepovic

Les limites du recyclage urbain

Si le recyclage urbain fait partie des pistes privilégiées pour une plus grande sobriété, il se présente aussi comme « un véritable enjeu qui n’est pas facile de mettre en œuvre », a souligné Willem Pauwels, pointant notamment le coût élevé pour dépolluer, retirer les réseaux, transférer les occupants… Et « ce qui est difficile en sites tendus l’est encore davantage en zone détendue », a-t-il ajouté, car les coûts de production ne peuvent pas être répercutés sur les prix de sortie des immeubles. Aussi, en zone détendue, il est, selon Willem Pauwels, « plus intelligent de renaturer les friches ».

Pour, justement, éclairer le choix et la décision des opérateurs entre transformer une friche urbaine ou pas, l’Ademe dispose d’une palette d’outils dont « bénéfriches » qui permet d’évaluer les bénéfices socio-économiques de la reconversion de friches et d’« avoir une valeur en euro du bénéfice net de la friche valorisée ». Suite à un appel à manifestation d’intérêt (AMI), l’Ademe suit quatre opérations franciliennes portant des projets de différentes natures : renaturation, programmation mixte ou construction de logements. L’action de l’agence porte également sur la formation des élus sur le ZAN (lire par ailleurs).

Jérémie Almosni, directeur régional de l’Ademe Ile-de-France. © Françoise Stijepovic

Monétarisation des externalités

« L’approche comporte trois dimensions », a expliqué Jérémie Almosni, directeur régional de l’Ademe Ile-de-France, « sociale, économique et environnementale. Elle permet aussi de comparer le même projet réalisé en extension urbaine ou sur une terre agricole ». Mais sur cette « monétarisation des externalités », l’Ademe ne dispose pas encore de « traductions mécaniques et concrètes », les études de cas servent à ce stade à « intégrer et justifier les intérêts pour les aménageurs ou collectivités en recherche de financement à transformer une friche ».

Reste à bien préparer la mise en œuvre du nouveau dispositif, mais tout en poursuivant la fabrique de la ville qui s’opère dans un contexte très tendu. « Les recours se multiplient quels que soient les projets, notamment de la part d’associations de protection de l’environnement », a souligné maître Carole Enfert. « Les opérations sont plus complexes et difficiles à financer », a renchéri Willem Pauwels, invitant à revisiter la fiscalité pour se donner les moyens de nos ambitions. Si le ZAN pourrait au final « offrir la possibilité aux élus de respecter la nature et densifier davantage », comme l’espère Marc Amzallag, directeur général de Polycités, il pourrait aussi être « une chance de montrer que notre métier de promoteur peut être vertueux », a conclu Marc Villand.

Cet article Faire de la contrainte du ZAN une opportunité est apparu en premier sur Le journal du Grand Paris – L’actualité du développement de l’Ile-de-France.


Go to Source
Author: Fabienne Proux