Tribune – A quand une Métropole pilote pour relever les défis du siècle ?
A l’heure où les problématiques s’empilent sur le territoire francilien (niveaux de pollution, saturation des transports en commun, vétusté du parc immobilier, inégalités territoriales, etc.), il est urgent d’affirmer le rôle pilote de la métropole du Grand Paris. Elle doit s’imposer comme la principale instance de gouvernance de la zone dense francilienne. Ce n’est en effet qu’à condition d’une mutualisation des moyens et d’une coordination de la décision à cette échelle que nous parviendrons à déployer des politiques publiques efficientes, capables de répondre aux enjeux de la transition écologique et de la justice sociale sur l’ensemble du territoire.
Aujourd’hui, le groupe écologiste, social et citoyen de la métropole du Grand Paris propose donc d’inscrire à l’ordre du jour de nos grands débats de société, celui de la réorganisation territoriale de la Métropole.
Des besoins territoriaux majeurs
Alors que la métropole du Grand Paris est née de l’ambition de créer une instance de gouvernance capable de réduire les inégalités entre territoires en garantissant une meilleure répartition des ressources et des investissements, force est de constater que ces disparités frappantes persistent.
Paris continue d’exercer une force centripète disproportionnée à l’échelle métropolitaine, régionale voire nationale, à la fois sur l’emploi, l’habitat et les activités économiques et culturelles, ainsi que sur les fonctions décisionnelles.
Ce phénomène de métropolisation anarchique, qui se traduit par la captation des richesses par la ville centre/capitale, s’accompagne d’une forte hétérogénéité urbaine avec un des plus hauts niveaux d’inégalité d’Europe, notamment entre les villes de l’ouest et de l’est métropolitain. Aussi, l’ultra-densité urbaine comme l’extrême dépendance alimentaire et énergétique rendent notre territoire hautement vulnérable au dérèglement climatique.
Au lieu de jouer un rôle d’équilibrage, la fiscalité locale renforce ces inégalités. Avec des taux d’imposition variant du simple au double, les territoires de l’est de Paris collectent deux fois moins d’impôts que la capitale ou les Territoires les plus favorisés.
Comment peut-on imaginer, avec un tel dumping fiscal, encourager les entreprises à s’installer dans l’est de la Métropole pour limiter les déplacements pendulaires synonymes de flux de déplacements supplémentaires et de perte de qualité de vie ?
Ce constat confirme le besoin d’autres centralités parallèles à Paris, pour rompre le rapport injuste et souvent hiérarchique entre centre et périphérie. Or cette ambition ne pourra être atteinte qu’à la condition de valoriser le potentiel économique de chaque territoire : production agricole locale, déconcentration des activités tertiaires et de production dans les bassins de vie.
Les fausses bonnes idées
Comment faire de la métropole du Grand Paris un acteur décisif de la justice sociale et environnementale, à même de tenir les promesses et ambitions fixées lors de sa création ?
D’abord il convient d’évacuer les fausses bonnes idées.
Certains proposent de faire disparaître la Métropole au profit d’une Région Métropole. Or, en plus de constituer une exception institutionnelle, cette organisation territoriale ne permettrait pas de traiter finement les problématiques propres à la zone dense.
Le récent rapport de la Cour des comptes de janvier 2023 relatif à l’organisation territoriale de la métropole du Grand Paris a d’ailleurs éloigné ce scénario des perspectives de réformes.
D’autres proposent de laisser aux territoires (EPT) leur autonomie fiscale. C’est nier que nous ferions alors la part belle au dumping fiscal que nous cherchons précisément à endiguer. Il nous faut au contraire davantage de mutualisation, donc davantage de Métropole car c’est la seule échelle qui permette de partager équitablement les richesses dans un bassin de vie où les habitants sont confrontés à des problématiques communes.
Or, contrairement aux métropoles de Lyon, de Marseille, de Nantes ou encore de Strasbourg, la Métropole du Grand Paris est la seule dont les dispositions fixées par la loi NOTRe ne sont toujours pas pleinement appliquées. En effet, elle est toujours contrainte de partager le produit de la fiscalité des entreprises avec les EPT quand les autres métropoles en bénéficient dans son intégralité, et n’est pas compétente de plein-droit sur un certain nombre de sujets qui sont pourtant au cœur des problématiques du territoire métropolitain : développement économique ; politique locale de l’habitat ; gestion des services d’intérêt collectif comme le traitement et la réduction des déchets, l’eau et l’assainissement, le transport, la préservation de l’environnement et de la biodiversité, etc.
Mais pour y arriver, encore faut-il s’en donner les moyens.
Une définition institutionnelle à repenser
L’organisation institutionnelle et la répartition des compétences doivent être revues.
Si la métropole du Grand Paris doit pouvoir endosser un rôle décisionnaire et coordinateur, les autres institutions n’ont pas vocation à disparaître mais simplement à réviser la nature de leur exercice.
Les Territoires qui exercent des compétences de proximité indispensables (déchets, gestion de parcs, équipements sportifs, voirie, espace public, culture…) devront être intégrés à la gouvernance de la Métropole aux côtés des élus communaux. Il est également indispensable de sécuriser leur financement pour permettre le bon fonctionnement des services publics de proximité et pérenniser leurs investissements.
Dans cette perspective de réorganisation institutionnelle, la place et la forme que prendra l’action départementale doivent aussi pouvoir être interrogées.
Les grands syndicats devront être mieux intégrés au réseau de partenaires de la Métropole, qui devra quant à elle tenir compte de leur action dans son pilotage stratégique. Il ne devrait pas être exclu d’en faire des services métropolitains intégrés ou des agences pilotées par la Métropole, qui serait intégrée à leur gouvernance.
Sur le plan financier, il faut en revenir au régime prévu par la loi NOTRe, qui prévoyait que la gestion et perception du produit de la fiscalité des entreprises reviennent entièrement à la Métropole. L’imposition pourrait donc ainsi être à terme harmonisée entre les territoires dont les taux (compris entre 16,52 % et 45,33 %) et niveaux de développement du tissu entrepreneurial sont extrêmement contrastés, contribuant ainsi à cristalliser les disparités économiques.
Enfin, sur le plan politique, il est urgent de renforcer la légitimité démocratique de l’institution. Souvent mal perçue du grand public qui la confond parfois avec Grand Paris aménagement ou la Société du Grand Paris, ou qui le plus souvent, ignore simplement son existence, la Métropole peine à faire comprendre son rôle et reste éloignée des citoyens.
Les écologistes appellent donc à instaurer une élection au suffrage universel direct pour la constitution de l’assemblée métropolitaine, comme cela a été fait à Lyon, de sorte à renforcer la représentativité et la légitimité des décideurs désignés, ainsi que leur responsabilité vis-à-vis des citoyens.
Si toutes ces conditions étaient réunies, la Métropole pourrait enfin devenir un outil pour lutter contre le phénomène de métropolisation anarchique et agir en faveur de la cohésion territoriale .
L’adoption du plan climat air énergie et territoire métropolitain, et l’avis favorable obtenu à la quasi unanimité concernant le schéma de cohérence territoriale sont de premières victoires qui doivent nous donner espoir. Ces séquences nous ont rappelé que le parachèvement de la métropole du Grand Paris est avant tout une question de volonté politique et d’engagement pour l’intérêt général.
Il est temps de donner, enfin, les moyens à la Métropole d’assumer ses missions en matière de continuité et rééquilibrage territorial, de réduction des inégalités, de développement et de transition écologique.
Nous avons posé ici de premières conditions qui nous semblent essentielles à la réussite de la Métropole, mais la réflexion n’en est évidemment qu’à ses prémices. Il est désormais urgent de l’inscrire à l’agenda politique et de l’investir pleinement en y associant habitants et acteurs territoriaux si l’on veut parvenir à esquisser un modèle métropolitain démocratique, acceptable et pérenne.
Rendons la Métropole à ses habitants. Ces derniers nous attendent !
Signataires :
- Sylvain Raifaud, co-président du Groupe écologiste, social et citoyen de la MGP
- Anne de Rugy, co-présidente du Groupe écologiste, social et citoyen de la MGP
- Léa Balage El Mariky, conseillère métropolitaine
- Virginie Daspet, conseillère métropolitaine
- Antoinette Guhl, vice-présidente de la Métropole
- Karina Perez, conseillère métropolitaine
- Fatoumata Koné, présidente du Groupe écologiste de Paris et conseillère métropolitaine
- Patrick Chaimovitch, maire de Colombes et conseiller métropolitain
- François Dechy, maire de Romainville et conseiller métropolitain
- François Béchieau, adjoint au maire du 19e et conseiller métropolitain
- Daniel Breuiller, sénateur
- Anne Souyris, maire adjointe à la santé de Paris
- Jacques Fernique, sénateur
- Monique de Marco, sénatrice
- Raymonde Poncet Monge, sénateur
- Sinda Matmati, adjointe à la maire du 14e et conseillère métropolitaine
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Author: La Rédaction