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Des sarcophages mystérieux découverts à Notre-Dame

Deux cercueils plombés ont été exhumés dans le chœur de la cathédrale au printemps dernier. Les premiers résultats de fouille viennent d’être rendus publics.

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Les medecins de l'Institut medico-legal du CHU toulousain ont soumis les depouilles a des examens tres pousses.
Les médecins de l’Institut médico-légal du CHU toulousain ont soumis les dépouilles à des examens très poussés. © Denis Gliksman/ Inrap

Temps de lecture : 3 min

Découverts entre février et mai 2022 sous la croisée du transept de la cathédrale Notre-Dame de Paris, deux sarcophages plombés, exhumés par les archéologues de l’Institut national de recherche archéologique préventive, commencent à livrer leurs secrets.

Lors d’une conférence de presse organisée le 9 décembre à Toulouse, Dominique Garcia, président de l’Inrap, et ses équipes ont ainsi dévoilé les premiers résultats des analyses réalisées au centre hospitalier de la ville.

Un chanoine célèbre

Si les sarcophages ont été transportés à l’institut médico-légal du CHU de Toulouse, c’est qu’y avait déjà été étudiée la momie de Louise de Quengo (1584-1646), retrouvée dans un même sarcophage au couvent des Jacobins de Rennes il y a une dizaine d’années. L’expertise des équipes de l’université Toulouse III-Paul Sabatier a permis de percer plusieurs des secrets de ces deux tombeaux.

À commencer par le nom du premier défunt, repéré à moins de 30 centimètres du sol dallé. Il s’agit du chanoine Antoine de La Porte (1627-1710). « Plusieurs indices ont permis cette identification : les inscriptions funéraires en latin figurant sur le couvercle plombé, une plaque fixée à l’intérieur et une médaille représentant l’homme d’Église », énonce Christophe Besnier, responsable des fouilles.

À LIRE AUSSICe qui se cache sous les bandelettes des momiesLa deuxième dépouille reste, à ce stade, anonyme. Mais l’examen des ossements des deux corps a livré de précieuses informations. Sur le chanoine tout d’abord. Décédé à 83 ans, il souffrait apparemment de « goutte », ce que révèle l’état de ses orteils. Sa dentition était parfaitement entretenue. Les scanners réalisés par Delphine Maret et Géromine Fournet montrent qu’il se brossait les dents avec application. Il utilisait peut-être même du fil dentaire ! Une encoche a, en effet, été retrouvée sur une incisive du religieux que les anthropologues qualifient de « signe du cordonnier » car elle trahit l’usure de l’émail provoquée par les lacets que les réparateurs de chaussure coincent entre leurs mâchoires.

Un cavalier anonyme

Beaucoup plus jeune, « probablement âgé d’une trentaine d’années », selon l’anthropologue Camille Colonna, le second défunt devait être un cavalier. C’est du moins ce qu’affirme Éric Crubézy, professeur des universités et spécialiste en anthropologie, au vu des déformations d’une alvéole osseuse au niveau des hanches. « J’ai déjà repéré cette particularité chez des individus exhumés en Mongolie, où l’équitation est pratiquée dès le plus jeune âge », dit-il. La forme du crâne, allongée, que les spécialistes qualifient de « forme toulousaine » car elle a été relevée dans la région à plusieurs reprises au XIXe siècle, pourrait résulter du port d’un bonnet serré quand ce « cavalier » était enfant.

À LIRE AUSSI« Éternelle Notre-Dame » : voyage au temps des bâtisseurs de cathédraleLa cause de sa mort paraît attribuable à la tuberculose. Des traces de réactions inflammatoires à la base du crâne laissent supposer une méningite chronique. Ces lésions vertébrales, associées à la chute des dents du sujet une à deux années avant son décès semblent attester cette maladie, selon les premières conclusions des scientifiques. La date de la mort de ce second individu doit encore être précisée par carbone 14. Son origine géographique pourrait être dévoilée par des tests isotopes. Mais les archéologues doutent de pouvoir l’identifier si sa mort est antérieure au XVIe siècle car les registres d’inhumation manquent avant cette date. Tout juste se contentent-ils de déduire son caractère aristocratique du lieu où il a été inhumé.

Un étrange embaumement

Plus étonnant, ce second défunt a été embaumé. Le crâne a été vidé (l’entaille est d’ailleurs maladroitement effectuée) et le corps éviscéré a été rempli d’un mélange de plantes aromatiques et de matières minérales. Les ingrédients utilisés ne sont pas encore connus avec certitude. Ce traitement a-t-il précédé ou suivi le Concile de Trente (1542) à partir duquel les rituels funéraires ont évolué ?

Les analyses à venir nous le diront. Près de 200 échantillons ont été prélevés sur les deux corps retrouvés. La publication du rapport définitif de fouille est attendue en juillet 2024. Au total, on estime à environ 300 le nombre de sépultures présentes sous le dallage de la cathédrale parisienne. Les fouilles sont peu fréquentes. La dernière remonte à 1982.


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