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Intelligence artificielle : 10 propositions concrètes du rapport Villani

Ouvrir les données ? Oui, mais aussi les protéger !

Le constat. La France et l’Europe doivent à la fois aller plus loin dans l’ouverture des données, mais adopter une position plus ferme s’agissant du transfert de données hors de l’Union européenne.

La recommandation. « Il est primordial de mettre à la disposition de tous, chercheurs et entreprises européennes, et rapidement, à horizon 2019, les données publiques disponibles : météorologiques, agricoles, de transports, d’énergie, de biodiversité, de climat, de déchets, cadastrales, de diagnostic de performance énergétique. » Cela pourrait servir, explique le rapport « à des actions rapides » comme la « rénovation mutualisée de l’habitat, facilitation des circuits courts, valorisation des déchets des particuliers et des industriels, permis de construire, etc. ». Mais également, à « des innovations plus structurées : météo prédictive sans équations différentielles, amélioration du trafic prédictif, prévision des pollutions, crue, etc. […] Par ailleurs, note le rapport, le nouveau droit à la portabilité des individus sur leurs données personnelles pourrait ainsi s’inscrire dans une logique citoyenne, pour permettre à l’État et aux collectivités territoriales de récupérer ces données pour développer des applications en IA à des fins de politique publique.

Notre avis. Une prise de conscience au plus haut niveau alors que les citoyens en ont assez de l’exploitation de leurs données personnelles.

Rendre l’État plus efficace

Le constat. La commande publique doit être repensée. Évaluée à près de 70 milliards d’euros annuels pour l’État, les établissements publics et les collectivités, elle reste insuffisamment orientée vers l’innovation, pour des raisons à la fois opérationnelles, juridiques et culturelles.

La recommandation. La mission recommande de « dynamiser l’achat public innovant ». Cela pourrait être possible en s’appuyant sur « un coordinateur interministériel pour la mise en œuvre de la stratégie ». La nomination d’un haut délégué à l’IA reviendrait à suivre l’initiative britannique et son Bureau pour l’IA (Office for AI – OAI). Sous l’autorité du ministre chargé du Numérique, « cette personnalité aurait pour rôle de coordonner l’action gouvernementale et de constituer l’interface entre les secteurs public et privé ». Une autre idée est de « créer des labels pour augmenter la visibilité de l’offre domestique en IA en s’inspirant de ce qui a été fait avec la French Tech, pour rayonner à l’international.

Notre avis . On regrette qu’il n’y ait pas de recommandation d’obligation d’une partie de commande publique pour les petites structures comme cela existe aux États-Unis.

Concentrer ses efforts sur quatre secteurs-clés

Le constat. Il y a parfois du saupoudrage dans la politique d’accompagnement des projets liés à l’intelligence artificielle.

La recommandation. « Notre mission recommande de concentrer l’effort sur quatre secteurs prioritaires : santé, environnement, transports-mobilités et défense-sécurité. » Cela permettrait d’aller vers le « bien commun », note le rapport comme la détection précoce des pathologies, la disparition des déserts médicaux, la mobilité urbaine à zéro émission… Mais aussi de s’attarder sur des secteurs dans lesquels, en France et en Europe, « il est encore possible de faire émerger des acteurs d’excellence ».

Notre avis. Volonté louable.

Oser se tromper grâce à des « bacs à sable » d’innovation

Le constat. « Une plainte qui revient régulièrement : la lourdeur de la réglementation ainsi que les délais d’instruction des dossiers pour mettre en œuvre ces expérimentations. »

La recommandation. « Mettre en place des bacs à sable d’innovation, qui s’entendent d’un triple aspect : un allègement, temporaire, de certaines contraintes réglementaires pour laisser le champ libre à l’innovation, un accompagnement des acteurs dans la prise en compte de leurs obligations et des moyens d’expérimentation en situation réelle. […] Pour garantir la rapidité et la simplicité nécessaires à une telle démarche, la participation à ces bacs à sable devrait se faire sur demande des acteurs de l’innovation avec l’instruction d’un dossier unique sous une procédure de silence vaut acceptation sous 3 mois. »

Notre avis. L’idée est de consacrer la Cnil qui garde un fort pouvoir de régulation sans étouffer l’innovation.

Réfléchir à la transformation du travail dans des labs dédiés

Le constat. « La législation sur les conditions de travail est principalement adaptée aux modes de travail de l’ère industrielle. » Or, les technologies numériques ont introduit de nouveaux risques en entreprise, qui ne sont que peu pris en compte. Parallèlement, l’automatisation des métiers représente un défi majeur à anticiper.

La recommandation. Le rapport recommande « la création d’un lab d’expérimentations de la transformation au travail ». Un encadrement que Cédric Villani veut incarner « via l’instauration et/ou la mise en réseau de lieux de réflexion vivants sur l’avenir du travail, qui prennent la forme de laboratoires des nouveaux métiers et des usages de demain ».

Notre avis. Pourquoi pas, à condition que ces laboratoires ne se transforment pas en Comité Théodule.

Adapter notre capacité de calcul

Le constat. Les instituts de recherche en IA doivent pouvoir disposer d’outils de calcul qui leur permettent de rivaliser avec les moyens quasi illimités des grands acteurs privés.

La recommandation. « Notre mission propose la mise en place d’un supercalculateur conçu spécifiquement pour les applications d’IA, dédié aux chercheurs et à leurs partenaires économiques dans le cadre de projets communs » : avec, en ligne de mire, la construction d’un supercalculateur adapté à l’IA ne recourant qu’à des technologies européennes. « Un tel défi trouverait utilement à s’inscrire dans le développement du secteur du transport à l’échelle européenne, en particulier en cas de création d’une agence européenne pour l’innovation de rupture. » Le rapport appelle à s’inspirer de la Chine et de son Sunway TaihuLight, un supercalculateur aux composants et à la production 100 % chinois, « alors qu’elle ne disposait pas des technologies de production les plus avancées à l’échelle mondiale ».

Notre avis. Il rappelle l’intérêt de créer une agence d’innovation de rupture, comme une Darpa à l’échelle européenne. Il aurait sans doute été opportun de suggérer quelques noms d’acteurs européens capables de construire ce supercalculateur.

Créer un réseau d’Instituts interdisciplinaires d’intelligence artificielle

Le constat. En France, il y a un profond manque de contact et de coopération entre le monde académique et industriel.

La recommandation. Reconstituer « des environnements de recherche attractifs et prestigieux, capables d’avancées significatives à l’échelle mondiale, regroupés sous un label unique, visible et reconnu », diffuser « une formation scientifique de haut niveau en IA, pour les chercheurs, ingénieurs, entrepreneurs de demain », « fluidifier les interfaces entre disciplines et entre la recherche académique et le monde industriel, favorisant la transformation rapide des idées en preuves de concept (POC), en applications scientifiques, en avancées technologiques et en propriété intellectuelle » pour créer « le tissu de start-up et de PME dont dépend l’industrie de demain ».

Notre avis. Comment s’y prend-on concrètement ?

Réduire l’empreinte écologique de l’IA

Le constat. L’intelligence artificielle est gourmande en capacité de calcul, donc en énergie. Le rapport met en avant plusieurs propositions.

La recommandation. En dehors d’un « lieu dédié à la rencontre de la transition écologique et de l’IA », le rapport met en avant des technologies moins gourmandes, comme le « stockage sur ADN ». Dans une publication de mai 2017, des chercheurs de Microsoft affirment que la société est prête à avoir un système de stockage opérationnel sur ADN à la fin de cette décennie. En France, la start-up DNA Script travaille aussi sur le sujet. Autre piste : une meilleure gestion des datacenters. Facebook a annoncé avoir gagné 38 % en capacité énergétique grâce au Open Compute Project. Cette initiative qui a pour but de partager des techniques de meilleure gestion de datacenters en récupérant la chaleur par exemple, a aussi convaincu Apple, Microsoft, Rackspace, Cisco, Juniper, ou encore Bank of America.

Notre avis. Pertinent car concret.

Création d’un comité éthique

Le constat. «  Avec l’essor de l’IA, les questionnements éthiques sont aujourd’hui sur toutes les lèvres : chercheurs, syndicats, entreprises, associations… »

La recommandation. «  Instaurer, dans un cadre institutionnel, un Comité consultatif national d’éthique pour les technologies numériques et l’intelligence artificielle. » Le comité de Villani imagine cette instance sur le modèle du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) pour la science de la vie et de santé. « Nous pourrions à ce titre nous inspirer de l’Allemagne, qui a mis sur pied une commission d’éthique chargée de statuer spécifiquement sur les véhicules autonomes. Elle pourrait être saisie par le gouvernement, le président de la République, les établissements d’enseignement ou par elle-même. »

Notre avis. Bien vu, mais pourquoi ne pas créer un seul comité au niveau européen ?

Trois fois plus d’experts et 40 % de femmes en IA

Le constat. Les entreprises manifestent un besoin croissant de spécialistes en IA. Par ailleurs, l’informatique souffre toujours d’une sous-représentation criante de femmes.

La recommandation. À situation alarmante, réponse drastique : multiplier par trois le nombre de personnes formées en IA, à horizon de trois ans et parvenir à la mixité avec « 40 % d’étudiantes dans les filières du numérique d’ici à 2020 » via une politique d’incitation positive qui récompenserait les établissements qui y parviennent « par une labellisation ou une subvention ». Le rapport recommande par ailleurs l’instauration « d’une plateforme qui permettrait de centraliser les pédagogies innovantes et ses règles au sein d’une seule et même base de données. Ce projet se ferait dans la continuité d’Expérithèque, une plateforme mise en place par le ministère de l’Éducation nationale qui recense d’ores et déjà les innovations pédagogiques en France. »

Notre avis. Bonne idée et réalisable. Le rapport cite en exemple La Grande École du numérique et la Web@cadmie et son programme « Ambition féminine ».


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