En Espagne, Mariano Rajoy sous la menace d’un motion de censure

Le Parti socialiste espagnol (PSOE) a déposé vendredi 25 mai une motion de censure pour tenter de renverser le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy, affaibli par un scandale de corruption. Elle est débattue depuis ce jeudi 31 mai et jusqu’au vendredi 1er juin.

  • Pourquoi le PSOE a-t-il déposé une motion de censure contre Mariano Rajoy ?

Jeudi 24 mai, l’Audience nationale, haute cour espagnole, a rendu son jugement sur un vaste réseau de corruption appelé « affaire Gürtel ». Plusieurs cadres du Parti populaire (PP, droite au pouvoir), dont l’ancien trésorier Luis Barcenas, ont été condamnés à de lourdes peines de prison pour avoir participé à un « authentique et efficace système de corruption institutionnelle au travers d’un mécanisme de contrats publics » entre 1999 et 2005.

Le PP soutient qu’il s’agit de « cas isolés » de militants véreux, mais le tribunal a condamné le parti, en tant que « participant à titre lucratif », c’est-à-dire bénéficiaire, à rembourser près de 250 000 euros pour le financement illégal de plusieurs meetings du PP de deux municipalités de la région de Madrid. Par ailleurs, le témoignage de Mariano Rajoy durant le procès a été jugé peu « crédible » par les magistrats.

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Le patron du PSOE, Pedro Sanchez, a estimé que ce verdict l’oblige à déposer une motion de défiance, par « responsabilité », pour la « crédibilité des institutions », et pour la défense de la « démocratie ». Il s’agit aussi d’une opportunité inespérée pour le PSOE, en troisième position dans les sondages, de reprendre le pouvoir.

  • Comment se déroule le processus ?

En Espagne, les motions de censure sont constructives, c’est-à-dire que pour faire tomber l’actuel chef du gouvernement, la majorité absolue des députés doit accorder sa confiance à un autre candidat. Pedro Sanchez doit donc rassembler le vote de 176 des 350 députés au terme du débat, qui a commencé jeudi 31 mai à 9 heures et se finira vendredi midi, s’il veut remplacer Mariano Rajoy.

La tâche est ardue, car le PSOE n’a que 84 députés depuis les élections de 2016, son plus faible résultat depuis le retour de la démocratie en 1977. S’il parvient à trouver les voix qui lui manquent, le dirigeant socialiste pourra gouverner jusqu’à la fin de l’actuelle législature (juin 2020) ou convoquer des élections anticipées.

  • Qui soutient Pedro Sanchez ?

Podemos, qui a consulté ses sympathisants sur la question, n’a pas attendu le résultat du vote interne pour expliquer que le parti votera pour le socialiste « par hygiène démocratique ». La Gauche indépendantiste catalane (ERC) a laissé entendre que son soutien est acquis. « Entre Rajoy et qui que ce soit, nous choisisonne qui que ce soit », a déclaré son polémique député, Gabriel Rufian. Le Parti démocrate européen de Catalogne (PDeCAT), auquel appartient Carles Puigdemont, a donné son soutien à Pedro Sanchez, après son discours, dans lequel il a parlé de « restaurer les ponts brisés avec la Catalogne » et « commencer le dialogue entre le gouvernement d’Espagne et le nouveau gouvernement catalan ».

  • Qui s’oppose à la motion de défiance ?

Mis à part le PP et de petits partis, des Canaries et de Navarre, seul le parti libéral Ciudadanos refuse la motion de censure de M. Sanchez, tout en se disant décidé lui aussi à faire tomber M. Rajoy. Le président de Ciudadanos, Albert Rivera, exigeait en effet que le vote de défiance permette de désigner un candidat indépendant, dont l’unique objectif consisterait à convoquer des élections. Actuellement en tête dans les sondages, il a tout intérêt à ce que le prochain scrutin électoral se déroule au plus vite.

  • Le Parti nationaliste basque, faiseur de roi

Pour obtenir la majorité absolue, il manquait au dirigeant socialiste le soutien du Parti nationaliste basque (PNV) qui a ménagé le suspense jusqu’au bout. Le PNV, parti réputé pragmatique, qui a soutenu la loi de budget en échange d’importants avantages pour le Pays basque, ainsi que d’une augmentation des retraites pour tous les Espagnols, le lui a donné jeudi en fin d’après-midi. Pedro Sanchez lui a promis de soutenir le budget et de gouverner avant de convoquer des élections. Le PNV ne voulait surtout pas d’élections anticipées alors que Ciudadanos, érigé en son principal « ennemi » politique du fait de ses critiques répétées sur l’autonomie financière et fiscale basque, se trouve tout en haut dans les sondages.

Le PNV n’a pas supporté la pression d’être le seul parti à soutenir le gouvernement du PP. Le porte-parole Aitor Esteban a critiqué la rapidité de la motion, a exprimé ses craintes sur l’instabilité, a dénoncé des intérêts de partis « évidents » et des « intérêts à court terme ». Mais il a déclaré que le verdict de l’Audience nationale a marqué un « tournant qui dépasse la politique ». « Notre vote négatif (à la motion) ne garantirait pas la stabilité », a-t-il insisté après avoir rappelé que Ciudadanos a rompu le pacte d’investiture qu’il maintenait avec le PP. Par conséquent, il votera « oui » à la motion.

  • Que peut faire Mariano Rajoy ?

Mariano Rajoy a perdu tout espoir de retourner la situation. Il s’est absenté du débat durant l’après-midi. Il ne lui reste qu’une possibilité : démissionner, avant que ne se déroule le vote, vendredi. Il pourrait rester au pouvoir jusqu’à ce qu’un candidat capable de remporter la majorité des voix soit désigné pour le remplacer. En cas d’échec et de blocage, des élections seraient convoquées dans les deux mois…


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