Le feuilleton théâtral de David Bobée à Avignon: «chacun a sa différence»

RFI : Bonjour, Mesdames, Messieurs et le reste du monde. Est-ce une manière de dire qu’on est finalement toutes et tous des minorités ?

David Bobée : C’est d’abord une façon de dire bonjour, d’inviter, d’être bienveillant, inclusif, invitant. C’est quelque chose de très généreux, comme l’est ce feuilleton dont le principe est d’amener des sujets de société par le plaisir du théâtre à des spectateurs. D’amener du théâtre dans des lieux non dédiés, par exemple ce Jardin Ceccano, avec la gratuité, avec la culture pour toutes et tous. C’est très démocratique et à l’image de la création du Festival d’Avignon.

Après, les sujets liés au genre affirment le principe de respecter l’autodétermination des personnes, quelle qu’elle soit, et d’essayer d’atteindre une certaine idée de l’égalité réelle. Ce feuilleton, comme toutes les luttes LGBTQ, vise à faire avancer la société sur les luttes contre les discriminations, contre les inégalités entre les hommes et les femmes, en interrogeant la place des femmes dans l’histoire, dans la société, en interrogeant la masculinité qui mériterait être un peu plus créative, un peu plus inventive. En tout cas, il s’agit de casser un peu le carcan qu’on hérite : on ne naît pas homme, on le devient.

On va aussi s’interroger sur toutes les discriminations, quelle que soit leur nature. Et cela de façon intersectionnelle en croisant les systèmes de domination, qu’ils s’abattent sur des questions de sexe, de genre, mais aussi – par extension – de classe, de race… Voilà, c’est un vrai combat pour l’égalité.

Avec les réseaux sociaux, on peut aujourd’hui créer sa propre communauté. Ainsi, on n’est plus minoritaire, mais fait partie de la majorité de sa communauté. Est-ce que cela pourrait être une solution pour sortir des discriminations ?

Je crois très fort au réel de la société. En France, par exemple, trente pour cent de la population n’est pas blanche. La population se sépare à peu près à égalité entre hommes et femmes. A un moment, il serait peut-être temps de respecter la réalité sociologique de la population. Et cela passe par des moyens qui visent l’égalité. En fait, je ne crois pas que la majorité existe. On est une société qui est multiculturelle et qui pourrait s’imaginer de façon transculturelle. Si on respectait la particularité des uns et des autres, peut-être on apprendrait plus simplement de vivre ensemble et de tolérer ce qui pourrait être considéré comme des différences aujourd’hui. Si on regarde bien, chacun a sa différence. Ma masculinité n’a rien à voir avec la vôtre, et cela ne nous empêche pas de communiquer et – éventuellement – à nous aimer.

Les réseaux sociaux ont un impact de plus en plus important dans la société. Est-ce que cela change le théâtre, le rapport entre les spectateurs et les comédiens ?

Je sens qu’Internet change notre rapport au monde, notre imaginaire, que les individus circulent plus librement, les idées, les œuvres de la pensée circulent bien plus rapidement, que nos amis sont tout autour de la planète aujourd’hui. Au XXIe siècle, on est peut-être moins dans des pensées monolithiques et linéaires, mais plus fragmentaires, plus fluides, plus transversales. Et je pense que les questions liées au genre sont aussi liées à une certaine liberté qu’amène Internet permettant aux gens de trouver de modèles positifs à leur propre particularité.

Mesdames, Messieurs et le reste du monde, feuilleton citoyen théâtral quotidien du Festival d’Avignon, conçu et mis en scène par David Bobée. Du 7 au 21 juillet (relâche le 15 juillet), à 12h, au Jardin Ceccano. Les épisodes sont retransmis chaque jour en direct en vidéo sur Facebook.


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