Le vrai-faux « axe » antimigration d’Europe

Le ministre de l’intérieur allemand, Horst Seehofer (à droite), et le premier ministre autrichien, Herbert Kickl, à Innsbruck, le 12 juillet.

Lors d’une réunion remarquée à Berlin à la mi-juin entre Sebastian Kurz, le jeune chancelier autrichien, et Horst Seehofer, le président de l’Union chrétienne-sociale en Bavière (CSU) et ministre de l’intérieur du gouvernement allemand, le premier s’était réjoui de l’existence d’un « axe des volontaires dans la lutte contre l’immigration illégale » entre Vienne, Rome et Berlin.

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L’usage du terme « axe », particulièrement connoté car rappelant l’alliance germano-italo-japonaise de la seconde guerre mondiale, a suscité une polémique. Mais au-delà, cette alliance des « antimigrants » a-t-elle une quelconque chance de prendre forme alors que chacun des trois ministres de l’intérieur impliqués — Matteo Salvini, leadeur de la Ligue d’extrême droite pour l’Italie, Horst Seehofer pour l’Allemagne et Herbert Kickl, tête pensante du FPÖ, également d’extrême droite, pour l’Autriche — promeut des solutions essentiellement nationales et contradictoires ?

Les trois se sont rencontrés pour la première fois à Innsbruck, mercredi 11 et jeudi 12 juillet, en marge d’une réunion des ministres de l’intérieur européens, la première sous présidence autrichienne de l’Union. Mais rien de concret n’est ressorti de ces échanges. Et pour cause.

M. Seehofer, qui a finalement réussi à imposer son « master plan » contre l’immigration illégale à sa chancelière, Angela Merkel, à l’issue de deux semaines de bras de fer, envisage de repousser hors d’Allemagne les migrants qui auraient déposé une demande d’asile dans un autre pays de l’UE.

Affichage

Jeudi 5 juillet, en visite à Vienne, le président de la CSU bavaroise (petite cousine de coalition de la CDU d’Angela Merkel) avait tout de suite calmé le jeu avec l’Autriche, affirmant que ces migrants ne seraient pas refoulés vers ce pays — par lequel ils sont passés dans leur parcours migratoire —, mais directement vers l’Etat où ils avaient déposé leur demande d’asile, comme le prévoient les accords de Dublin.

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A en croire le Bavarois, « les trois quarts » des « dublinés » venant de Grèce ou d’Italie, ces derniers devraient être renvoyés vers ces pays. Or, Matteo Salvini le répète depuis sa prise de fonctions, à la fin de mai, l’Italie ne veut plus récupérer de migrants sauvés en mer. « L’Italie ne récupérera aucun migrant refoulé tant que l’Europe ne fermera pas sa frontière extérieure à l’Union », a-t-il déclaré mercredi 11 juillet au soir, juste après une rencontre bilatérale avec M. Seehofer.

Preuve qu’au-delà de l’affichage, les trois ministres sont bien en peine de trouver une solution commune, qui impliquerait un minimum de solidarité supranationale, hypothèse qu’ils excluent. Aucune annonce concrète d’un accord entre les trois pour décliner en pratique le « master plan » de M. Seehofer n’a été explicitée à Innsbruck.

Selon nos informations, la Grèce aurait demandé à l’Allemand, en « échange » du retour des migrants, que l’Allemagne accepte davantage de regroupements familiaux depuis la Grèce. Et l’Italie réclamerait à Berlin de récuperer des migrants sauvés en Mediterranée… Difficile à accepter pour le Bavarois.

« Discussions difficiles »

MM. Seehofer et Salvini se sont juste engagés à poursuivre les discussions et ont espéré trouver une solution « d’ici à la fin de juillet » ou « au début d’août », a précisé le Bavarois. La rencontre avec M. Salvini a été « très positive », a-t-il dit, mais il a ajouté s’attendre encore « à des discussions difficiles » avant de parvenir à une « véritable solution ».

Avec M. Kickl, les trois ont aussi promis une autre réunion trilatérale, « le 19 juillet ». « Leur priorité, c’est d’obtenir une solution européenne [pour lutter contre la migration illégale], et si on n’y parvient pas, les mesures nationales seront mises en place », assurait un diplomate à Innsbruck jeudi, concédant quand même que les Vingt-Huit étudient des solutions européennes, sans grand succès, depuis des années.

La seule chose qui réunit assurément cet « axe » fragile austro-italo-allemand, c’est la volonté de parvenir à une fermeture totale des frontières extérieure de l’Union. Et d’évacuer complètement la question d’éventuelles relocalisations de réfugiés entre pays de l’UE.


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