La commission d’enquête sur l’affaire Benalla se déchire à l’Assemblée nationale

A l’Assemblée nationale le 23 juillet, Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois, répond aux questions des journalistes.

C’est un refus net. Les députés La République en marche (LRM) jugent « inutile d’auditionner d’autres membres du cabinet du président de la République et du ministre de l’intérieur », a fait savoir Yaël Braun-Pivet, la présidente de la commission des lois, constituée à l’occasion de l’affaire Benalla en commission d’enquête, lors d’une conférence de presse mercredi 25 juillet. Le député d’opposition Guillaume Larrivé, corapporteur de la commission d’enquête, avait fait une demande en ce sens.

« Il est manifeste que l’opposition privilégie une approche polémique et politique qui vise à tirer profit de l’actualité loin de tout souci de la vérité », a dénoncé Mme Braun-Pivet, avant une réunion de la commission, qui doit tenter de se mettre d’accord sur une série d’auditions.

« Nous avons auditionné huit personnes dont le ministre de l’intérieur, les plus hauts responsables de la préfecture de police et, fait exceptionnel, trois responsables de la présidence de la République », a fait valoir la présidente de la commission des lois. Après trois jours d’auditions, Mme Braun-Pivet estime par ailleurs que « les auditions menées jusqu’à présent démontrent clairement qu’il existe des dérives individuelles de M. Alexandre Benalla et de certaines autorités de police, des “copinages malsains”, selon les termes mêmes du préfet de police ». D’après elle, les membres des cabinets présidentiels et de l’intérieur ont démontré leur absence de lien avec l’affaire Benalla.

Revivez   la deuxième journée d’auditions

« Sabotage »

Mercredi matin, Guillaume Larrivé a fustigé cette attitude face à un programme d’audition inchangé malgré ses demandes de nouvelles convocations. « Je vous rappelle vous avoir saisie (…) d’une liste extrêmement précise de personnes que je souhaite voir convoquées par notre commission d’enquête qui concerne l’Elysée, le ministère de l’intérieur et le parti En marche », a-t-il lancé à la présidente. Et d’ajouter :

« Je considère qu’il y a là un dysfonctionnement manifeste du fonctionnement de notre commission d’enquête et, en tant que corapporteur, je répète que je n’accepterai pas que cette commission fasse l’objet d’entrave et d’obstruction de la part d’une majorité aux ordres de l’Elysée. »

Mercredi soir, sur BFM-TV, M. Larrivé a prévenu : « Je ne sais pas si cette commission d’enquête à l’Assemblée pourra poursuivre ses travaux, [mais] je ne lâcherai rien. »

Dans le sillage des annonces de la présidente de l’instance, l’opposition a estimé que Yaël Braun-Pivet avait par cette décision sonné le glas de sa commission. « Mme Yaël Braun-Pivet a procédé au sabotage de sa commission », a notamment dit la députée La France insoumise Danielle Obono – un jugement partagé par le député LR Sébastien Huyghe sur Twitter :

Notre journaliste Astrid de Villaines, présente à l’Assemblée aujourd’hui, constate que l’opposition fait bloc :

Les débats ont continué dans l’Hémicycle, dans la soirée de mercredi, à l’occasion de l’examen de la loi portant sur l’asile et l’immigration. Le discours introductif du ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, a été interrompu à trois reprises par des rappels au règlement concernant la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire Benalla.

« Menteur », a lancé le chef de file des députés de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, à destination de M. Collomb, qui a dû hausser la voix pour couvrir les protestations des parlementaires de l’opposition et terminer son propos.

De nouvelles auditions à venir

Le groupe majoritaire de la République en marche compte en revanche demander une nouvelle audition du préfet de police de Paris, Michel Delpuech, des responsables de la compagnie de CRS 15 qui était place de la Contrescarpe le 1er mai ainsi que du directeur de l’ordre public de la préfecture de police de Paris, Alain Gibelin, dont les déclarations sous serment devant les députés ont par deux fois été « remises en question ».

Le commandant militaire de la présidence de la République a en effet contredit mercredi devant l’Assemblée le chef de la direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC) en faisant état d’une discussion en avril entre Alexandre Benalla et Alain Gibelin en vue d’organiser sa venue aux opérations du 1er-Mai. Alain Gibelin a par ailleurs déclaré mardi s’être trompé lors de son audition quant à la participation de l’ex-collaborateur à des réunions pendant sa suspension du 4 au 19 mai.

Alors que le ton monte à l’Assemblée nationale, quelques inquiétudes se font par ailleurs entendre quant à la présence, jeudi, du secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, devant la commission d’enquête sur cette affaire au Sénat. « Celui-ci n’a toujours pas répondu à notre invitation, ce qui n’est pas bon signe », s’inquiétait Patrick Kanner, le président du groupe PS au Sénat. En fin de journée, l’Elysée assurait toutefois que M. Kohler s’y rendrait bien.


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