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Bébés volés du franquisme : un ex-médecin reconnu coupable mais acquitté par la justice espagnole

Sous la dictature de Franco, le trafic visait à soustraire les bébés à des opposantes accusées de leur transmettre le « gène » du marxisme.

Coupable, mais acquitté. Le premier procès du scandale des « bébés volés » du franquisme, en Espagne, a abouti à l’acquittement d’un ex-gynécologue de 85 ans, en raison de la prescription des faits.

Considéré comme l’un des principaux acteurs du trafic d’enfants alors qu’il était obstétricien à la clinique San Ramon de Madrid, Eduardo Vela était accusé par Ines Madrigal, 49 ans, de l’avoir séparée de sa mère biologique et d’avoir falsifié son acte de naissance en juin 1969, pour la donner à Ines Perez, une femme stérile.

Le tribunal madrilène chargé de l’affaire a décidé de l’« absoudre » tout en le considérant « auteur de tous les délits » dont il était accusé. Il a notamment « certifié de sa main » un faux accouchement d’Ines Perez qui a ensuite déclaré Ines Madrigal comme sa fille biologique. Le parquet avait requis onze ans prison à son encontre.

Né pendant la répression qui a suivi la guerre civile (1936-1939) pour soustraire les enfants à des opposantes accusées de leur transmettre le « gène » du marxisme, le trafic a touché à partir des années 1950 des enfants nés hors mariage ou dans des familles pauvres ou très nombreuses.

Souvent avec la complicité de l’Eglise catholique, les enfants étaient retirés à leurs parents après l’accouchement, déclarés morts sans qu’on leur en fournisse la preuve, et adoptés par des couples stériles, de préférence proches du régime « national-catholique ». Le trafic a ensuite perduré sous la démocratie, au moins jusqu’en 1987, cette fois uniquement pour des raisons financières.

Dénoncé depuis longtemps par la presse et des associations de victimes, Eduardo Vela a été le premier à s’asseoir sur le banc des accusés pour ce trafic. Malgré l’ampleur du scandale, aucune des plus de 2 000 plaintes déposées selon les associations n’avait abouti jusqu’à présent, souvent en raison de la prescription des faits.

Lors du procès, la question de la prescription a été au centre de la décision des juges madrilènes, qui reconnaissent eux-mêmes qu’elle fait l’objet d’un « grand débat judiciaire ». Selon eux, Mme Madrigal ayant appris à sa majorité en 1987 qu’elle avait été adoptée, le délai de prescription de 10 ans du délit de « détention illégale », le plus grave dont était accusé Eduardo Vela, a commencé à courir à cette date. Et les faits étaient donc prescrits en 2012, lors du dépôt de sa plainte.

Guillermo Pena, l’avocat de la plaignante – qui dit n’avoir pris conscience qu’en 2010 qu’elle avait pu être victime d’un trafic – avance lui qu’il « existe une jurisprudence dans un sens comme dans l’autre » et qu’« on ne peut pas prescrire un délit quand la personne n’est pas consciente d’en avoir été victime ».


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