Drapeaux du Royaume-Uni et de l’Union européenne, au siège de la Commission européenne de Bruxelles, le 21 novembre. YVES HERMAN / REUTERS
Un nouveau pas vers la validation de l’accord qui doit sceller le divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE) a été franchi, jeudi 22 novembre, avec l’agrément donné par les deux parties à la déclaration sur leurs « relations futures », texte qui complète le projet de traité sur le divorce, déjà approuvé la semaine passée. Les deux documents devraient être formellement validés par les chefs d’Etat et de gouvernement européen, dimanche à Bruxelles lors d’un sommet européen extraordinaire, à condition que les derniers sujets de contentieux – Gibraltar et la pêche – soient dissipés d’ici là.
« C’est un bon accord pour le Royaume-Uni. Il met en œuvre le résultat du référendum », a déclaré Theresa May jeudi matin devant le 10, Downing Street. Devant la Chambre des communes où elle a pris la parole peu après, la première ministre s’est vu rétorquer par le leader travailliste Jeremy Corbyn que les 26 pages du texte sur les « relations futures » n’étaient que du « bla-bla » (waffle). La livre sterling a rebondi de 1 % face au dollar à l’annonce du nouvel accord.
Un partenariat « ambitieux, large et flexible »
Longue effectivement de 26 pages, la « déclaration politique définissant un cadre pour la relation future entre l’Union européenne et le Royaume-Uni » ne lie pas juridiquement les parties, contrairement au traité de divorce de 585 pages.
Mais il esquisse l’ordre du jour des négociations sur le commerce et les coopérations en matière de défense, de police et de justice qui doivent s’ouvrir après le Brexit formel, le 29 mars 2019. Ces discussions doivent théoriquement aboutir à la signature d’un traité commercial avant la fin de la période de transition (marquée par un statu quo dans les relations commerciales) fixée au 31 décembre 2020 mais qui pourra être prolongée de deux ans, jusqu’à l’approche des élections législatives au Royaume-Uni, en juin 2022.
Le texte se contente d’indiquer « les paramètres du partenariat ambitieux, large et flexible » auquel l’UE et Londres souhaitent parvenir et ne satisfait pas totalement la demande de la première ministre de relations commerciales « sans frictions ». En prévoyant de « bâtir et d’améliorer » les relations futures à partir du « territoire douanier unique » prévu à titre temporaire dans le traité de divorce jusqu’au règlement de la question irlandaise, il induit que cette solution transitoire – une union douanière – pourrait être pérennisée, au grand dam des partisans d’un Brexit dur qui dénoncent un maintien dans le giron de l’UE. De même, il douche le projet de Mme May de dissocier les biens et les services en prévoyant que le Royaume-Uni devra, en tant que pays tiers, « respecter l’intégrité du marché unique et de l’union douanière et l’indivisibilité des quatre libertés [biens, capitaux, services et main-d’œuvre] ».
En contrepartie, la relation future devra « garantir la souveraineté du Royaume-Uni et la protection de son marché intérieur tout en respectant le résultat du référendum de 2016 ». La mention explicite de la « politique commerciale indépendante » et de « la fin de la libre circulation des personnes entre l’UE et le Royaume-Uni » permet à Mme May d’affirmer que le résultat du vote en faveur du Brexit est respecté, en particulier la fin de la libre entrée des ressortissants européens. En particulier, la mention de « politique commerciale indépendante » peut signifier que l’accord commercial final sera très lâche, du type de celui conclu entre l’UE et le Canada, qui sert souvent de référence aux brexiters durs. Entre maintien d’un « territoire douanier unique » et accord de « style Canada », les perspectives sont larges et chacun pourrait trouver son compte dans ce fudge (faux-fuyant) qui remet à plus tard les choix essentiels.
Vote crucial au Parlement le 11 décembre
Ce n’est pas le seul passage qui pourrait aider la première ministre à faire approuver par le Parlement le texte de l’accord, un vote prévu le 11 décembre et qui s’annonce très aléatoire. L’accord sur la « relation future » insiste sur la « détermination » des parties à « remplacer » le « filet de sécurité » sur l’Irlande – autrement dit le maintien dans l’union douanière – qui est honni par les partisans d’un Brexit dur. De même, le texte suggère le recours à « tous les dispositifs de facilitation et les technologies » pour adoucir les contrôles douaniers. Pour apaiser ces hard brexiters, qui assurent que la question de la frontière irlandaise peut trouver une solution technologique, une référence particulière y est faite dans la partie du texte consacrée à l’Irlande. Les mêmes europhobes seront, en revanche, moins satisfaits par l’engagement pris par Londres de continuer à respecter la Convention européenne des droits de l’homme – dont certains conservateurs veulent se délier – et par le rôle réaffirmé de la Cour de justice de l’UE pour régler les différends portant sur les règles de l’Union.
Même si ce texte sur les « relations futures » fait encore grincer des dents ici ou là, un accord définitif semble désormais en vue. La France, les Pays-Bas, le Danemark, l’Espagne et le Portugal ont, cependant, émis des inquiétudes ces derniers jours concernant le dossier ultrasensible de la pêche. Ils veulent assurer au maximum un accès aux eaux britanniques pour leurs flottes dans le cadre de la « relation future ». Le texte se contente d’indiquer que Londres et les Vingt-Sept « feront leur maximum » pour trouver un accord sur l’accès aux zones de pêche et les quotas, d’ici au 1er juillet 2020.
Est -ce que cela sera suffisant ? Côté français, il n’était, en tout cas, pas question de faire dérailler un accord avant dimanche en raison de ces considérations. Paris suggère que dimanche, les dirigeants signent en plus du traité de retrait et de la déclaration politique, une déclaration « à Vingt-Sept » soulignant leurs « sujets d’attention prioritaires » dans les négociations futures.
Garde-fous antidumping et Gibraltar
Les Européens s’inquiétaient aussi d’un manque de garde-fous antidumping. Dans le cadre du « filet de sécurité » irlandais imaginé dans l’accord de retrait, le Royaume-Uni participerait à une union douanière permettant à ses produits de circuler assez librement dans l’Union, et ne serait tenu qu’à des « clauses de non-régression » de sa réglementation sur les sujets liés à l’environnement, à la fiscalité ou au droit du travail. Les Britanniques pourraient s’engouffrer dans cette brèche, craint-on à Bruxelles, pour durcir la concurrence avec le continent.
Reste la question de Gibraltar, très sensible à Madrid. Les Espagnols réclament de rouvrir à la marge les 585 pages du traité de divorce pour y faire figurer en toutes lettres un droit de veto sur la situation future de ce territoire, dénoncé comme une colonie britannique, après le Brexit. Mais les contenter risque de rouvrir la boîte de Pandore des demandes d’amendement du traité de divorce, ce dont personne n’a envie.
La déclaration politique ne mentionne pas une seule fois cette question de Gibraltar. Mais Pedro Sanchez, le premier ministre espagnol, ayant menacé par deux fois d’opposer son veto, dimanche, à l’accord sur le Brexit si ses préoccupations n’étaient pas prises en compte, les Européens et Londres vont devoir lui « donner quelque chose ». Etant entendu que personne n’imagine le processus du Brexit empêché dans la dernière ligne droite par une question de souveraineté sur un « rocher » de sept kilomètres carrés à l’extrême sud ibérique. Impatience ou exaspération ? Le président Macron et la chancelière Merkel ont, en tout cas, fait savoir mercredi qu’ils ne se déplaceraient à Bruxelles, dimanche, qu’afin de signer les textes du divorce. Pas question d’avoir encore à négocier quoi que ce soit.
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