Plus de 106 000 « gilets jaunes » ont manifesté dans toute la France, samedi 24 novembre. PASCAL LACHENAUD / AFP
Au lendemain de la nouvelle mobilisation des « gilets jaunes », qui étaient plus de 106 000 à manifester en France, Emmanuel Macron a appelé dimanche 25 novembre à « apporter une réponse économique, sociale, mais aussi culturelle et de sens » à « nos classes moyennes et à nos classes laborieuses ».
Sans cela, « il n’y a pas de projet de société et il n’y a pas de projet politique », a-t-il expliqué depuis Bruxelles, où se tenait dans la matinée un conseil européen. Interrogé sur des parallèles entre le vote des Britanniques pour le Brexit, qui a eu un fort écho auprès des classes populaires au Royaume-Uni, et les « gilets jaunes », qui se mobilisent depuis plusieurs semaines pour réclamer notamment la suppression de la hausse des taxes sur les carburants, le chef de l’Etat a estimé ne pas « penser qu’on puisse comparer la situation de tous nos pays ».
« Le Brexit a dit beaucoup des divisions, des positions très différentes entre la City et le reste du Royaume-Uni, entre les jeunes et les plus âgés. Ce que cela montre, c’est que dans toutes nos démocraties, il est clair que notre devoir est de réussir à redonner aux classes populaires et aux classes moyennes des perspectives, une capacité à construire le progrès. »
M. Macron a par ailleurs contesté l’opposition entre les villes et les campagnes, un clivage régulièrement mis en avant par les « gilets jaunes ».
« Si je prends l’exemple de notre pays, la situation est aussi très difficile dans certains quartiers des grandes villes. Il y a ceux qui réussissent dans cette mondialisation et ceux pour qui le progrès n’est plus accessible. »
Baisse de la mobilisation
Les affrontements ont été nombreux, 24 novembre, sur les Champs Elysées à Paris entre manifestants et forces de l’ordre. BERTRAND GUAY / AFP
Samedi, plus de 106 000 personnes sont mobilisées partout en France, dont 8 000 à Paris – selon le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner. Plus de 1 600 actions ont été menées par les « gilets jaunes », a fait savoir le ministre, pour protester notamment contre la hausse des prix des carburants. La journée a notamment été marquée par des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre sur les Champs-Elysées à Paris.
A titre de comparaison, ils étaient 282 000 manifestants dans toute la France, samedi 17 novembre, selon les chiffres officiels sur 2 034 sites à travers le pays. Les revendications de ce mouvement expriment toutefois plus globalement un ras-le-bol fiscal, un sentiment de perte de pouvoir d’achat et d’injustice sociale ou encore une méfiance à l’égard des responsables politiques.
Royal demande l’annulation de la hausse des taxes sur le carburant
Invitée de France 3 dimanche, l’ancienne ministre de l’environnement, Ségolène Royal, a appelé M. Macron à annuler la hausse des taxes sur le carburant. « Rien ne peut se faire, aucun dialogue ne peut se nouer, si les taxes mises à l’aveugle sur les carburants ne sont pas retirées, c’est ce que je demande solennellement aujourd’hui », a-t-elle déclaré.
Elle a appelé le président de la République à « faire preuve de bon sens et d’un peu d’humilité ». « Il y a une réforme injuste qui a été mise en place et qui a semé du désordre », a jugé M. Royal pour expliquer la mobilisation des « gilets jaunes ». « Parfois, il faut plus de courage pour retirer une mauvaise réforme, que pour se dissimuler derrière cette formule : “je tiens le cap” », a-t-elle ajouté estimant que pour sortir de cette crise, la France attend « de l’apaisement, de la compréhension et de la démocratie ».
De son côté, Marine Le Pen a appelé M. Macron à « répondre » concrètement aux attentes des « gilets jaunes ». « C’est le peuple, ce mouvement des « gilets jaunes », Est-ce que je le soutiens ? oui, évidemment, plus que jamais puisque le président Emmanuel Macron refuse de leur répondre », a lancé la présidente du Rassemblement national dimanche soir sur LCI.
« J’appelle le gouvernement à répondre et pas par un espèce de machin écologique ou avec des primes qui ne seront qu’une partie de ce qu’on demande aux Français de dépenser pour une transition qu’on leur impose de faire à une vitesse insoutenable », a ajouté la députée du Pas-de-Calais.
Notre sélection d’articles pour tout comprendre aux « gilets jaunes »
Les origines du mouvement :
Carburant, pouvoir d’achat : les raisons de la colère
La tentation de la récupération politique
Que va devenir le mouvement ?
- « Gilets jaunes » : « La mèche est allumée… On attend la relève », le récit de la première journée de mobilisation, samedi 17 novembre
- « Il faut vite raccrocher les “gilets jaunes” aux wagons, sinon ils ne voteront plus », l’interview avec Jean-Yves Camus, de l’Observatoire des radicalités politiques (ORAP)
- « Attention à ne pas les réduire à un mouvement extrémiste », l’interview avec Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités
- « Gilets jaunes », M5S italien : quelles différences, quelles ressemblances ?, l’analyse comparative avec la politique italienne
Nos chroniques et tribunes
- « Le pouvoir se comporte comme un parent désorienté devant la révolte d’un adolescent », par notre éditorialiste Gérard Courtois
- « Cette France qui manifeste n’est pas dépourvue d’opportunités », par Frédéric Gilli, économiste et géographe
- « La transition écologique va nécessiter un courage politique considérable », par Christian Gollier, économiste
- « Une France, menacée de déclassement, qui se perçoit comme invisible », par Philippe Genestier, urbaniste
- « Le mouvement rappelle les jacqueries des périodes révolutionnaires », par Pierre Merle, sociologue
- « Les “gilets jaunes” sont aussi le produit d’une succession d’échecs du mouvement social », par un collectif de membres d’Attac et de la fondation Copernic
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