Thierry Mariani quitte Les Républicains et rejoint le Rassemblement national pour les européennes

Thierry Mariani, devant le siège du parti Les Républicains, à Paris, en juillet 2017.

Thierry Mariani, devant le siège du parti Les Républicains, à Paris, en juillet 2017. BERTRAND GUAY / AFP

« Le Rassemblement national d’aujourd’hui, c’est le RPR d’hier. » Une telle annonce aurait fissuré le ciel politique français il y a encore si peu. Thierry Mariani, ancien ministre sarkozyste, et Jean-Paul Garraud, ancien député UMP de Gironde, rejoignent la liste de l’ex-Front national (FN) aux élections européennes. Durant les quatre mois et demi qui séparent le monde politique du scrutin de mai prochain, les deux figures de droite feront donc officiellement campagne aux côtés de Marine Le Pen. Soutiendront son projet. Sa ligne. Son nom.

Ils figureront même parmi les douze premiers candidats que le Rassemblement national (RN) présentera dimanche 13 janvier, lors d’un meeting organisé à Paris. Thierry Mariani y portera probablement le numéro 3 ; Jean-Paul Garraud y trouvera une place éligible, le parti d’extrême droite pouvant espérer une vingtaine d’élus européens en mai prochain. Si aucun ne va jusqu’à oser prendre sa carte au RN, tous deux prononceront un discours avant l’entrée en scène de Marine Le Pen, dimanche.

« Marine Le Pen représente la seule véritable alternative, » déclare même Thierry Mariani au Parisien mardi 8 janvier. Sans surprise ni coup de tonnerre, tant les signes de rapprochement se sont multipliés depuis des mois entre le parti d’extrême droite et son premier trophée.

« Ça me permet de continuer en politique »

Dès mars 2018, Thierry Mariani avait appelé dans Le Journal du dimanche à « un accord ou un rapprochement » entre Les Républicains (LR) et le Front national, qui ne tarda pas à changer de nom. En septembre, l’ancien ministre des transports racontait même au Monde avoir rencontré Marine Le Pen avant cette sortie qui avait fait grand bruit, puis une nouvelle fois au cours de l’été. « D’abord on a parlé de nos chats, et après une heure et demie de discussion, j’ai dit “why not”. » Un « pourquoi pas » dont les conditions finiront par être remplies les unes après les autres, jusqu’à son ralliement d’aujourd’hui.

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D’abord, « soyons honnête, ça me permet de continuer en politique », admettait-il, confiant son envie pressante de replonger dans le bain politicien. Jusqu’à motiver sa démission du comité d’éthique de l’antenne française de la chaîne d’information russe RT, en novembre, par sa décision « dans les mois à venir de renouer avec la vie politique ».

« Et puis je n’ai pas de jardin », souriait il y a quelques mois le tout juste sexagénaire de retour d’un énième voyage en Russie, et répétant que « plus rien » ne le retenait chez LR. Son président, Laurent Wauquiez – « ce type qui n’a pas de parole » –, lui avait refusé un poste. Alors le sniper Mariani dégainait sans mal : « LR n’a plus ni stratégie ni programme, à part celui d’être ensemble. Tout le monde cohabite, c’est la Samaritaine ! » Sans compter « la » nouvelle donne en Europe – « la vague nationaliste, souverainiste ou tout ce que vous voulez en “-iste » – et ce qu’il qualifiait d’évolution « rassurante » dans le discours de Marine Le Pen. Pas sur l’immigration ou l’identité, puisqu’il en partage les thèses depuis longtemps, mais sur la sortie de l’euro : « Si elle avait continué dans son délire philippotique anti-euro, là je ne pouvais pas. »

Démission des Républicains « par e-mail »

Restait la crainte du Rubicon et des fâcheries que son franchissement peut engendrer. « Il y a des décisions qui font remuer les familles », glissait-il avant les fêtes de fin d’année. La bûche à peine digérée, voilà donc Thierry Mariani annonçant au Parisien avoir envoyé sa démission « par e-mail » aux Républicains, mardi 8 janvier, avant de partager le lendemain une conférence de presse intitulée « L’heure du choix » avec son ami Jean-Paul Garraud.

Celui-ci voit leur nouvelle cause commune « dans le droit fil » de la Droite populaire, l’aile dure qu’ils ont fondée ensemble, en 2010, au sein même de l’UMP et que certains taxaient, à l’époque, d’ouvrir la voie à une alliance avec l’extrême droite. Jean-Paul Garraud, lui, ne voit pas pourquoi il devrait avoir l’impression de « trahir » qui que ce soit. D’ailleurs, ajoute-t-il promptement, « en coulisses, beaucoup, beaucoup sont d’accord avec moi ! ». Les « contradictions », il les pointe chez Laurent Wauquiez, encore lui, qui n’irait pas « au bout de son discours droitier ». « Sinon, il ferait comme moi ! »

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« Ce n’est ni Morano ni Hortefeux »

Jean-Paul Garraud assure avoir « mûrement réfléchi » ce ralliement qu’il préfère nommer « soutien ». Le magistrat sait qu’accoler son nom à celui de la présidente et fille du cofondateur du parti d’extrême droite l’« expose ». « Je comprends, bien sûr, ce que le nom Le Pen veut dire », assure le désormais candidat du RN à la députation européenne, en parlant de « sens de l’histoire ». Comme Steve Bannon, l’ancien conseiller du président américain Donald Trump, le faisait devant les militants frontistes, en mars dernier.

Les Républicains, eux, balaient évidemment l’événement d’un revers de main. Après tout, explique la secrétaire générale du parti, Annie Genevard, Thierry Mariani, « c’est la chronique d’un départ annoncé ». L’ancien ministre flirte, il est vrai, avec l’extrême droite depuis plusieurs années. Un « épisode isolé » à « relativiser », donc. D’autant que l’ex-sarkozyste n’était pas le seul tenant d’une ligne dure à droite, notamment sur la question migratoire. « S’il y a un reproche qu’on ne peut pas nous faire, c’est celui de l’ambiguïté sur l’immigration, nous avons toujours été très clairs et unanimes sur le sujet », assène ainsi la députée du Doubs.

Et l’état-major LR ne se prive pas de déprécier, au passage, l’influence de son ancien ténor. « Ce départ ne va faire que renforcer ceux qui restent et qui partagent ces idées, voilà tout, » affirme un cadre du parti, estimant que M. Mariani n’avait, par ailleurs, rien « du sarkozyste emblématique ». « Il faut raison garder, ce n’est ni Morano ni Hortefeux », ajoute un autre. Pour Brice Hortefeux d’ailleurs, connaissance de longue date de Thierry Mariani, ce dernier est surtout allé chercher « un siège éligible sur une liste de candidats aux européennes » : « C’est plutôt le RN qui lui rend service que l’inverse. »

« Qu’ils minimisent, c’est le jeu », sourit son collègue RN au Parlement européen, Nicolas Bay. « Mais cela veut dire quelque chose, pour eux comme pour nous. » Et le responsable d’extrême droite ne peut s’empêcher de jubiler. « On en avait déjà bien eu des ralliés, mais un ancien ministre, jamais ! »

Sarah Belouezzane et Lucie Soullier


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