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DIRECT. Valérie Bacot : femme battue qui a tué son mari, le procès commence aux Assises de Saône-et-Loire

Elle encourt la prison à perpétuité. Valérie Bacot est poursuivie pour assassinat après avoir tué Daniel Polette le 13 mars 2016. Celui qui fût son beau-père puis son mari l’a battue, violée et prostituée pendant 24 ans. Ce lundi 21 juin s’ouvre son procès qui se tiendra pendant 5 jours devant la cour d’assises de Saône-et-Loire à Chalon-sur-Saône.

Après une suspension d’une heure, l’audience a repris à 14h00 avec le témoignage de Bruno Rozec, directeur de l’enquête pour la section de recherche de Dijon. Installée de profil sur son siège, les mains jointes posées sur ses jambes et le regard dans le vide, Valérie Bacot écoute avec calme le récit du gendarme. 

Ce matin, la mise en cause a témoigné pendant 2 heures et demi sur son histoire et son quotidien de victime de violences conjugales.

Les motivations du meurtre

« Je voulais nous protéger de lui », répond Valérie Bacot à la juge sur les motivations de son geste. Ayant du mal à trouver ses mots, la mère de famille raconte que son seul but a été de protéger ses 4 enfants et qu’elle n’a jamais eu l’intention de protéger son mari.

La juge souhaite déterminer les conditions dans lesquelles s’est déroulée la mort de Daniel Polette. Le 13 mars 2016, l’homme organise une passe qu’il impose à Valérie Bacot avec un client violent. Prévenue par son époux, la mère de famille prend l’arme à feu que son mari conserve en cas de danger et la cache dans ses affaires. Plus hésitante que lors des questions sur son adolescence et son quotidien sous l’emprise de Daniel Polette, elle explique l’avoir prise par crainte du client et de son époux.

Valérie Bacot répond aux questions lors de son procès

Valérie Bacot répond aux questions lors de son procès

Valérie Bacot répond aux questions lors de son procès © Valentin Pasquet / France Télévisions

Face aux hésistations de leur cliente, les avocates de Valérie Bacot demandent à suspendre l’audience pendant 5 minutes. Refus de la juge. « On arrive sur les faits, j’aimerais qu’on termine ». Les questions continuent et s’attardent sur la passe violente à laquelle est soumise Valérie Bacot, victime d’un nouveau viol dirigé par Daniel Polette. « Dans la voiture, il m’a dit que j’allais le payer », confie-t-elle. 

Assise derrière Daniel Polette qui conduit la voiture, Valérie Bacot lui tire une balle dans le cou. « Je me souviens juste de cette odeur et de cette lumière. Je me souviens de ne pas vraiment avoir compris ». Mais les détails apportés par la jeune femme sont vagues. Face aux demandes d’éléments de la juge sur la manière de tirer sur ce qu’elle a fait de l’arme, sur les conditions de l’enterrement du cadavre, Valérie Bacot répond plusieurs fois ne plus se souvenir.

Une tentative d’empoissement sur Daniel Polette ?

Plus tôt pendant les débats, particulièrement émue, Valérie Bacot raconte ce qui l’a poussé à passer à l’acte.« Je n’en pouvais plus », glisse-t-elle. Face à la juge, elle raconte que Daniel Polette a le soir du 12 mars 2016 demandé à sa fille comment elle était sexuellement. « J’ai eu peur qu’il la prostitue », les bras agripés à la barre. Entre deux larmes, la mère de famille explique vouloir protéger ses enfants, mais ne affirme ne pas penser à tuer son mari. 

Le 13 mars 2016, le beau-fils de Valérie Bacot tente de faire ingérer des somnifères à Daniel Polette. La femme de 40 ans raconte ne pas se souvenir qui a écrasé les médicaments. La juge lui rappelle que devant les forces de l’ordre elle a avoué avoir réalisé le geste avec deux boîtes de somnifères. Mise en difficulté par les multiples relances de madame le juge, elle affirme ne plus se souvenir. 

« J’ai toujours été inquiète pour ma fille ». Si Valérie Bacot a toujours souhaité avoir des enfants, elle explique avoir vécu dans la peur que son mari s’attaque à eux. En grandissant, les enfants du couple entretiennent des relations amoureuses. Daniel Polette vit mal l’arrivée d’un jeune adolescent dans la vie de sa fille. « Il s’en prenait à moi quand il venait. Il disait que c’était ma faute », confie la mère de famille.

La question de la protistution

Plus tôt, les questions se sont s’attardées sur la prostitution de Valérie Bacot décidée par son époux. Daniel Polette impose des passes forcées à la mère de famille à partir de 2004, organisées d’abord au domicile familial puis sur des aires d’autoroute. « Il était de plus en plus violent que je disais non. Alors j’ai fini par capituler ». L’homme observe les passes et dirige son épouse avec une oreillette. 

Daniel Polette laisse une arme à feu dans la voiture où sont organisées les passes pour intervenir en cas de danger. Valérie Bacot reçoit en effet parfois des clients particulièrement violents. Un élément essentiel car c’est avec cette arme que la mère de famille a tué son mari.

La juge lui demande plusieurs fois si Valérie Bacot a pu amener et maîtriser elle-même le revolver lors des passes. Si elle explique croire que non dans un premier temps, elle concède l’avoir prise « peut-être une ou deux fois pour me rassurer » après que les insistements de la madame le juge.

Un quotidien marqué par la violence

Valérie Bacot donne naissance à 4 enfants, mais vit en vase clos, ayant l’interdiction d’avoir une vie sociale et de travailler. « Je lui avais proposé de garder des enfants à la maison et il n’a pas voulu car il y aurait des assistances sociales à l’intérieur de la maison ».

La mairie de Beaudemont lui propose également un contrat de poste d’agent d’entretien. Après un jour de travail, Valérie Bacot doit lâcher son emploi. « Ma fille m’a prise dans ses bras et m’a dit « je t’en supplie n’y retourne pas sinon il va nous faire du mal. Et je n’y suis pas retourné. […] C’est comme ça avec lui. Il vous dit ‘oui’ et après il se venge contre vous en disant ‘non’. On ne comprend pas ce qu’il veut ».

Au quotidien, son mari la viole et la frappe. « Je fais pas les choses comme il faut. Il me le faisait comprendre en me criant dessus, en m’insultant. Au début, ce n’était que des cris. Puis il prenait son poing et me taper derrière la tête », détaille Valérie Bacot. La violente augmente progressivement jusqu’à ce que Daniel Polette menace régulièrement son épouse avec une de ses armes à feu. « Il me disait ‘t’as de la chance cette fois-ci il n’y a rien dedans. Mais la prochaine fois je ne te manquerai pas ! ».

Valérie Bacot, émue et impressionnée

Valérie Bacot répond aux questions posées par la juge sur les faits et son histoire personnelle depuis 10h30. Vêtue d’un tailleur noir et d’un jean, Valérie Bacot, toujours marquée par son parcours, répond en larmes et la voix éraillée par l’émotion. « J’ai besoin de faire ce procès pour savoir ma peine. C’est encore mon combat contre lui. Je n’ai pas tourné la page. Je vis encore sous son emprise », explique celle qui a été soumise à la violence de sa mère puis de son beau-père dès son enfance.

Installée sagement derrière la barre, les mains liées, tout dans le langage corporel de la mère de famille témoigne de sa discrétion et de sa timidité. Pendant 24 ans, Valérie Bacot a vécu sous l’emprise de Daniel Polette, qui est d’abord son beau-père. Violée dès ses 12 ans, l’adolescente n’est pas soutenue par sa mère.

J’ai compris que s’il fallait que ça passe très vite, je devais le laisser faire

Valérie Bacot durant son procès

En 1996, cet homme violent écope de 4 ans de prison pour viol sur mineure de moins de 15 ans. « C’est un passage de ma vie où personne ne m’a expliqué ce qu’il m’a fait », confie-t-elle. Sa mère lui impose d’aller voir Daniel Polette en prison un week-end sur deux. La jeune fille accepte pour faire plaisir à Joëlle Bacot qui s’enfonce dans l’alcool et la dépression. « Je préférais qu’elle soit bien et qu’elle ne m’en veuille pas ».

Après 2 ans et demi d’incarcération, l’homme retrouve le domicile familial. « J’étais contente qu’il revienne parce que ma mère allait bien. Et il m’avait dit qu’il ne me ferait plus rien », raconte Valérie Bacot à la barre. Mais Daniel Polette commet de nouvelles agressions sexuelles sur sa belle-fille. « Il avait encore plus de force », décrit-elle avec douleur, dans un souffle.

La mère de Valérie Bacot finit par l’expulser de la maison de La Clayette lorsqu’elle tombe enceinte, à 17 ans, de son bourreau. L’adolescente et Daniel Polette s’installent ensemble à Beaudemont (Saône-et-Loire). 

Une épreuve pour Valérie Bacot

La jeune femme âgée de 40 ans, visiblement bouleversée et impressionnée par l’ouverture de son procès n’a pas voulu s’exprimer devant la presse au moment de son arrivée au tribunal sous les coups de 8h30. « Ça va être très difficile pour elle. On l’a prévenue. On lui a parlé à l’hôtel. Il faut que cela se fasse. Il faut qu’elle arrive à livrer sa souffrance », a avancé l’une de ses deux avocates, Nathalie Tomasini avant l’ouverture du procès ce lundi.

Elle regrette son geste. Elle le dit elle-même. Elle a tué un homme. Elle sait que la société peut demander sa condamnation. Maintenant, elle va s’expliquer.

Nathalie Tomasini, avocate de Valérie Bacot

Valérie Bacot est devenue un symbole des violences conjugales, comme l’a été Jacqueline Sauvage lors de ses procès en 2014 puis 2015. Un comité de soutien s’est notamment constitué et a lancé une pétition sur internet pour réclamer sa libération au terme de cette semaine de débats. 550 000 personnes ont pour l’heure signé la pétition.

La préméditation retenue par l’enquête

Sur le plan judiciaire, Valérie Bacot risque la prison à perpétuité. La mère de 4 ans enfants est mise en cause pour assassinat. L’affaire pose la question de la préméditation. Le juge d’instruction estime en effet que Valérie Bacot a préparé son passage à l’acte.

Prostituée par son conjoint, Valérie Bacot le tue à la suite d’une passe particulièrement violente durant laquelle la mère de famille se fait violer. Alors que Daniel Polette l’insulte dans la voiture familiale et lui reproche son attitude, la jeune femme âgée de 36 ans à l’époque se saisit du revolver que l’homme garde en cas de danger et lui tire une balle.

Le matin même, elle avait tenté de lui faire ingérer des somnifères en les mélangeant à son café. Ces éléments constituent des preuves de l’intention de Valérie Bacot de tuer son époux selon le juge en charge de l’enquête. 

La justice estime qu’elle a préparé son acte. On va essayer de démonter cette notion d’intentionnalité

Janine Bonaggiunta, avocate de Valérie Bacot

Accompagnée par maîtres Nathalie Tomasini et Janine Bonaggiunta, anciennes avocates de Jacqueline Sauvage, Valérie Bacot aborde ce procès avec résignation. « Elle s’attend au pire. Elle est encore dans la pensée de dire ‘je le mérite, j’ai tué un homme' », confie Me. Bonaggiunta. Par ailleurs, le fait d’avoir tué son conjoint est considéré comme une circonstance aggravante

Interpellée en 2017 puis libérée sous contrôle judiciaire

Pour rappel, Valérie Bacot tue son mari le 13 mars 2016 d’une balle de revolver tirée dans la nuque avant de cacher son corps, avec l’aide de ses deux fils aînés et du petit ami de sa fille. Alertés par la mère de ce dernier, les gendarmes retrouvent la dépouille de Daniel Polette à La Clayette (Saône-et-Loire) en octobre 2017. Interpellée, la jeune femme avoue son crime.

Après avoir passé un an en prison, Valérie Bacot est libérée sous contrôle judiciaire en octobre 2018. Pour son geste, ses avocates espèrent obtenir une condamnation réduite à 10 ans d’emprisonnement.

Valérie Bacot comparait seule. Ses deux fils et le petit ami de sa fille, déja jugés en décembre 2019, ont été condamnés à 6 mois de prison avec sursis pour « recel de cadavre ».


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