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REPORTAGE. Tour de France 2021 : immersion dans la dernière Course by le Tour avant le retour du Tour de France femmes

Le calme semble régner à Brest, samedi 26 juin, au matin. Mais à quelques instants du départ de la Course by le Tour, Cédric Barre, directeur sportif de la FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope, ne cache pas son excitation. « Sponsor ou pas, on fait toujours en sorte de jouer les premiers rôles sur une course. Mais aujourd’hui, c’est forcément particulier, d’autant plus qu’on a la toute nouvelle championne de France dans nos rangs [Evita Muzic] « , explique-t-il. 

Pour la FDJ, encore plus que pour les autres, la course féminine organisée en marge du Tour est un des grands rendez-vous de l’année. Le sponsor principal de l’équipe est un des principaux acteurs du développement du cyclisme féminin et un partenaire majeur du Tour de France féminin qui fera enfin son retour en 2022.

Mais d’ici là, c’est en Bretagne que ça se passe cette année, avec une étape de 107 km en lever de rideau du Tour masculin, entre Brest et Landernau. « On a reconnu le circuit final et la côte de la Fosse-aux-Loups en vidéo, parce qu’on était logé trop loin », concède Cédric Barre. Avancée d’une journée à cause des élections régionales, dimanche 27 juin, la Course By Le Tour était en effet prévue plus loin dans les terres, avec une arrivée à Mûr-de-Bretagne dans les Côtes-d’Armor. « On avait 1h de route ce matin, pour un départ fictif donné à 8h20, ça fait tôt », sourit le manager général de la FDJ, Stephen Delcourt, à l’arrivée sur la rade.

On a dû réveiller les filles à 4h45, on avait tout préparé dès vendredi soir pour se coucher plus tôt après un dîner avancé à 18h30

Cédric Barre

à franceinfo

« Ca va, le départ fictif fait 11km, les filles vont avoir le temps de se réveiller », se rassure de son côté le directeur sportif. En attendant, dès 7h, la rade de Brest et son port ouvrent tout doucement les yeux et le podium du village départ prend vie, peu à peu. A quelques mètres de là, le défilé commence : celui des véhicules des équipes d’abord mais aussi des bus « motorhome », véritable vestiaire sur roue. « En 3 ans, le parc automobile a doublé. On a enfin le même équipement que les garçons », apprécie Stephen Delcourt, en désignant le bus flambant neuf de la FDJ, dont c’est la deuxième sortie.

Le désert de Brest au petit matin, avant le départ de la Course by le Tour, le 26 juin 2021. (AH)

Le désert de Brest au petit matin, avant le départ de la Course by le Tour, le 26 juin 2021. (AH)

Au milieu de ces beaux camions, les coureuses se frayent un chemin pour aller se dérouiller les jambes sur le port avant leur présentation officielle. Mais pas celles de la FDJ. « On a sorti les home-trainer si elles veulent pédaler un peu, mais ça m’étonnerait », prophétise Cédric Barre. Bien vu. Ce qui laisse tout le temps d’admirer les montures de l’équipe, en tout point identiques à celles de leurs homologues masculins. « On a reçu tout notre matériel, c’est une vraie chance avec le Covid, les garçons n’ont reçu que 60% », précise le manager.

Peu avant 8h, les six coureuses de la FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope sortent enfin de leur bus, la championne de France, Evita Muzic, en tête. Direction le podium pour la présentation officielle sous une belle ovation. Dans leur roue, la championne du monde Anna van der Breggen et son armada SD Worx attendent, pour une fois. Dixième équipe au classement World Tour, la FDJ est ambitieuse. 

« On va jouer avec nos armes, on animera la course avant la montée finale, parce que sinon, on sait que les favorites partiront dans la dernière ascension », promet Cédric Barre. La promesse sera tenue. Mais avant cela, il est temps de vite embarquer dans les voitures : les deux directeurs sportifs sont les seuls à suivre la course ensemble, pour les autres, c’est direction le circuit final et la ligne d’arrivée.

Tandis que le départ fictif est donné dans une rue parallèle, sur le port tous les véhicules techniques mettent les voiles direction Landernau. « Il faut qu’on arrive avant les coureuses au premier point de ravitaillement », explique Florian Delage, assistant de l’équipe FDJ. La bonne nouvelle, c’est que les trois points de ravitaillements sont situés au même endroit, juste après la ligne d’arrivée, puisque les coureuses empruntent quatre fois la boucle finale.

Mais un mauvais aiguillage policier provoque une belle pagaille dans les rues de Brest, où une partie de l’interminable cortège tourne en rond avant de retrouver l’itinéraire hors course prévu. « Pour un dernier jour, ça commence fort », rit jaune Florian, dont c’est effectivement la dernière course après dix ans au sein de la FDJ. « Je suis devenu papa, il est temps de raccrocher », sourit le trentenaire.

Assistant pour l'équipe FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope, Florian Delage tend un bidon devant Brodie Chapman, le 26 juin 2021 à Landernau.  (AH)

Assistant pour l'équipe FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope, Florian Delage tend un bidon devant Brodie Chapman, le 26 juin 2021 à Landernau.  (AH)

Surnommé McFly, Florian s’apprête à ouvrir son salon de massage pour sportifs. Une reconversion pas si étonnante lorsqu’on l’écoute évoquer son rôle d’assistant au sein de la FDJ : « Les gens nous voient tendre les bidons aux coureuses, mais ce n’est qu’une petite partie de notre travail. Le plus gros, c’est toute la préparation en amont où l’on doit penser à tout, tout préparer. On est les petites mains de l’équipe, y compris pour masser ». Et pour passer les bidons donc, ce qui implique d’être au bon endroit, au bon moment : « Être à l’heure au ravitaillement, c’est plus facile grâce aux technologies modernes, mais ce n’est pas toujours évident selon les étapes ».

Bientôt débarrassé de tout ce stress, Florian savoure une dernière fois l’adrénaline enivrante d’une course cycliste : « C’est un sentiment bizarre, pour l’instant je suis dedans, donc je ne réalise pas. Mais terminer sur le Tour, en France, une semaine après notre victoire aux championnats de France, c’est une belle façon de partir », apprécie-t-il avec une pointe d’émotion dans la voix. Mais pas le temps de s’apitoyer, les aléas de la course reprennent vite le dessus. Le parking prévu pour les véhicules est une des deux voies empruntées par la course féminine. « Mais, c’est hyper dangereux ! On ne peut pas se garer là », s’étonne-t-il avec ses collègues.

Les gendarmes multiplient les allers-retours pour que tout le monde se serre le plus à gauche possible. La course passera bien par là, et il s’agit même de la zone de ravitaillement. « Niveau sécurité, c’est assez tendu », peste Florian en chargeant ses bidons dans la glacière. Ceux marqués d’une croix sont remplis de poudre énergisante, les autres d’eau. « Je vais les tendre, mais sur une étape aussi courte, les coureuses ne devraient pas en prendre ». D’autant qu’elles ont fait le plein de barres énergétiques au départ. Finalement, les trois passages se feront sans encombre dans cette zone de ravitaillement située juste après le sommet de la bosse.

Entre deux passages des coureuses, les ravitailleurs ... se ravitaillent.  (AH)

Entre deux passages des coureuses, les ravitailleurs ... se ravitaillent.  (AH)

A chaque reprise, Florian s’agite, lève le bras, comme tous les assistants alignés. Comme prévu, peu de bidons sont saisis, seuls les groupes de retardatrices en prennent lors des passages éclairs du peloton. « C’est beau hein, c’est impressionnant non ? », lance Florian entre deux tours. Effectivement, avec deux assistants pour chaque équipe de six coureuses, ça l’est. « On est des pros, on gère ». Derrière les barrières, quelques adolescents se jettent sur les rares bidons jetés, tandis que tout le monde retourne sur son écran pour voir où en est la course.

Puis vient le dernier Tour, et la victoire de la Néerlandaise Demi Vollering (Team SD Worx), devant Cecilie Ludwig (FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope), qui obtient une seconde place historique pour l’équipe française. De quoi réjouir Stéphane Pallez, présidente directrice générale de la FDJ, présente sur la ligne : « On préférerait gagner et on gagnera un jour, mais on est très content de faire deuxième après avoir animé la course avec une équipe combative, à l’attaque”. Au-delà du résultat du jour, ce qui lui donne le sourire, c’est qu’il s’agit de la dernière Course By Le Tour.

“Pour nous c’était un acte militant de sponsoriser cette course, mais c’est un immense plaisir d’avoir enfin un Tour de France féminin dès l’année prochaine et d’en être partenaire majeur.”

Stéphane Parrez

à franceinfo

La présidente poursuit : “Une épreuve d’un jour, c’est une belle course mais ce n’est pas pareil qu’une course à étapes avec un vrai suspense. On va avoir enfin une vraie course à étapes avec tout ce qu’il faut, les filles le méritent bien. On a des grandes championnes qui ont la gnac, il faut leur donner l’occasion de le montrer”. Après des années d’attentes, ce Tour aura enfin lieu en 2022 avec huit étapes dans la foulée du Tour masculin.

La championne de France, Evita Muzic, à l'arrivée de la Course by le Tour, le samedi 26 juin 2021.  (AH)

La championne de France, Evita Muzic, à l'arrivée de la Course by le Tour, le samedi 26 juin 2021.  (AH)

D’ici là, la saison se poursuit pour l’équipe FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope, en partance pour le Giro féminin, dès lundi. « On a toutes vraiment hâte d’être l’année prochaine », savoure la championne de France Evita Muzic après avoir passé la ligne, « Surtout après une belle course comme ça, quand on se dit qu’on aura huit étapes l’année prochaine. Ca sera enfin notre Tour ! ». Le protocole démarre, la FDJ applaudit chaudement sa star du jour, Cecilie Ludwig, deuxième de l’étape. Avant de reprendre la route, la championne de France conclut : « C’était une belle journée, on a bien couru, on a fait honneur au maillot. Et on fera encore mieux l’année prochaine« .


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