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Vaccination contre le Covid-19 : la France est-elle le seul pays à craindre un « plafond de verre » ?

C’est une perte de vitesse qui pourrait avoir de sérieuses conséquences. Partis parfois sur les chapeaux de roues, des pays qui ont le plus vacciné leur population contre le Covid-19 s’alarment du ralentissement de leur campagne, alors même que le nombre de doses disponibles est largement suffisant. 

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Le risque de se heurter à un « plafond de verre » inquiète en France, où la campagne de vaccination stagne depuis que la barre des 30 millions de primo-vaccinés a été franchie mi-juin. En déplacement dans les Landes jeudi, le Premier ministre, Jean Castex, a alerté sur le ralentissement de la campagne dans l’Hexagone. « Depuis deux ou trois jours, on vaccine 200 000 à 300 000 premières doses par jour, c’est trop peu« , a-t-il déclaré.

Le nombre de nouvelles injections se tasse chez les plus de 65 ans, alors que près de 20% des Français déclaraient en mai dernier ne pas vouloir se faire vacciner, selon un sondage Opinionway pour le Cevipof« Ayez peur du virus, n’ayez surtout pas peur du vaccin », a répété Jean Castex, en réaction à ces signaux alarmants.

Mais qu’en est-il à l’étranger, dans des pays où la vaccination est bien avancée ? Certains Etats n’ont pour l’instant pas connu une telle évolution. C’est notamment le cas de la Belgique et de l’Allemagne, où, après un démarrage timide, plus de 50% de la population avait reçu une injection au 18 juin, selon le site de données Our World in Data (contenu en anglais). Leurs courbes de vaccinations épousent pour l’instant, une trajectoire rectiligne, à la hausse.

En revanche, le tassement observé en France se vérifie aussi en Israël, pays où le taux de primo-vaccinés a dépassé les 50% en deux mois, en février. Depuis, ce taux n’a augmenté « que » de 14% (au 25 juin), d’après les chiffres du site Our World in Data. En Hongrie, le dépassement du seuil des 50% de primo-vaccinés le 19 mai a aussi donné lieu à un ralentissement (+6% au 21 juin).

Aux Etats-Unis, l’écart entre les objectifs officiels et le taux de vaccination se creuse chaque jour un peu plus. Le président Joe Biden souhaitait que 70% des Américains aient reçu une première dose avant le 4 juillet, jour de fête nationale : il a dû revoir sa copie. En perte de vitesse depuis le mois de mai, la campagne vaccinale n’a pour l’instant permis d’injecter une première dose qu’à 53,37% de la population. Pour corriger le tir, la Maison Blanche a annoncé qu’elle irait convaincre les Américains « sur le terrain », comme le rapporte le New York Times (article pour les abonnés en anglais).

Les chiffres disponibles sur les populations primo-vaccinées par pays au 25 juin 2021. (FRANCEINFO)

Les chiffres disponibles sur les populations primo-vaccinées par pays au 25 juin 2021. (FRANCEINFO)

Dans ce contexte, certains pays ont dû rétablir des restrictions sanitaires abandonnées il y a quelques semaines à peine. Comme en Israël, où le port du masque est redevenu obligatoire dans les lieux publics fermés et les entreprises, après une hausse du nombre de cas. Au Chili, premier pays vacciné d’Amérique latine avec 64% de la population primo-vaccinée (et 52% totalement vaccinée), c’est un reconfinement de la capitale, Santiago, qui a été ordonné mi-juin pour enrayer la résurgence du virus. 

« Ce qu’il se passe dans ces pays présentés comme des champions nous permet d’aborder deux facteurs essentiels, analyse pour franceinfo Vincent Maréchal, professeur de virologie à Sorbonne Université. Le vaccin est-il accessible, et surtout, est-il suffisamment accepté ? » Selon lui, il faut dès à présent mener de grandes enquêtes sur l’intention vaccinale des populations. « C’est en vous posant les questions du refus que vous verrez la taille du plafond« , avance-t-il. 

Dans le monde, la défiance envers les vaccins suit des logiques similaires à ce qui est observé en France. « Il peut y avoir des raisons ancrées dans l’histoire vaccinale du pays, note Vincent Maréchal. On retrouvera toujours les sceptiques d’un côté, que l’on peut convaincre, et les réfractaires de l’autre, qui sont très difficiles, voire impossibles à faire changer d’avis. »

Une réticence qui s’explique souvent par « une mauvaise évaluation » du rapport bénéfice-risque, selon Vincent Maréchal : « On a peut-être donné trop d’informations sur les effets secondaires. Jamais je n’avais vu une telle pharmacovigilance en Europe », confie le virologue.

Dans ces conditions, l’objectif d’atteindre 80% à 90% de personnes totalement vaccinées – un taux qui serait suffisant pour endiguer la pandémie, notamment face aux variants – paraît difficilement atteignable pour la plupart des virologues. « Que ce soit en France ou dans d’autres nations industrielles, on n’y sera clairement pas à la rentrée », estime Vincent Maréchal. Des réserves partagées par son confrère, Jean-François Saluzzo, virologue, expert auprès de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : « Nous manquons de certitudes sur le seuil même à atteindre, et si cela permettra de résister au risque de retour, à cause des variants, ajoute-t-il.

Dans les pays confrontés à un ralentissement de la campagne vaccinale, l’enjeu est donc double : vacciner les derniers volontaires et convaincre les plus sceptiques. « Il ne faut pas oublier la fracture sociale et numérique », rappelle Jean-François Saluzzo, qui explique « en partie » pourquoi beaucoup de personnes âgées ou de familles en milieu rural n’ont pas encore reçu d’injection. « Avant de se tourner vers les réfractaires, il faudrait déjà que l’on vaccine tous les gens qui le veulent », abonde Vincent Maréchal.

La suite, « c’est une question de communication » assurent les virologues. « La vaccination, c’est un peu comme une marée. Quand la mer se retire, on voit apparaître des rochers, les récalcitrants au vaccin, schématise Vincent Maréchal. La question est de savoir si ces rochers sont friables ou s’ils forment un bloc, et s’ils seront encore là à la fin de l’année. » 

Pour épauler les gouvernements, l’OMS a publié un guide (contenu en anglais) dans lequel sont listés les principaux obstacles à la vaccination : coût, temps nécessaire, manque d’intérêt… Autant de leviers sur lesquels les autorités sanitaires doivent jouer selon l’organisation, à moins que l’option de la vaccination obligatoire ne soit finalement retenue.


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