A la Une

REPORTAGE. Tour de France 2021 : sous le capot des 2CV Cochonou, stars de la caravane

C’est une longévité à faire pâlir Alejandro Valverde. Du haut de ses 41 ans, le coureur espagnol de la Movistar participe cette année à sa quatorzième Grande Boucle depuis 2005. Un petit joueur comparé aux stars de la caravane qui, chaque jour, font se lever les foules à chaque kilomètre, peu importe le spectacle. Elles, ce sont les 2CV de la caravane Cochonou. Depuis 1999, elles parcourent chaque été 5 500 kilomètres en moyenne pour distribuer les mythiques goodies de la marque de saucisson. Et aussi imposants soient les autres chars, aucun ne leur fait vraiment d’ombre.

Pour comprendre le phénomène, il faut soulever le capot. Cela tombe bien, c’est le métier de Jérôme Lescoulier qui, à 49 ans, est le mécanicien en chef de cette caravane à carreaux : « J’ai commencé en 2011 en tant que deuxième mécano, je suis chef depuis 2012. Je gère les véhicules toute l’année dans mon garage Vintage Car Club, dans les Landes. On les bichonne, on les entretient, on les fait rouler. Normalement, elles font d’autres sorties que le Tour mais pas cette année, je ne vous fais pas un dessin… ». Mais Jérôme a beau cumuler onze Tours de France au chevet des « deudeuches », ses deux mains ne suffisent pas.

Les 2CV lors du passage sur le Mont Ventoux, le 7 juillet 2021. (AH)

Les 2CV lors du passage sur le Mont Ventoux, le 7 juillet 2021. (AH)

À ses côtés, Romain Mangeas pose chaque année un mois de congés pour lui prêter main forte. « On est deux pour sept véhicules, ce n’est pas trop », sourit Romain, mécanicien agricole itinérant le reste de l’année : « J’ai l’habitude de travailler sur le bord des routes, donc le Tour ne change pas trop mon quotidien à part qu’il y a plus de monde, plus de bruit et plus d’ambiance. » Les deux hommes ont un point commun : ils roulent en 2CV tout au long de l’année. Romain a la sienne depuis ses 17 ans, quant à Jérôme, c’est le double.

« Ça fait plus de 30 ans que je roule en 2CV. Je n’ai pas assez de doigts pour vous dire combien j’en ai (rires). C’est par ce biais là que je suis arrivé chez Cochonou. »

Jérôme Lescoulier

à franceinfo

Si les deux hommes carburent au Tour de France depuis l’enfance, c’est bien l’amour de la « deudeuche » qui les a conduits sur le Tour. Et comme un bon saucisson, une fois qu’ils y ont goûté, ils n’ont pu s’empêcher d’y croquer à nouveau. « Tous les ans, on retrouve une ambiance unique, les caravaniers sont devenus de vrais amis qu’on retrouve en dehors du Tour aussi. Et puis, on a le privilège de rouler sur des routes privatisées pendant trois semaines, et de passer par des lieux magnifiques », explique Jérôme. Tout cela au volant de leurs 2CV respectives, puisque chaque chauffeur à la sienne.

Chaque 2CV est marquée du sceau de son chauffeur. (AH)

Chaque 2CV est marquée du sceau de son chauffeur. (AH)

« Avec Romain on ferme le convoi, chacun d’un côté, on a un œil sur tout le monde. On est un peu les papas poules, on surveille tout ce qu’il se passe », explique Jérôme, avant de préciser : « On a les mêmes stocks de bobs, de saucissons que les autres mais en plus on a les pièces détachées et les outils pour réparer au bord de la route ». Ce qui ralentit considérablement les deux chauffeurs dès que la pente s’élève. « En montagne, l’altitude casse les pattes des quelques chevaux du moteur. Si on est arrêté, on a besoin du petit coup de pouce du public pour relancer la mécanique. Sinon la ‘Deuch’ passe partout », assure Jérôme.

Il faut dire que le Landais fait tout pour. Chaque année, dans son garage « qui tourne à 98% sur des 2CV », il démonte un à un les moteurs pour tout vérifier avant le contrôle technique annuel, et s’évertue à faire rouler le plus possible ses dulcinées. « Comme tout véhicule de collection, elle s’abîme quand elle ne roule pas. Il faut les bichonner. Avant d’être une 2CV Cochonou, elles ont été une 2CV de monsieur tout-le-monde. On ne connait pas leur passé. Elles ne sont pas arrivées neuves », explique-til. La plus ancienne date de 1971, la plus récente de 1984. Un coup de peinture aux couleurs du saucisson et quelques éléments de décor plus tard, et leurs anciennes vies sont effacées.

Jérôme Lescoulier prépare sa 2CV avant le départ à Cluses, le 4 juillet 2021. (AH)

Jérôme Lescoulier prépare sa 2CV avant le départ à Cluses, le 4 juillet 2021. (AH)

Mais ce qui intéresse Jérôme et Romain, c’est ce qui se cache sous le capot. « On a toujours un œil de mécanicien qui traîne. Dès qu’un truc nous chagrine, un pneu dégonflé, une ampoule grillée, une tâche au sol qui nous paraît bizarre, on va tout de suite vérifier, que ce soit avant le départ, pendant l’étape ou à l’arrivée après un débrief avec les autres chauffeurs », détaille Jérôme, qui ajoute : « On a des véhicules anciens sans toute l’assistance des véhicules modernes, sans climatisation non plus », sourit le mécanicien en chef. Seul luxe : un autoradio, « Mais on ne l’allume jamais, parce que le bruit du moteur le couvre ».

A l'intérieur des 2CV, le confort est d'époque.  (AH)

A l'intérieur des 2CV, le confort est d'époque.  (AH)

Ajoutez à cela un public pas toujours prudent, qu’il faut surveiller : « On anticipe les réactions des gens au bord de la route, il y a toujours des signes chez ceux qui vont faire une bêtise », affirme Romain. Pour les 2CV comme pour leurs pilotes, le Tour est donc tout sauf une promenade de santé, d’autant qu’il faut aussi rejoindre les hôtels par la route. « Physiquement, c’est intense. Mais on dort dans des bons hôtels et on mange bien, donc ça le fait. Des fois on trouve que c’est long, mais pour les coureurs ça doit l’être encore plus », relativise Romain.

Quoi qu’il en soit, depuis le départ de Brest, les deux hommes n’ont pas vu le temps passer au volant des stars de la caravane : « On a eu pas mal de pluie, mais aussi de belles éclaircies. On se régale niveau paysage et le public est nombreux, ça fait du bien », apprécie Romain. La traversée des Alpes s’est aussi faite sans embûches, avec zéro arrêt en côte pour les 2CV. Le seul véhicule Cochonou bloqué dans un col, c’était un semi-remorque entre Cluses et le Grand Bornand. Ce qui fait sourire Romain : « Mais ça, ce n’est pas de notre ressort ».


Continuer à lire sur le site France Info