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Vice-champion olympique à Atlanta en 1996, Ghani Yalouz achèvera en septembre prochain son mandat à la tête de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance, plus communément appelé Insep, où 90 athlètes présents dans cette prestigieuse maison seront à Tokyo pour faire briller le couleurs de la France. Portrait.
La cinquantaine joviale, Ghani Yalouz n’en reste pas moins un homme de défis. S’il est loin le temps où il secouait ses adversaires sur un tapis, l’ancien champion du monde de lutte gréco-romaine, vice-champion olympique à Atlanta en 1996 dans la discipline historique des Jeux, continue de côtoyer les champions et de se battre pour imposer ses idées et les mettre en place.
Le natif de Casablanca achèvera son mandat de directeur général de l’Insep en septembre prochain. « C’est magique de gérer un établissement comme celui-là. C’est l’aboutissement de mes engagements. En faisant plusieurs fois le tour du monde comme athlète, j’ai compris pourquoi le général de Gaulle voulait créer un lieu dédié au sport professionnel après les Jeux de Rome, où la France n’avait remporté aucun titre olympique », explique-t-il.
Pensionnaire des lieux à l’adolescence
L’Insep, qui accueille 800 sportifs de haut niveau avec 28 disciplines olympiques et paralympiques, c’est un peu sa deuxième famille. Ce passionné de sport en connaît les moindres recoins. Il avait déjà été pensionnaire des lieux, adolescent, dans la force de l’âge, où il avait fait des rencontres extraordinaires avec de futurs grands champions comme le judoka David Douillet. Car Ghani Yalouz est un homme de contacts, qui se nourrit des autres pour avancer. Ce qui ne l’empêche pas d’afficher des convictions, d’impulser des choses, à l’image de ce qu’il a fait comme directeur technique national au sein de la Fédération française d’athlétisme (FFA).
« Le sport m’a construit comme citoyen et j’ai fait mes études ici », expose Ghani Yalouz, toujours sourire aux lèvres. À l’Insep, la responsabilité est grande. Il a par exemple près de 300 adolescents sous sa responsabilité. « Cela fait 600 parents, glisse-t-il. On a augmenté la réussite au Bac avec des gamins qui doivent être bons à l’entraînement et à l’école (100% lors de la promotion 2019-2020, NDLR). Je suis conscient que l’on demande beaucoup à ces jeunes, mais on doit aussi leur donner un avenir, car une carrière sportive ne dure pas toute une vie ». Mais elle doit aussi marquer les esprits.
Un sportif de haut niveau, c’est de l’horlogerie suisse. Quatre-vingt-dix athlètes issus de l’Insep sont qualifiés pour Tokyo. « C’est beaucoup, mais c’est normal car c’est ici que l’on construit la plupart des champions », appuie ce meneur d’hommes, capable de transcender un groupe. « Il avait un impact psychologique fort avec un côté affectif et rassurant, a expliqué Teddy Tamgho, ex-champion du monde du triple saut (2013). J’ai eu des moments faciles et d’autres difficiles et il a été tout le temps à mes côtés », avait-il témoigné en 2017 dans le magazine Challenges. Comme DTN à la FFA, Ghani Yalouz avait laissé un palmarès unique avec comme point d’orgue les exceptionnelles moissons des Euros 2010 (18 médailles) et 2014 (23 médailles dont 9 en or, un record) et l’apothéose des JO de Rio en 2016 avec 6 podiums, du jamais-vu depuis 1948.
L’accompagnement psychologique, son combat
« Une médaille, c’est l’athlète, mais aussi tout ce qui va autour », concède-t-il. La vie d’un sportif a changé depuis son premier passage dans cette infrastructure devenue très moderne, comme le souligne Ghani Yalouz. « C’était un autre charme. C’était les années 1980, comme on dit. Maintenant le sport à impact fort dans la société et c’est quelque chose d’incontournable. Ici, on essaye de dégager une image positive des athlètes ». Si à son époque les méthodes étaient plus ou moins empiriques, aujourd’hui, tout est réglé au millimètre. « Un athlète de haut niveau, c’est une Ferrari », répète-t-il à volonté.
Pour arriver à toucher le Graal à Tokyo, pour chacun d’entre eux, aucun détail ne doit être négligé. Et Ghani Yalouz a mis en place l’une des choses les plus importantes à ses yeux : l’accompagnement psychologique. On se souvient qu’après l’annonce de l’annulation des Jeux en 2020, reportés en 2021, certains sportifs avaient carrément perdu le Nord.
« On ne peut pas dire à un athlète que si ça ne va pas, c’est dans sa tête. Il faut chercher les raisons et tenter de trouver des solutions. On est très en retard sur l’accompagnement mental. Souvent, ils sont seuls, et c’est là qu’il faut être présent. Quand un sportif perd, quand il doute, on ne doit pas lui lâcher la main. J’ai absolument voulu sortir la psychologie du sport du pôle médical pour l’intégrer dans le service performance. J’y tenais beaucoup. C’est une force d’être bien dans sa tête ». Le sommeil, la diététique, le mental, le bien-être, l’accompagnement humain. Ghani Yalouz dit s’intéresser à tout, et surtout, il garde sa porte ouverte. Son carnet d’adresses d’athlètes est aussi fourni que le palmarès de son ami Martin Fourcade.
L’Insep, une référence mondiale
Après plus de quatre années à la tête de l’Insep, l’homme est fier d’avoir un bilan économique positif, d’avoir réussi à faire entrer de nouveaux partenaires avec 13 millions de recettes, et d’avoir signé des conventions avec de grandes écoles pour donner un avenir professionnel aux sportifs. Mais il n’oublie pas de citer ses collaborateurs. Paradoxe, il n’aimait les sports collectifs enfant ! « Je ne sais pas tout faire, mais je sais m’entourer », soutient l’ancien champion. « Ghani Yalouz a prouvé qu’un ancien sportif pouvait aussi être un bon gestionnaire », commente l’un de ses proches collaborateurs.
Depuis la rénovation de 2009, l’Insep est devenu une référence dans le monde. « C’est un lieu de vie où l’on s’entraîne et où l’on étudie. C’est pour cela que je parle souvent de double cursus. C’est unique au monde. Nos jeunes peuvent devenir ingénieur ou autre chose. C’est aussi un lieu où l’on forme des entraîneurs. Nous ne sommes pas une « usine à champions ». Ici, on ne lâche personne. Si un athlète est blessé, on le soigne », assure Ghani Yalouz.
« J’ai été heureux ici. Je voulais valoriser les lieux. J’ai acté des choses essentielles, comme l’équité salariale, le travail sur le handicap, le dialogue social. Je sors riche de cet établissement que le monde entier nous envie », plaide celui qui est déjà prêt à relever de nouveaux défis. Ghani Yalouz sait que l’Insep restera toujours sa maison. Il n’aura jamais besoin de montrer patte blanche pour venir saluer les athlètes, le personnel, au cœur du bois de Vincennes, où il est fier d’avoir fait accrocher le portrait du célèbre Alain Mimoun, vainqueur du marathon des Jeux olympiques en 1956 à Melbourne. On reconnaît toujours ses pères.
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