A la Une

Omar Sy fait ses débuts sur scène au Festival d’Avignon, en nous lisant « Frère d’âme »

Venus deux heures à l’avance, ils étaient des centaines à faire la queue devant le musée Calvet afin d’assister à la lecture sur scène, par Omar Sy, du dérangeant et déchirant texte qui a valu à David Diop le Goncourt des lycéens et le très prestigieux International Booker Prize. Lecture qui était aussi une première théâtrale pour le comédien.

Sous les platanes de la majestueuse cour du musée Calvet, le silence était total lorsque Omar Sy, chemise blanche immaculée, est monté sur scène, concentré, pour se glisser immédiatement dans la peau de Alfa Ndiaye, jeune paysan africain engagé comme tirailleur sénégalais pendant la guerre de 14.

Omar Sy lit "Frère d'âme" de David Diop (Sophie Jouve)

Omar Sy lit "Frère d'âme" de David Diop (Sophie Jouve)

Parce qu’il a vu mourir son ami d’enfance dans des souffrances atroces, parce qu’il n’a pas voulu aider à mourir celui qui était pour lui comme un frère, le jeune homme perd peu à peu la raison et sombre dans une violence gratuite sur cette terre sans nom. « Ah, Mademba Diop ! Ce n’est que quand tu t’es éteint que j’ai vraiment commencé à penser. Ce n’est qu’à ta mort, au crépuscule, que j’ai su, j’ai compris que je n’écouterais plus la voix du devoir, la voix qui ordonne, la voix qui impose la voie. Mais c’était trop tard ».

Omar Sy donne corps à cette langue puissante, rythmée et poétique, comme le ferait un griot, mis en scène avec sobriété par Catherine Schaub (partenaire de Léonore Confino sur plusieurs pièces). Sy est accompagné par un merveilleux musicien, Issam Krimi, qui donne avec son piano et sa console un très beau et très juste contrepoint sonore à l’univers du texte.

Très applaudi après une heure de lecture habitée, Omar Sy s’est ensuite prêté de bonne grâce et avec sa générosité habituelle aux selfies d’un jeune public archi fan, puis aux questions des journalistes.

Omar Sy en séance selfies avec ses jeunes fans, le 10 juillet dans la cours du Musée Calvet à Avignon. (Sophie Jouve)

Omar Sy en séance selfies avec ses jeunes fans, le 10 juillet dans la cours du Musée Calvet à Avignon. (Sophie Jouve)

Ce texte de David Diop est comme un conte, avec une narration très particulière ?

Omar Sy Oui c’est un exercice particulier car ce texte est assez balaise. David Diop écrit extrêmement bien, il y a une pression parce que j’ai un respect profond pour les textes en général et celui-là encore plus parce qu’il m’a touché et que David Diop, l’auteur, était présent. Et puis c’est la première fois que je faisais ça, aussi. J’étais un peu « traqueux », comme on dit, et à un moment donné le trac se transforme en un truc indescriptible, on plane un peu et d’un coup on épouse le texte, on est en plein dedans, on traverse des choses encore plus profondes que quand on lit normalement, tranquillement, dans son canapé. C’est ce que j’aime quand je joue, et malheureusement ce texte-là, je ne peux pas le jouer autrement que comme ça : tout le monde le sait je vieillis (rire) et je ne peux pas interpréter Alfa, qui a une vingtaine d’années.

Qu’avez-vous ressenti en lisant ce texte pour la première fois ?

C’est assez dur de décrire ce genre de choc, ce genre d’émotion : il y a plein de choses qui me traversent, un peu de colère, de la curiosité, de l’étonnement. Des informations passent, on apprend des choses sur cette guerre qui sont assez méconnues.

C’est une cause qui vous tient à cœur, vous avez milité pour que ces tirailleurs obtiennent la naturalisation française ?  

Evidemment, c’est assez logique, je n’ai pas besoin d’expliquer pourquoi. C’est une injustice, ce n’est pas lié au lien que j’ai avec le Sénégal, c’est plus lié au lien que j’ai avec la France. Ces soldats se sont battus pour la France, on doit être reconnaissants. Dès qu’il y a moyen de raconter des histoires qui parlent de l’Histoire, ça m’intéresse.  

Cette lecture va-t-elle influencer votre travail sur votre prochain film  « Tirailleurs » ?

Cette lecture, on devait la faire l’année dernière et on n’a pas pu la faire. Il se trouve qu’au mois d’août je vais démarrer le film de Mathieu Vadepied « Tirailleurs » et en fait, de dire ce texte, c’est un peu comme le début de ma prépa on va dire, ça m’a d’autant plus intéressé. 

C’est la première fois que vous venez à Avignon ?

Je suis venu plusieurs fois à Avignon comme spectateur, mais c’est la première fois que je joue. Ca me donne envie de me reconnecter à ce public qui est toujours très sympa et chaleureux avec moi. 
 

Fictions France Culture en public
Du 9 au 18 juillet 2021
Cours du Musée Calvet


Continuer à lire sur le site France Info