A la Une

REPORTAGE. Tour de France 2021 : Andorre, la nouvelle principauté de la petite reine

À l’heure d’arriver en Andorre dimanche pour la 15e étape du Tour de France, ne parlez pas de « local » mais de « locaux de l’étape ». Depuis quelques années, de nombreux cyclistes professionnels ont posé leurs valises dans la principauté pyrénéenne. « Ça fait cinq ans maintenant, on a soixante coureurs résidents andorrans et donc licenciés auprès de notre fédération », révèle Gérard Riart, président de la-dite Fédération andorrane de cyclisme, sans trop entrer dans le détail.« On ne peut pas donner la liste, c’est un peu confidentiel. Mais je peux citer Julian Alaphilippe, Simon Yates ou Enric Mas ».

>> Suivez la 15e étape en direct sur france.tv

Des poids lourds du peloton auxquels on peut ajouter, entre autres, Dan Martin, Robert Gesink, Ben O’Connor ou encore Kenny Elissonde. Une densité impressionnante pour la principauté de 468 kilomètres carrés et 77 000 habitants.

Derrière le tabac détaxé et les stations essence, ce qu’on trouve le plus facilement en Andorre, ce sont donc les cyclistes professionnels, au même titre que les golfeurs et motocyclistes. Une petite sortie en voiture sur la route principale de la principauté suffit à s’en convaincre. En vingt minutes, on croise Thomas Pidcock (Ineos-Grenadiers) et Shane Archbold (Deceuninck-Quick Step) en plein exercice dans le port d’Envalira, mais aussi des coureurs de la Movistar, d’UAE-Team Emirates ou encore de Bahrain-Victorious. Du beau monde qui partage même un groupe WhatsApp pour organiser des sorties communes.

Thomas Pidcock en plein entraînement sur les routes d'Andorre. (AH)

Thomas Pidcock en plein entraînement sur les routes d'Andorre. (AH)

Jusqu’ici, le fief privilégié des cyclistes professionnels était Monaco, une autre principauté, plus clinquante. « C’est Joaquim Rodriguez qui est venu en premier en Andorre. Il était au top mondial. Il en a parlé dans le peloton, et puis finalement c’est le bouche-à-oreille qui fait qu’on en est là aujourd’hui », retrace Gérard Riart. Cinq ans plus tard, des équipes comme Movistar et Bahrain-Victorious y ont même pris leurs habitudes. 

Un des points communs d’Andorre avec sa « rivale » monégasque, c’est sa fiscalité avantageuse. Une réputation dont la principauté tente de se détacher, mais qui pèse quand même dans la balance, avec un impôt sur le revenu plafonné à 10% et une TVA à 4,5%. « C’est un des bénéfices de vivre en Andorre mais les sportifs professionnels ne viennent pas pour ça. Ils apprécient la sécurité, en Andorre, tu peux laisser ta voiture ouverte, on ne te la volera pas », assure Silvia Riva Gonzalez, ministre des Sports et la Culture, qui s’attarde plus sur le statut de résident spécifique réservé aux sportifs, chercheurs et artistes.

« Ils ont un permis de résidence en raison de leur activité de sportif professionnel. Ils ne sont pas obligés de passer 183 jours par an en Andorre, et ils ne sont pas concernés par les investissements requis pour un résident classique. »

Silvia Riva Gonzalez

à franceinfo

Paradis fiscal ou pas, les coureurs ont bien d’autres raisons d’élire domicile dans la principauté. Andorre est précisément nichée au cœur du massif, ce qui en fait un îlot de tranquillité. « Ici, il y a peu de gens, et ceux-ci dérangent peu les coureurs pour des photos ou des autographes. Ils apprécient ce calme et la tranquillité de vie, sans parler du climat clément, même l’hiver, qui leur permet de rouler presque toute l’année », énumère Gérard Riart.

C’est aussi un terrain de jeu idéal pour les cyclistes, dans un pays qui culmine entre 1 000 et 2 400 mètres d’altitude, avec plusieurs cols exigeants parfaits pour les entraînements comme ceux d’Ordino-Arcalis, de la Gallina, de Cabus sans oublier le Port d’Envalira et le col de Beixalis empruntés par le Tour cette année.

La vue depuis le sommet du Port d'Envalira, porte d'entrée en Andorre depuis la France et toit du Tour 2021 avec ses 2 409 mètres d'altitude. (AH)

La vue depuis le sommet du Port d'Envalira, porte d'entrée en Andorre depuis la France et toit du Tour 2021 avec ses 2 409 mètres d'altitude. (AH)

À ces routes montagneuses en parfait état, le gouvernement andorran ajoute des infrastructures sportives modernes accessibles aux professionnels. « Andorre est un centre de haut niveau sportif, on trouve des installations partout en plus de la nature qui offre ce cadre », résume Silvia Riva Gonzalez. Il faut dire que le gouvernement a érigé le sport en « secteur d’intérêt national « , permettant aux sportifs de vite reprendre leur activité après le premier confinement.

« Le sport est une question de santé publique, mais pas que. Notre économie est basée sur le sport, via le tourisme, le ski. Beaucoup de nos entreprises sont liées au monde du sport. »

Silvia Riva Gonzalez

à franceinfo

Sur les 77 000 habitants, 10 000 sont licenciés dans l’une des 40 fédérations andorranes, dont 3 000 en football, et 300 en cyclisme. « On estime à 3 000 le nombre de cyclistes en Andorre, on essaye de les attirer vers la fédération », explique Gérard Riart. Pour cela, le président s’appuie notamment sur les pros établis dans ces vallées. « Depuis que les pros vivent ici, les jeunes Andorrans sont plus motivés. Si tu sors pour rouler, tu as de grandes chances de croiser des professionnels sur les routes, ce qui n’arrivait jamais avant. Certains viennent aussi à des compétitions de jeunes quand ils sont disponibles, ils participent bien à la vie du cyclisme andorran ».

Une cyclotouriste s'attaque au col de Beixalis à Andorre.  (AH)

Une cyclotouriste s'attaque au col de Beixalis à Andorre.  (AH)

De quoi redonner vie à une équipe cycliste aux couleurs de la principauté, comme l’éphémère équipe Andorra-Grandvalira en 2009 ? « C’est trop cher, tempère Gérard Riart. Notre but est de faire émerger des cyclistes andorrans. Si on a un coureur qui a le niveau, alors on le fait passer en pro dans une autre équipe. C’est plus facile, et logique, que de faire une équipe aux couleurs andorranes avec des coureurs venus d’ailleurs ».

Point d’orgue de cette nouvelle idylle entre le vélo et Andorre, le peloton du Tour de France 2021 qui arrive dimanche en principauté et en repart mardi, après une journée de repos. « Depuis que je suis directeur, on a fait (des étapes en) 2009, 2016 et là 2021. On suit une certaine forme de logique. On a des liens réguliers avec la principauté où on est toujours bien accueillis, avec des pentes très, très raides », résume Christian Prudhomme, le directeur du Tour de France. Son acolyte, Thierry Gouvenou, le directeur du Tour, ajoute : « Il y a des facilités d’hébergement en Andorre qu’on retrouve peu dans les Pyrénées, à part à Pau. C’est un bon point de chute avec des cols sympathiques. On commence à prendre nos repères. » Un peu comme les « Andorrans » du peloton.

« Alaphilippe connaît par cœur la dernière descente, il habite dedans ! Quand j’ai fait le repérage j’ai croisé un paquet de coureurs, ils doivent être sensibles à cette arrivée chez eux. »

Thierry Gouvenou

à franceinfo

Les coureurs de la principauté ont-ils milité pour cette arrivée ? Pas du tout selon Christian Prudhomme : « Le seul qui l’ait fait, c’était Mark Cavendish pour le Yorkshire. Sinon Tom Dumoulin m’a souvent parlé du Limbourg aussi pour un Grand Départ de Maastricht ». Pour la ministre des Sports andorrane, c’est même l’inverse : « Peut-être que les passages du Tour et de la Vuelta ont aidé à ce qu’Andorre devienne un pays d’accueil pour les cyclistes professionnels ». Quoi qu’il en soit, les « locaux » seront légion dimanche, mais un seul pourra s’imposer sur ses terres d’adoption.


Continuer à lire sur le site France Info