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DOCUMENT FRANCE 2. Affaire Booba-Berdah : ce qu’a dit l’influenceuse aux enquêteurs dans sa plainte contre le rappeur

« Je n’en peux plus. Je ne dors plus depuis quatre jours. J’ai peur pour moi et ma famille, je suis à bout. » Nous sommes le 25 mai 2022 lorsque Magali Berdah prononce ces mots devant un agent de police judiciaire. La « papesse des influenceurs » vient de franchir la porte d’un commissariat parisien pour porter plainte contre Booba et contre X. Selon le procès-verbal de son audition, que « Complément d’enquête » a pu consulter, elle accuse le célèbre rappeur français installé à Miami (Floride) et son « armée » d’internautes de se « déchaîn[er] » sur ses « réseaux » sociaux depuis plusieurs jours.

>> « Arnaques, fric et politique : le vrai business des influenceurs« , regardez « Complément d’enquête » jeudi 8 septembre sur France 2

Une enquête pour des chefs de « menace, harcèlement et provocation à commettre une atteinte à l’intégrité de la personne en raison de sa religion ou de son sexe » est ouverte dans la foulée par le parquet de Paris et confiée au nouveau pôle national de lutte contre la haine en ligne du tribunal judiciaire de la capitale.

Tout est parti d’une histoire de fausse montre. Fin décembre 2021, Booba est pris à partie depuis Dubaï par l’ex-candidat de télé-réalité Marc Blata sur une prétendue contrefaçon à son poignet. Piqué au vif, le rappeur s’improvise lanceur d’alerte sur les arnaques en vogue dans l’univers des influenceurs et influenceuses d’Instagram et consorts. De fil en aiguille, Élie Yaffa, de son vrai nom, remonte jusqu’à l’une des « papesses » de ce petit monde virtuel, Magali Berdah. A la tête de Shauna Events, une entreprise créée en 2016, elle fait l’intermédiaire entre des marques et des égéries de télé-réalité, moyennant un pourcentage au passage.

Selon le « duc de Boulogne », qui a lancé un hashtag #influvoleurs2022 et ouvert une boîte mail du même nom, nombre d’acheteurs crédules, pour certains mineurs, n’ont jamais vu la couleur de leurs commandes (produits de beauté, Playstation, montre connectée…), sans être remboursés, ou ont reçu des articles contrefaits. A partir de dizaines de témoignages, dont « Complément d’enquête » a également pris connaissance, il a porté plainte à la fin juillet avec son avocat Patrick Klugman pour « pratiques commerciales trompeuses » et « escroquerie en bande organisée ». Saisi du dossier fin août, le parquet de Grasse a confié l’enquête, selon nos informations, au commissariat d’Antibes.

Mais la démarche de l’auteur de l’album Ultra n’en est pas restée au plan judiciaire. Magali Berdah se dit victime d’une véritable cabale de la part du rappeur, fort de « 7 millions d’abonnés » sur les réseaux. La chroniqueuse de « Touche pas à mon pote », qui en compte « 2,7 millions », cite lors de son dépôt de plainte l’un des tweets du rappeur qui a mis le feu aux poudres le 17 mai : « @CyrilHanouna, Pourquoi autorises-tu des pédo-sociopathes et des voleuses, arnaqueuses, manipulatrices à participer à ton émission ? Un très mauvais exemple pour le peuple. Le peuple n’est pas content et il s’est mobilisé. Avec ou sans moi, une armée s’est réveillée. Attention… »

A partir de ce moment, la businesswoman dit avoir reçu « plusieurs centaines de messages et de menaces de mort », dont certains à « caractère antisémite », Magali Berdah étant de confession juive. Des internautes vont jusqu’à parler, selon sa plainte, de « lapidation » et de « décapitation comme Samuel Paty », cet enseignant assassiné par un terroriste en octobre 2020 à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). Son numéro de téléphone est diffusé en ligne, elle reçoit des « appels téléphoniques malveillants », « quasiment un par minute sur certaines tranches horaires », assure-t-elle. En possession d’un certificat médical « qui constate un état de stress et d’anxiété », la quadragénaire sollicite une mise sous protection policière pour elle et sa famille.

Une demande étayée par son avocat à trois reprises auprès des autorités compétentes. Maitre Antonin Gravelin-Rodriguez signale que deux filles mineures de Magali Berdah ont reçu un mail leur réclamant 5 000 euros sous peine de dévoiler les adresses postales de leur mère et qu’une nouvelle plainte va être déposée pour extorsion de fonds. Le 26 juin, il alerte sur le fait que l’adresse parisienne de sa cliente a finalement été publiée par le compte instagram « la piraterie ou rien » avec « l’étage, la porte palière, la photo de son chien, des images du salon de l’appartement ». Cette demande de protection policière sera refusée.

A nouveau entendue par les policiers le 8 juillet, Magali Berdah explique avoir dû déménager et embauché deux agents de sécurité. Le compte Instagram de l’un d’entre eux a été divulgué, avec son emploi du temps. Se plaignant de « troubles du sommeil », elle estime « à entre 10 et 20 000 le nombre de message reçus depuis le 17 mai » avec les hashtags (mots-clés) #OKLM (le nom d’un compte Instagram de Booba), #Booba et #LaPiraterie (le nom du label du rappeur).

« J’ai peur qu’on vienne chez moi me cambrioler, violenter mes enfants, mon mari et moi, ou qu’on vienne chez nous la nuit. J’ai peur quand je suis dans la rue que quelqu’un ne vienne et ne me fasse du mal. Du coup, j’évite de sortir de chez moi. »

Magali Berdah

aux enquêteurs

Déclarant être sous « anxiolytiques », « depuis le 22 juin », elle affirme avoir « eu plus de 8 jours d’ITT ». « Je suis très solide mais là c’est très dur. Je veux qu’il me laisse vivre, sa vie ne m’intéresse pas », lance-t-elle au sujet de Booba. Magalie Berdah mentionne devant les enquêteurs de nouveaux messages du rappeur, l’accusant notamment de lui avoir « envoyé le Mossad ».

L’entourage de l’influenceuse continue à être ciblé, selon son avocat. Dans un courrier en date du 25 juillet, Antonin Gravelin-Rodriguez signale à la justice des appels malveillants à la mère de Magali Berdah et l’agression de sa fille de 14 ans à Paris le soir du 14 juillet, à bord de sa voiture sans permis. « Des individus l’auraient saisie par les cheveux et lui auraient asséné des coups de poing », rapporte le pénaliste, précisant que l’adolescente n’a pas fait constater ses blessures mais qu’une nouvelle plainte va être déposée. Il relaie également un nouveau message de Booba visant sa cliente sur Twitter : « Plus tu agonises, plus ça m’excite. »

Loin de s’en tenir, elle aussi, à la réplique judiciaire, Magali Berdah a utilisé les réseaux sociaux et le plateau de « TPMP » pour dénoncer le harcèlement dont elle se dit victime de la part de Booba et défendre sa société Shauna Events. Avec ses avocats, elle a obtenu la fermeture de l’un des comptes Instagram du rappeur. Ce dernier a intenté une action en justice pour obtenir son rétablissement et porté plainte pour « diffamation et dénonciation calomnieuse ».

« Mon client n’est en rien responsable de ces faits et de ses agissements. Et madame Berdah, qui prend parfois quelques libertés avec la rigueur, n’a jamais osé prétendre l’inverse et nul n’a jamais attribué à Booba le moindre propos antisémite », a réagi l’avocat de l’artiste, Patrick Klugman, dans un communiqué.

« Booba est dans la dénonciation d’un fait de société dangereux : la culture du vide et des escroqueries qu’elle rend possible. »

Patrick Klugman, avocat du rappeur

dans un communiqué

Après des mois de guerre virtuelle par réseaux et médias interposés, Magali Berdah et Booba pourraient bien finir par se rencontrer devant un tribunal. 


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