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La reine Elizabeth II est morte à l’âge de 96 ans, après 70 années de règne, annonce Buckingham Palace

Elle a régné pendant plus de 70 ans. La reine Elizabeth II est morte, jeudi 8 septembre, à l’âge de 96 ans. La souveraine, qui régnait sur le Royaume-Uni depuis le 6 février 1952, a battu le record de longévité sur le trône britannique, surpassant ainsi sa trisaïeule, la reine Victoria. Traversant deux siècles, la monarque s’est attelée, tout au long de son règne, à assurer la longévité et la stabilité de la dynastie des Windsor.

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Pourtant, quand Elizabeth naît, au cœur d’un printemps froid et pluvieux, le 21 avril 1926, rien ne la destine à régner. Son père Albert, fils de George V, est le cadet de la famille. C’est donc son frère aîné David qui est amené à prendre la tête de l’Empire britannique. A la mort de « grand-père Angleterre », comme le surnomme affectueusement la petite « Lilibeth », David devient le roi Edouard VIII avant d’abdiquer, en décembre 1936, pour se marier à une femme divorcée. Le père d’Elizabeth, devenu George VI, monte sur le trône. C’est ainsi qu’Elizabeth se retrouve héritière directe de la couronne. Elle accède au trône après la mort de son père. Elle n’a alors que 26 ans.

Le règne d’Elizabeth II débute sur une rupture notable. Le 2 juin 1953, les fastes de l’abbaye de Westminster crèvent le petit écran, à l’occasion du couronnement grandiose de la reine. Pour la première fois, sur insistance de son mari Philip Mountbatten, et malgré les réticences du palais, de l’archevêque et du gouvernement, la cérémonie est retransmise à la télévision et traduite dans 44 langues.

La reine Elizabeth II accompagné du prince Philip lors de son couronnement, le 2 juin 1953, à l'abbaye de Westminster. (STF / INTERCONTINENTALE / AFP)

La reine Elizabeth II accompagné du prince Philip lors de son couronnement, le 2 juin 1953, à l'abbaye de Westminster. (STF / INTERCONTINENTALE / AFP)

Dans la galerie de l’abbaye se tient Winston Churchill, le Premier ministre et héros de la Seconde Guerre mondiale, qui a formé la jeune Elizabeth. Drapée dans un manteau d’hermine dorée, la reine revêt une robe décorée de pierres précieuses et de perles. Une lourde couronne est posée sur sa tête. 

« En regardant cette toute petite silhouette, la lourde hermine, la couronne pesante, on pouvait sentir toute la lourdeur de la charge à venir. C’était très émouvant. »

Mary Soames, fille de Winston Churchill

citée dans le livre « Elizabeth II. Une vie, un règne »

Rapidement, les difficultés surgissent pour la jeune monarque, confrontée à la délicate tâche d’assurer la pérennité de la monarchie parlementaire. Pour cela, Elizabeth II entend prouver sa légitimité. Dans les années 1950, la reine refuse le mariage – pourtant très populaire – de sa sœur Margaret avec Peter Townsend, un officier de la Royal Air Force, divorcé. Elle pense sauver la monarchie, mais s’attire déjà des critiques.

La reine Elizabeth II, le prince Philip et leurs trois enfants posent dans le jardin de leur château de Balmoral (Ecosse), le 9 septembre 1960. (AFP)

La reine Elizabeth II, le prince Philip et leurs trois enfants posent dans le jardin de leur château de Balmoral (Ecosse), le 9 septembre 1960. (AFP)

A la même époque, le couple royal est la cible de rumeurs. On prête des infidélités au prince Philip. Les tabloïds commencent à s’interroger sur l’utilité des membres de la famille royale. « Que font-ils ? Ils se rendent les uns les autres des visites de courtoisie ? Ils se tournent les pouces ? » se demande ainsi le Daily Mirror*. Le front diplomatique n’offre pas de répit à Elizabeth II : la reine doit faire face à l’échec cuisant de l’expédition franco-britannique pour reprendre le canal de Suez, en Egypte, en mai 1956.

Les années 1960 marquent un fléchissement dans la popularité de la reine. La famille royale paraît déconnectée du peuple. Pour sauver son image, Buckingham commande à la BBC un documentaire sur le quotidien de la famille royale. Dans Royal Family, sorti en 1969, Elizabeth est mise en scène avec Philip et leurs enfants, lors d’un barbecue. La diffusion est un succès d’audience. « Le rideau s’est levé sur la vie privée de la famille royale, avec son consentement, avec son approbation, et même sous son contrôle », écrit le journaliste Marc Roche dans son livre Elizabeth II. Une vie, un règne (éd. Tallandier).

L’année 1977 marque une année faste pour la monarchie qui peut mesurer la restauration de sa popularité lors du Jubilé d’argent de la reine, pour fêter ses 25 ans sur le trône. Un million de personnes acclament le couple royal entre Buckingham et la cathédrale Saint-Paul. Près de 500 millions le suivent à la télévision. Cette ferveur populaire côtoie toutefois l’irrévérence incarnée par les Sex Pistols. Le groupe punk détourne God Save The Queen en un véritable brûlot contre la reine et qualifie son règne de « régime fasciste ».

Selon la formule consacrée, la reine « règne mais ne gouverne pas ». Elle ne vote pas et reste neutre politiquement. Mais ses rapports avec Margaret Thatcher sont plutôt froids. En 1986, Elizabeth II va jusqu’à faire savoir dans la presse qu’elle craint l’éclatement du Commonwealth si la Dame de fer ne sanctionne pas l’apartheid en Afrique du Sud, rapporte L’Obs.

Les années 1980 sont aussi celles du « mariage du siècle » entre le prince Charles et Diana Spencer, issue de l’aristocratie britannique. Un mariage grandiose, où le carrosse « Cendrillon » est de sortie… mais un mariage d’intérêt plutôt que d’amour. De cette union naissent deux enfants, William et Harry. La succession au trône est assurée, mais, rapidement, le couple se déchire et fait vaciller le royaume. 

« Lady Diana Spencer sera sans doute le personnage qui aura le plus lourdement compté dans le très long règne d’Elizabeth II. (…) On ne peut nier le fait qu’elle ait mis en péril la stabilité de la monarchie britannique. »

Marc Roche

dans « Elizabeth II. Une vie, un règne. »

Lors de sa traditionnelle allocution de Noël, la reine Elizabeth qualifie elle-même l’année 1992 d’« annus horribilis ». Trois de ses quatre enfants se séparent. Un incendie ravage le château de Windsor. Les tabloïds sont avides de détails sur les membres du clan royal, surtout sur le prince Charles et « Lady Di ». Cette dernière règle ses comptes dans une biographie, sortie en 1992

« Le jour de mon mariage, j’étais un agneau qu’on mène à l’abattoir », raconte-t-elle. Elle évoque une famille royale « froide et insensible ». Le livre fait aussi état de la relation que Charles entretient depuis toujours avec Camilla Parker Bowles, avec qui il finira par se marier en 2005. Des extraits d’enregistrements, contenant des détails scabreux entre Charles et Camilla, sont publiés. L’opinion est choquée. Et pour ne rien arranger, la presse dénonce l’exemption d’impôts de la famille royale.

En 1997, la mort brutale de Diana dans un accident de voiture sous le pont de l’Alma, à Paris, ébranle le royaume. Elizabeth II apprend la nouvelle, la nuit du 31 août, depuis son château de Balmoral, en Ecosse, où elle se trouve avec le prince Charles, William et Harry. La souveraine s’enferme dans un mutisme alors que tout un peuple pleure sa princesse, suscitant l’incompréhension. « La famille royale nous a laissé tomber », titre The Sun.

Poussée par le Premier ministre travailliste Tony Blair, la reine se résout à accorder des funérailles nationales à Diana et à mettre en berne le drapeau britannique à Buckingham. Le 5 septembre, elle prononce une allocution télévisée où elle rend un hommage à son ex-belle fille. Le lendemain, les obsèques de Diana sont suivies par des millions de Britanniques. Au passage du cercueil, la reine consent à incliner légèrement la tête. Avec ces quelques gestes, Elizabeth II restaure finalement la confiance d’un peuple dans sa monarchie.

La reine Elizabeth et son mari le prince Philip devant les fleurs déposées sur le parvis du palais de Buckingham en mémoire de Diana, le 5 septembre 1997. (AP / SIPA)

La reine Elizabeth et son mari le prince Philip devant les fleurs déposées sur le parvis du palais de Buckingham en mémoire de Diana, le 5 septembre 1997. (AP / SIPA)

Buckingham recrute alors son premier directeur de la communication dans le secteur privé. Une nouvelle ère s’ouvre. « Depuis la mort de Diana, il y a eu une prise en main de la communication et des efforts très nets de modernisation, analyse l’historien Charles-François Mathis, contacté par franceinfo. Pour perdurer, Elizabeth a bien compris la nécessité d’être en prise avec son époque. »

En 2011, alors qu’Elizabeth II approche des 60 ans de règne, le mariage de William et de Kate Middleton, roturière de son état, symbolise le renouvellement de la monarchie britannique, laquelle conquiert le cœur d’une nouvelle génération de sujets. En 2012, un million de Britanniques participent à un pique-nique géant dans les rues et les parcs de Londres, pour célébrer le Jubilé de diamant de la reine.

La même année, lors de l’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques de Londres, Elizabeth II se met carrément en scène dans une vidéo aux côtés de James Bond.  

Au fil des ans, la reine passe progressivement le relais à son fils Charles, mais aussi à ses petits-enfants. Moins intransigeante, elle permet au prince Harry ce qu’elle avait refusé à Margaret : en 2018, son petit-fils épouse une jeune femme divorcée (et américaine, de surcroît), Meghan Markle.   

« Elle a réussi à faire évoluer la famille avec son temps. C’est incroyablement important. Vous ne pouvez pas rester coincé dans le passé quand tout change autour de vous. »

Le prince Harry

dans « Le Figaro »

Mais le couple va trop vite pour le rigoureux protocole auquel est soumise la famille royale. Harry et Meghan, désormais parents d’un petit Archie, refusent de sacrifier leur bonheur au strict protocole qui encadre la vie des héritiers de la Couronne et veulent une bonne fois pour toutes se protéger des tabloïds, intransigeants avec la duchesse de Sussex. Début janvier 2020, le couple prend ses distances avec le clan des Windsor et annonce avec fracas sa décision de renoncer à son rôle de premier plan pour s’installer une partie de l’année en Amérique du Nord. Cette rupture sans précédent ébranle Buckingham, où l’on découvre la nouvelle tardivement. 

Quelques jours plus tard, Andrew, le duc d’York, troisième fils d’Elizabeth II, accusé de viol par une jeune femme alors mineure, en 2001, est mis à l’écart de la famille. Ses liens avec le milliardaire américain Jeffrey Epstein, soupçonné de pédophilie, ternissent encore l’image de la famille royale. 

L’année qui suit éprouve tout le Royaume-Uni. Dès le mois de mars, l’épidémie de Covid-19 s’abat sur l’Europe. La reine et les siens se retrouvent pour l’essentiel coupés de leurs sujets pendant de longs mois et doivent, eux aussi, affronter le virus, qui touche notamment le prince Charles au printemps. Avec son mari, Philip, Elizabeth II passe l’année au château de Windsor, isolée de la plupart de ses proches. Quand elle présente ses vœux, le 31 décembre 2020, un nouveau variant du virus se répand à travers le royaume, laissant planer le spectre d’un autre confinement rigoureux. Dans son allocution, la souveraine de 94 ans évoque une année « empreinte de tristesse » et s’adresse à un pays moralement ébranlé. 

« Certains pleurent la perte d’un être cher, amis et famille manquent à d’autres, alors qu’ils voudraient pour Noël une simple étreinte ou une pression de la main. Si c’est votre cas, vous n’êtes pas seul. Même dans les nuits les plus sombres, il y a de l’espoir. »

Elizabeth II, reine d’Angleterre

lors de son allocution du 31 décembre 2020

Un discours pour encourager et consoler la nation dans l’épreuve. Mais quelques mois plus tard, c’est à la nation de consoler la reine. Le 9 avril, le duc d’Edimbourg meurt à l’âge de 99 ans, dont plus de 70 passés au côté de son épouse. En raison de l’épidémie de Covid-19, les funérailles se déroulent dans l’intimité, la procession étant retransmise à la télévision. Seules 30 personnes assistent physiquement à la messe qui se déroule dans la chapelle Saint-George, au château de Windsor, autour de la reine, masquée et vêtue de noir. 

La cérémonie de funérailles du prince Philip était limitée à 30 personnes en raison de l'épidémie de Covid-19. La reine, masquée, se trouvait donc un peu esseulée dans la chapelle Saint-George. (JONATHAN BRADY / AFP)

La cérémonie de funérailles du prince Philip était limitée à 30 personnes en raison de l'épidémie de Covid-19. La reine, masquée, se trouvait donc un peu esseulée dans la chapelle Saint-George. (JONATHAN BRADY / AFP)

Diminuée, Elizabeth II délègue une part croissante de ses fonctions à son fils Charles, lequel prononce, en mai, à sa place pour la première fois le discours du trône au Parlement, l’une de ses fonctions constitutionnelles essentielles. Début juin, les Britanniques célèbrent pendant quatre jours les 70 ans de règne de leur souveraine, la plus âgée du monde en exercice. La monarque est cependant quasi absente de son jubilé de platine, ne se montrant qu’à deux brèves reprises au balcon du palais de Buckingham devant des dizaines de milliers de personnes.

Souriante mais appuyée sur la canne qu’elle ne quitte plus lors de ses désormais rares apparitions publiques, la reine a officialisé, début septembre, la nomination de Liz Truss au poste de Première ministre, son 15e chef de gouvernement. Elle avait décidé de rester à Balmoral au lieu de rentrer à Londres où se passe d’habitude la transition en raison de ses problèmes de santé.

Tout au long de son règne, la souveraine est restée fidèle au « serment du Cap », prêté à l’occasion de son 21e anniversaire, en avril 1947. « Je consacrerai toute ma vie, qu’elle soit longue ou courte, à votre service et au service de la grande famille impériale à laquelle nous appartenons », promettait alors la princesse héritière. Elle laisse derrière elle quatre enfants, huit petits-enfants, douze arrière-petits-enfants et quelque 130 millions de sujets. 


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